Lamine Coulibaly était, hier, devant la barre du tribunal des flagrants délits. Un passage périlleux vu que, tentant d’expliquer le choix de son pseudonyme, il est tombé dans le piège.
En essayant de justifier le choix de son pseudo «Abu Jafar», hier devant la barre, Lamine Coulibaly ne savait qu’il était en train de faire des aveux. Face au feu roulant des questions du juge Samba Kane et du procureur, Aly Ciré Ndiaye, à propos des accusations qui pèsent sur lui telles qu’association de malfaiteurs, acte de terrorisme, blanchiment de capitaux dans le cadre du financement du terrorisme et apologie du terrorisme, Coulibaly opte pour une mise au point sur son surnom. «Abou Jafar était pieux et était le compagnon du Prophète (Psl). J’ai pris son surnom parce qu’il priait beaucoup et dépensait sans compter dans l’adoration de Dieu. Ce nom fait partie de la Sunna», a répondu Lamine Coulibaly au juge qui l’interrogeait sur l’origine de cette appellation qui évoque des noms de djihadistes. Coulibaly dit porter ce surnom depuis l’école arabe. «J’en ai d’autres comme Tamsir, Julliadeyni. Mais, mes cousins ne les connaissent pas. Idem pour mes parents de Yoff qui ne connaissent que le nom Lamine Coulibaly», déclare-t-il. Une réponse qui a servi au juge pour enchainer avec des questions-pièges. Avec un ton hésitant, l’accusé finit par capituler en disant qu’il a effectué un voyage au Nigéria. «Je confirme avoir été au Nigéria pour les études. Si je devais faire le djihad, j’en aurais parlé à mes parents», justifie-t-il. Sauf que cela ne lui aura été d’aucun secours. Ses explications n’ayant servi qu’à évoquer ses rapports avec ses co-accusés et ses voyages au Nigeria et en Mauritanie. Cela a conduit à des confidences sur son emprisonnement au Nigéria alors qu’il était sur la route du retour pour le Sénégal en 2013. «Suite à une dénonciation sous prétexte que nous faisons partie de Boko Haram, on nous a arrêtés à Beydane, au Nigéria. Ils ont commencé à nous torturer avant de nous mettre en prison. Puis, ils nous ont transférés dans une autre prison où on a vécu dans une pièce durant deux mois. On ne pouvait même pas faire nos ablutions. C’est ainsi que Moustapha Faye est tombé malade. Et Mballo a commencé à perdre connaissance à causes des tortures», narre-t-il.
Né le 03 mai 1993 à Bokidiawé (Matam), étudiant en arabe et résidant à Yoff, Lamine raconte leur calvaire en prison au Nigéria. «Moustapha a fini par rendre l’âme. Apres son décès, on a été déplacé dans une autre prison pendant 2 semaines. Puis, on nous a acheminés vers Abuja», se souvient-il. Et d’ajouter : «Quand je suis revenu au Sénégal, j’ai discuté avec mes parents avant de me rendre en Mauritanie pour poursuivre mes études. J’ai retrouvé Mouhamadou Ndiaye, un de mes co-accusés qui me parlait d’un voyage en Libye que j’ai décliné. C’est en Mauritanie qu’on m’a arrêté.»
Il soutient avoir des rapports avec les nommés Ibrahima Bâ, Moustapha Faye, Ibrahima Diallo, Mouhamadou Ndiaye, Mody Tall, etc. tous au banc des accusés. «C’est Ibrahima Bâ qui a financé le voyage. C’est un certain Moustapha Faye qui me l’a présenté. C’est Moustapha qui a financé celui d’Ibrahima Diallo, Mody Tall et Maïmouna Ly. Il nous a donné à chacun 150 000 F pour l’achat du billet», dit-il, avant de retracer l’itinéraire de leur voyage. «On est passé par le Mali, le Burkina et le Niger (Zinder puis Diffa). On était deux à arriver à Diffa, Mody et moi. Nous avons laissé Ibrahima Diallo et Ibrahima Bâ à Niamey. Peut-être qu’ils avaient un problème financier. Puis, nous avons rallié le Nigeria où j’ai connu Mouhamadou Ndiaye et Matar Diokhané», conclut-il.
Salif KA
(Stagiaire)