Adopté par le gouvernement du Sénégal le 6 Juin 2018 en conseil des ministres, le projet de loi portant Code des communications électroniques, inquiète les observateurs de la liberté d’expression au Sénégal à cause d’articles vicieux, imprécis et problématiques qui le composent.
Ndiaga GUEYE de l’Association sénégalaise des utilisateurs des Tic (ASUTIC), monte au créneau à travers cette tribune publiée par infosansfrontieres.com pour dénoncer ce projet de loi qui sonne comme un recul démocratique au Sénégal. Avec en ligne de mire, son article 27 qui menace l’accès à certains réseaux sociaux dont WhatsApp, Viber, Youtube, etc.
« Le Projet de loi portant Code des communications électroniques, adopté par le Gouvernement du Sénégal en conseil des ministres du 06 Juin 2018, en plus de contenir beaucoup d’articles problématiques, imprécis, flous, et des manquements délibérés comporte des dispositions qui menacent l’accès des Sénégalais aux applications de téléphonie par internet.
En effet, le dernier paragraphe de l’article 27 du code dispose : « L’Autorité de régulation peut autoriser ou imposer toute mesure de gestion du trafic qu’elle juge utile pour, notamment, préserver la concurrence dans le secteur des communications électroniques et veiller au traitement équitable de services similaires. »
WhatsApp, Viber, Messenger, Skype, menacés
Cette disposition met en péril un internet ouvert et libre au Sénégal. Elle donne ainsi à l’ARPT et aux opérateurs, le pouvoir de bloquer, ralentir, filtrer ou encore surveiller l’accès à WhatsApp, Viber, Messenger, Skype et autres applications de téléphonie en ligne pour préserver les intérêts des opérateurs de téléphonie mobile au détriment des intérêts des utilisateurs sénégalais. A l’inverse, ils peuvent aussi les favoriser, mettre en avant, ou imposer, c’est la discrimination, en somme un internet à deux vitesses, un pour les riches et un autre pour les pauvres dans un pays ou la fracture numérique est déjà béante.
Cette disposition constitue donc un danger pour le développement de l’économie numérique en particulier pour la jeunesse de ce pays. Cette jeunesse ambitieuse, en quête de revenus, s’active dans l’entreprenariat numérique (les startups) pour survivre en produisant des web-vidéos, des séries TV sur Youtube, les médias en ligne, etc.
Aussi, l’aboutissement de ce projet de remise en cause de l’accès ouvert à l’internet constituera un frein au développement de toutes les entreprises sénégalaises qui dépendent du numérique en particulier les secteurs vitaux pour le développement du pays : la santé et l’éducation.
Aujourd’hui, le Sénégal est le seul pays africain et l’un des rares pays au monde à vouloir mettre fin à un internet ouvert. La tendance mondiale est l’inscription d’un internet neutre dans la loi et mieux encore certains pays vont l’inscrire dans leur constitution afin que sa remise en cause ne dépende pas de la volonté d’un gouvernement. Ainsi, avec l’article 27 de ce code, le Sénégal prend le chemin inverse des pays qui s’inscrivent dans la dynamique d’utiliser le numérique comme moteur de leur développement.
Si cette loi est votée par l’Assemblée Nationale, l’ARTP et les opérateurs décideront désormais de ce que les Sénégalais doivent voir et faire sur internet. La liberté d’expression, le libre accès à l’information, la liberté de choix des utilisateurs et le pluralisme des médias ainsi que la compétitivité et l’innovation sont aujourd’hui menacés au Sénégal.Que les députés amendent l’article 27 du Code des communications
Légaliser et entamer un processus de surveillance, de filtrage, de censure c’est mettre le doigt dans un engrenage dangereux. Aujourd’hui, c’est le blocage des OTT (Viber, Whatsup, etc), le filtrage de contenus jugés gênants, demain, ce sera une surveillance des correspondances privées des citoyens, des opposants politiques, des journalistes ou encore des lanceurs d’alertes. Une fois que les outils de surveillance sont installés sur les réseaux, il peut être tentant d’étendre leur usage.
Face à cette évolution que le Gouvernement veut imprimer au cadre juridique de l’accès à internet au Sénégal, nous demandons aux honorables députés représentants du peuple sénégalais, de veiller aux respects de la liberté d’expression et d’information des Sénégalais, à la protection et la promotion de l’économie numérique en amendant l’article 27 du projet de loi portant Code des communications électroniques par la suppression de son dernier paragraphe ».