Les photos et les commentaires dénonçant l’origine africaine des joueurs de Didier Deschamps ont déferlé sur les réseaux sociaux de la péninsule.
Si en France l’Italie est considérée comme une soeur, de ce côté des Alpes on y accole l’adjectif « ennemie ». La rivalité sportive y est vécue avec plus de vigueur et prise très au sérieux. Elle se double désormais de tensions politiques entre les deux pays ces derniers mois concernant la question migratoire.
Pas un jour ne se passe sans que la France et son président ne soient pris pour cible par le ministre de l’Intérieur Matteo Salvini. D’après un récent sondage, 80 % de ses compatriotes ont une mauvaise image de l’Hexagone et de ses habitants.
« Une équipe pleine de champions africains »
C’est également le pourcentage des Italiens qui espéraient une victoire de la Croatie ce dimanche à Moscou. Les motivations footballistiques ne semblent pas avoir primé dans ce choix, même si les supporters des Azzurri qui ne se sont pas qualifiés pour la compétition ont assisté avec envie et aigreur au parcours des Bleus.
« Macron me casse les couilles, la France me casse les couilles, je soutiens la Croatie » a ainsi tweeté avant la finale un journaliste de la Gazetta dello Sport résumant ainsi le sentiment de la plupart de ses compatriotes.
Ce n’est évidemment pas la joie qui s’est exprimée dans la presse transalpine qui prend acte, avec modération, de la victoire de l’Equipe de France. « Une équipe pleine de champions africains mélangés à de très bons joueurs blancs face à une équipe seulement de blancs d’un pays au centre de trois grandes écoles de football, celle slave, allemande et italienne » commente ainsi le Corriere della Sera. Une analyse qui frise le hors-jeu raciste.
« Des singes avec un ballon »
Les commentaires qui se sont déversés sur les réseaux sociaux, eux, préfèrent aller droit au but. Si le caractère multi-ethnique des sélections belges ou brésiliennes ne suscite aucune réaction ou que ces équipes sont présentées avec enthousiasme, l’équipe tricolore est, elle, vilipendée.
La traditionnelle rancoeur contre la France se mue en racisme à l’égard de ceux qui la représentent. « Des singes avec un ballon », « Des champions du Tiers-monde » fleurissent ainsi sur les réseaux sociaux pour saluer « la victoire de la première équipe africaine ». Si les joueurs de la Nazionale manquaient de hargne sur le terrain pour se qualifier, certains de leurs supporters ne manquent pas de haine sur Internet pour critiquer « l’équipe des colonies de l’Afrance ».
Un des tweets ayant rencontré le plus de succès est celui de la liste des noms des 11 joueurs de Didier Deschamps auxquels sont accolés le drapeau et le nom de leur pays d’origine.
Un doute répandu sur le « caractère vraiment français » des joueurs
Même si les réactions les plus violentes et ouvertement racistes sont le fait d’une minorité, le doute sur le « caractère vraiment français » des nouveaux champions du monde est très largement partagé dans la péninsule.
Avant le dernier match amical France-Italie à Nice en juin dernier, l’hypothèse que Mario Balotelli soit désigné comme capitaine avait été évoquée. « Cela ne changerait pas grand-chose pour moi, avait répliqué le footballeur d’origine Ghanéenne, mais ce serait un signe fort contre le racisme dans le pays. Le racisme fait mal, nous devons devenir comme les autres pays, comme la France et l’Angleterre. »
Ce n’est pas ce que souhaite Matteo Salvini, crédité d’environ 50 % d’opinion favorable. Et peu importe si cela équivaut à marquer un but contre son camp.
Lesechos