A travers la fusion absorption d’un pan du Pds à l’Apr qui permet aux ex-barrons libéraux de reprendre service, Macky Sall semble vouloir démontrer qu’il n’y a qu’une classe politique au Sénégal.
Ce qui renforce le désintérêt des citoyens par rapport à la chose politique et qui engendre une caste qui, malgré les alternances, continue à présider aux destinées du pays.
Les libéraux reviennent en force aux affaires. Souleymane Ndéné Ndiaye, Ousmane Ngom, Awa Ndiaye, Mamadou Lamine Keïta, Serigne Mbacké Ndiaye, Pape Samba Mboup, Farba Senghor, Thierno Lô, Adama Sall, Youssou Diallo, Abdou Khafor Touré, Samuel Sarr, Sada Ndiaye, etc., qui symbolisaient presque tout ce que les Sénégalais reprochaient à Wade au point de le dégager malgré ses grandes réalisations sont aujourd’hui dans les grâces du pouvoir. Et en croyant obtenir un deuxième Cdd à la tête du pays avec cette Association des politiciens rejetés (Apr), Macky Sall ne fait qu’accentuer le sentiment de rejet au sein de l’opinion où la majorité silencieuse l’attend au tournant. Ce que semble réprouver l’impénitent député Moustapha Cissé Lô qui, concomitamment au retour de l’ancien directeur de campagne d’Abdoulaye Wade, Souleymane Ndéné Ndiaye – qui invitait les pouvoirs publics à inclure une disposition dans le Code pénal pour fusiller tout transhumant politique – aux côtés de Macky Sall, a décidé de se décharger de ses responsabilités au niveau du parti au pouvoir pour, dit-il, rester simple militant. Allergique à la transhumance, celui qui a quitté le Ps pour le Pds, après l’alternance de 2000, a ouvertement refusé de dérouler le tapis rouge à ces hommes qui ont humilié son champion lors de sa destitution de l’Assemblée nationale. Et tout le monde se souvient de ses diatribes contre Sada Ndiaye qui a donné son nom à la loi qui a enlevé Macky du perchoir de l’Assemblée nationale en 2008, à l’annonce de sa transhumance vers le Mackyland. «J’étais choqué quand j’ai appris cette information. Sada Ndiaye ne croit pas en Macky Sall, lui qui était à la tête des traitres qui avaient fait la proposition de loi pour combattre Macky Sall alors président de l’Assemblée nationale», réagissait-il à l’enrôlement de l’ancien responsable libéral. Très en verve, l’homme estimait que cette adhésion de Sada Ndiaye à la formation politique du Président est une insulte aux membres de l’Apr.
Mais, ce fidèle compagnon du président de la République dans le maquis contre Wade va s’arracher les cheveux quand il apprendra que l’ancien ministre de la Justice de Wade, Cheikh Tidiane Sy, est fortement courtisé alors que Abdoulaye Baldé, ancien Secrétaire général de la présidence de la République de 2001 à 2009 et ministre des Forces armées de Wade, est envoyé avec insistance au Conseil économique, social et environnemental (Cese) à la place d’Aminata Tall qui brusquement multiplie l’agitation politique ces temps-ci pour montrer qu’elle existe toujours.
Dans une démocratie, il doit y avoir des camps politiques opposés. Et les alternances opérées par les Sénégalais devraient permettre à ceux qui ont perdu de se battre par tous les moyens pour revenir au pouvoir ou laisser la place à d’autres. Mais au Sénégal, c’est tout le contraire. Les pratiques politiciennes ressemblent à ce que les économistes appellent une fusion-absorption. Une très mauvaise image que la classe politique renvoie à l’opinion. Car, on a désormais l’impression que le pays a un personnel politique irremplaçable et que voter ne sert finalement à rien puisque les mêmes hommes retournent leurs vestes pour continuer les pratiques abhorrées par leurs concitoyens.
Quoi qu’il en soit, ce remue-ménage politique semble donner raison à notre confrère Mame Birame Wathie qui, dans son ouvrage intitulé Affaire Karim Wade/Macky Sall : la double victimisation gagnante de Maitre Wade, la Grande entente ? parlait d’un deal politique. Lequel serait théorisé par Abdoulaye Wade qui conjecturait 50 ans de libéralisme au Sénégal.
Seyni DIOP