Au Sénégal, la raison de celui qui parle le plus fort est toujours la meilleure.
A force de se plaindre, les 16 « Thiantakoun », disciples de Cheikh Béthio THIOUNE, détenus à la Maison d’arrêt et de correction de Thiès, ont fini par attirer l’attention de tout le monde. La tentative d’immolation de l’un d’entre eux est la goutte d’eau qui a fait déverser la coupe de certaines organisations de défense des droits de l’homme. En effet, dans un communiqué conjoint, la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’Homme (RADDHO), la Ligue sénégalaise des droits humains (LSDH) et Amnesty international/ Sénégal se disent préoccupés par leur sort. «Nos organisations ont appris avec amertume que suite aux nombreuses promesses non tenues d’organiser leur procès, l’un des prévenus avait tenté de se suicider en avalant des produits détergents», souligne leur document.
Poursuivi pour «homicide avec actes de barbarie, recel de cadavres, non dénonciation de crimes, association de malfaiteurs, détention d’armes à feu sans autorisation administrative, infraction aux lois sur les inhumations», dans le cadre du double meurtre de Bara SOW et Ababacar DIAGNE, ces disciples de Cheikh Béthio THIOUNE ont été placés sous mandat dépôt le 26 avril 2012. Pour ceux qui rendent-comptent de leurs doléances, ils s’impatientent et veulent être jugés après plus de six ans de détention.
Seulement, ces « Thiantakoun » doivent bien côtoyer en cellule des détenus qui sont accusés de faits moins graves que ceux pour lesquels ils sont poursuivis et attendent toujours d’être jugés. Les longues détentions préventives au Sénégal sont une réalité qui date bien avant leur affaire. A la Maison d’arrêt et correction de Rebeuss, certains détenus ont bouclé les dix ans sans faire de tapage médiatique, légitime ou non. A défaut de pousser à l’éradication de ce fléau qui doit être combattu, la question que ces « Thiantakoun » devrait se poser c’est pourquoi eux sont dedans et Cheikh Béthio THIOUNE dehors. Interpellé dernièrement sur la question, Ismaïla Madior FALL, prenant le contrepied de son prédécesseur au ministère de la Justice, a déclaré que « le dossier est en phase d’être bouclé ». Le ministre de la Justice fait comme si le bouclage du dossier devrait précéder la détention du guide des « Thiantakoun ». D’autant qu’il est établi qu’en vertu de l’article 206 du Code de procédure pénale on ne peut comparaitre devant la Chambre criminelle en étant libre.
Ce qui n’est pas dit dans cette histoire, c’est que les 16 « Thiantakoun », qui ne sont guère sûrs de leur acquittement, s’insurgent plus contre la justice à deux vitesses que contre le retard de la tenue de leur procès qui s’éternise.
Mame Birame WATHIE