L’application du permis à points au Sénégal fait jaser. Si le Syndicat des travailleurs des transports routiers (Sttrs) se braque contre cette mesure, c’est qu’il soupçonne l’Etat du Sénégal de vouloir lui tendre un piège en lançant la numérisation du titre de transport.
Gora Khouma et ses camarades promettent, le moment venu, de faire face.
Les nombreux accidents avec leur lot de victimes ont poussé les autorités sénégalaises à se lancer dans une vaste campagne de lutte contre l’insécurité routière. Des séries de mesures ont ainsi été prises par les pouvoirs publics pour combattre le mal à la racine. Notamment, par la numérisation du titre de transport. Un projet qui sera lancé par le président de la République, le 3 août prochain. Annonce faite, hier, en marge des assises de l’Organisation pour la sécurité routière en Afrique de l’Ouest, par le directeur de cabinet du ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement, Ibrahima Lô. Mais ce projet semble, aux yeux de Gora Khouma, Secrétaire général du Syndicat des travailleurs des transports routiers (Sttrs) un traquenard tendu par l’Etat pour l’application du redouté permis à points. Le patron du Sttrs et ses camarades avaient toujours manifesté leur désaccord par rapport à ce projet. Ce qui avait, sans doute, ralenti son processus de mise en œuvre. Mais, les autorités avaient décidé de passer outre. «La mise en place de ce projet n’est rien d’autre qu’un stratagème visant l’instauration du permis à points. Les autorités ne savent pas par quelle voie passer pour matérialiser ce projet. Ils veulent passer par des manœuvres de ce genre pour mettre en place le permis à points. C’est un piège qu’elles veulent nous tendre. Mais, nous n’allons pas tomber dedans. Nous n’accepterons pas de porter la responsabilité de tous ces accidents. Il y a d’autres facteurs qui concourent à ce phénomène», selon Gora Khouma. Une suspicion que le directeur de cabinet du ministre des Transports rejette. «Le permis à points c’est une autre étape. C’est au permis biométrique que nous allons passer. Parfois, l’information est mal passée et mal comprise par les gens. Après avoir révisé le code de la route et renforcé le parc automobile avec l’arrivée, dans les prochains jours, de bus Tata pour le transport urbain et interurbain, le Président va procéder au lancement du projet numérique du titre de transport à Hann. Il sera le premier à recevoir son permis biométrique», précise Ibrahima Lô.
Des arguments qui ne convainquent pas le patron du syndicat des transporteurs. Ce dernier promet un combat rude si, de par des manœuvres, le pouvoir arrive à passer à l’acte. «On ne peut pas s’opposer à la volonté du président de la République de procéder au lancement de ce projet ou de mettre en place le permis. Mais, nous sommes des Sénégalais ; ce pays n’appartient pas seulement aux autorités publiques. Nous, nous sommes des syndicalistes. Le Sénégal est en train de s’inspirer du modèle français alors que les réalités ne sont pas les mêmes. La priorité pour le Sénégal, c’est de construire de bonnes routes, avoir un bon parc automobile avec des véhicules de qualité avant de songer à ces mesures. Malheureusement, nos dirigeants prennent des décisions sans consulter les acteurs du transport», regrette-t-il.
Cette idée, théorisée par le président de la République, pour lutter contre l’insécurité routière est diversement appréciée. Si certains particuliers l’accueillent à bras ouverts, les professionnels du transport, craignant pour leur survie, posent des conditions. «Nous ne pouvons pas être au même degré d’appréciation de la mise en place du permis à points que les autres personnes, soutient Gora Khouma. Nous sommes des professionnels, nous sommes différents du banquier qui prend son véhicule uniquement pour aller au travail. Si son permis lui est retiré, il aura un autre moyen pour aller au boulot alors que, nous, c’est pour gagner notre pain.»
Selon les autorités, le projet concerne le permis de conduire, le certificat d’immatriculation et d’aptitude technique (carte grise), les plaques d’immatriculation automobile et des «deux-roues» motorisées, l’autorisation de transport privé de voyageurs, du transport public de marchandises, interurbain public de voyageurs, et urbain public de voyageurs.
Ousmane DICKO