CONTRIBUTION
«Les morts ne sont pas morts». Cette assertion du poète Birago Diop a trouvé toute sa quintessence avec la mort de Habib Faye. L’étoile de la musique sénégalaise s’est éclipsée le 25 avril dernier, laissant un vide difficile à combler, pour ne pas dire impossible. Un coup de massue sur la tête des Sénégalais assommés par la brutalité de cette perte incommensurable qui endeuille le monde de la culture. Mais au-delà, c’est le Sénégal qui a pleuré cette tragédie nationale avec la solennité qui a entouré les obsèques de l’ex-membre du Super Etoile décédé à l’âge de 54 ans. Le président Macky Sall s’est fait le devoir de venir présider la cérémonie de la levée du corps de Habib Faye qui a réuni tout ce que le Sénégal compte comme augustes personnalités. Pareil pour l’enterrement qui a refusé du monde.
Un spectacle que les Sénégalais avaient vu pour la dernière fois, lors de la disparition d’un certain Ndongo Lô, cet autre «immortel» célébré après son rappel à Dieu. Pourtant, de son vivant, le chanteur de Pikine en avait vu de toutes les couleurs. Traîné dans la boue, jeté en pâture, «lynché» dans la presse, dans les grands places, marchés et autres places publiques, Ndongo Lô n’a jamais eu la reconnaissance à la mesure de son talent qui dérangeait ses ennemis dans le showbiz. Mais depuis sa mort jusqu’au jour d’aujourd’hui, l’auteur de «Adouna» (qui n’aura connu qu’une carrière musicale de cinq années) figure au panthéon des «immortels», son œuvre étant à jamais gravée dans la mémoire collective des Sénégalais.
Comme lui, Habib Faye qui d’ailleurs l’avait pris sous son aile protectrice lors de son album «Tarkhiss», a été glorifié après sa mort. Le talent de ce musicien auteur compositeur racé, quoique reconnu de son vivant, n’aura été mesuré à sa juste valeur qu’à sa disparition avec la pluie d’hommages qui s’est abattue sur lui aussi bien au niveau national qu’international. Au point que des voix se sont même élevées pour demander que le Grand Théâtre porte son nom en guise d’hommage posthume. Un fait qui n’est pas nouveau au Sénégal. Combien sont-ils ces héros qui, de leur vivant, ont marqué l’histoire du Sénégal et qui n’ont été célébrés qu’après leur mort : Doudou Ndiaye Rose, Ousmane Sow, Sembène Ousmane, Jules François Bocandé, Falaye Baldé, Makhourédia Guèye, Cheikh Tidiane Diop etc…
Pis, certains encore en activité sont même «brûlés» par leurs propres concitoyens. Le dernier exemple en date Souleymane Faye qui, au cours d’une émission télé, a été presque ridiculisé par une animatrice victime de son impertinence. Un scandale à l’endroit d’un patrimoine de la trempe de «Diego» qui avait choqué plusieurs internautes.
Aujourd’hui Habib Faye est parti. La brutalité de sa mort en a surpris plus d’un, sa maladie étant méconnue des Sénégalais, contrairement à son illustre aîné Lamine Faye alité depuis des années, mais complètement oublié. Il est temps qu’on rompe avec cette maudite tradition consistant à célébrer nos symboles qu’après leur mort. Basta.
Amadou Lamine MBAYE
Journaliste spécialiste en communication