Après le procès d’Hissène Habré, l’ancien président gambien, Yahya Jammeh, actuellement exilé en Guinée-Equatoriale, est dans le viseur de Human Rights World. Reed Broddy et Trial International s’activent pour l’extradition et le jugement de l’ex-homme fort de Banjul en terre ghanéenne, suite au massacre de 56 migrants.
Les 22 années de pouvoir de Yaya Jammeh ont été marquées par des abus généralisés, notamment des disparitions forcées, des exécutions extrajudiciaires, des violences sexuelles et des détentions arbitraires. Exilé en Guinée-Equatoriale, des activistes et des défenseurs de droits de l’homme veulent le jugement de l’ancien chef de l’Etat gambien au Ghana, pour le massacre des 56 migrants ouest africains. Ils découlent des enquêtes réalisées par Trial International et Human Rignt World qu’en juillet 2005, 44 migrants d’origine ghanéenne et 12 autres migrants ouest africains dont deux Sénégalais ainsi que des citoyens du Nigéria, de la Côte d’Ivoire et du Togo ont été massacrés en Gambie. La plupart des victimes ont été enterrées en territoire sénégalais, plus précisément en Casamance. C’est pour cela qu’un appel a été lancé à l’endroit des autorités sénégalaises, pour jouer aux diplomates en vue de l’extradition de Jammeh à Accra et la tenue du procès au Ghana. C’est en tout cas l’appel lancé hier par ces organismes de défense des droits de l’homme au cours d’une conférence de presse.
Côté judiciaire, deux commissions d’enquête ont été constituées en 2006 à l’initiative du Ghana et en 2008 par les Nations-unies et la Cedeao. Mais, déplore Reed Broody, «les officiels gambiens ont obstrué les enquêtes en détruisant les preuves qui auraient pu incriminer le régime de Jammeh». Aucun des deux rapports, précise-t-il, «n’a été rendu public». A l’instar du procès de Habré qui s’est déroulé au Sénégal, la poursuite de Jammeh au Ghana pour le massacre des 56 migrants, selon Human Right World, participerait à une lutte contre l’impunité en Afrique. Le rapport, basé sur de nombreux entretiens dont onze avec des officiers directement impliqués dans l’incident ainsi que des interviews radiodiffusées d’anciens Junglers (garde rapprochée de Jammeh), révèle que les migrants étaient soupçonnés d’être des mercenaires visant à renverser l’ex-président gambien. L’inspecteur général, Ousman Sonko, actuellement détenu en Suisse sous l’inculpation de crimes contre l’humanité, a alors reçu un appel l’informant que des étrangers venaient d’être appréhendés.
Récits bouleversants des rescapés
Les migrants ont ensuite été transférés au quartier général de la marine gambienne, à Banjul. Dans la nuit du 23 au 24 juillet 2005, renseigne toujours le document, huit migrants ont été tués sur une plage au sud ouest de Banjul. Un ancien Jungler a d’ailleurs indiqué que sept de ses collègues, assistés de plusieurs militaires, ont tué les migrants à l’aide de machettes, de haches, de couteaux et de bâtons. Les autres migrants, au nombre de 45 environ, ont été gardés dans différents lieux de détention à Banjul. Une semaine plus tard, plusieurs Junglers les ont conduits vers Kanilai, fief du président Jammeh. Bai Lowe, ancien Jungler repenti, a révélé qu’un des Junglers a littéralement découpé en morceaux un migrant fugitif avec son coutelas. De l’autre côté de la frontière, dans la région sénégalaise de Casamance, deux Junglers ont couverts la tête des migrants avec des sacs en plastique et les ont abattus. Les cadavres ont été jetés dans un puits remplis, plus tard, de pierres pour effacer les preuves de ce massacre.
Magib GAYE