Parce que la promesse d’un jugement, faite depuis 2015 par les autorités judiciaires n’a pas été suivie d’effets, les 16 Thiantakoun, accusés du double meurtre de Bara Sow et Ababacar Diagne décrètent une grève de la faim.
Ils en sont au cinquième jour, ce vendredi. Les évacuations à l’hôpital ont commencé.
Alerte à la Maison d’arrêt et de correction de Thiès. Cela fait cinq jours que les 16 Thiantakoun accusés du double meurtre de Bara Sow et Ababacar Diagne sont en grève de la faim. Depuis le début de leur diète, plusieurs d’entre eux sont été évacués à l’infirmerie. «Le major n’a pas pris le risque de leur administrer des comprimés sans avoir mangé au préalable», confie-t-on. Les cas les plus critiques ont été acheminés à l’hôpital régional. «Certains ne sont toujours pas retournés, d’autres ont refusé d’être perfusés par les médecins», soutient-on. En dépit des tentatives des autorités pénitentiaires et judiciaires de les en dissuader, ils ne comptent pas lâcher prise tant que leur procès n’est pas programmé. Ces talibés de Cheikh Béthio Thioune protestent contre leurs longues détentions. Ils bouclent six ans sans jugement. Autant d’années durant lesquelles ils ne sont pas encore fixés sur leur sort, ainsi que promis par les autorités judiciaires depuis 2015. Malgré la promesse d’un jugement faite en décembre 2015, le dossier ne bouge pas alors qu’il est bouclé depuis quatre ans. «Ils seront tous jugés le plus rapidement. Les dossiers sont actuellement ficelés. Le temps judiciaire appartient aux magistrats (…)», avait déclaré l’ex-ministre de la Justice, Sidiki Kaba, il y a 3 ans.
Six ans de détention sans jugement
Cette longue détention sans procès n’est pas sans conséquences. Elle est à l’origine du drame social chez les disciples du Cheikh. Dislocations au sein des familles des accusés, il en existe. Certains d’entre eux ont vu leurs femmes quitter le ménage, s’arrachant le divorce d’autorité. L’un d’entre eux n’a pas eu l’occasion d’assister aux funérailles de son pater, décédé pendant qu’il est en détention. Un autre codétenu qui a récemment perdu sa mère se trouve dans la même galère. Aussi étonnant que cela puisse paraitre, plusieurs audiences de la Chambre criminelle (ex-Cour d’assises) se sont tenues sans que le dossier ne soit enrôlé. La soif d’un jugement ou d’une liberté provisoire est le sentiment le mieux partagé dans les rangs les présumés meurtriers de Bara Sow et Ababacar Diagne.
Depuis le 26 avril 2012, ces 16 Thiantakoun croupissent à la Mac de Thiès, date à laquelle ils ont été placés sous mandat de dépôt, par le doyen des juges. Sur les 20 personnes accusées dans le double meurtre de Bara Sow et Ababacar Diagne, survenu le 22 avril de la même année, seules trois ont été libérées, pour «vice de forme». Et l’arrestation a eu lieu le jour suivant, c’est-à-dire le 23 avril, suivie de l’incarcération deux jours après les faits. Entre temps, leur mentor est en liberté provisoire, en raison de la reconstitution des faits qui a amoindri sa responsabilité dans les faits incriminés. De même que l’expertise ayant attesté que le sang trouvé dans ses véhicules est celui d’un animal et non d’une personne humaine. Paradoxalement, ses chauffeurs sont toujours maintenus dans les liens de la détention.
Pas de procès, pas d’alimentation
Le sort des 16 Thiantakoun détenus à la prison de Thiès est aggravé par le fait que l’une des victimes a été enterrée vivante, ainsi que le révèle le rapport d’autopsie. Lequel précise que celle-ci a été abattue à coup de coupe-coupe, l’autre fusillé. Ils ont ensuite été enterrés en catimini dans une fosse commune dans la forêt de Keur Samba Laobé (département de Mbour), sans aucune forme de respect de leur dignité humaine. Voilà qui justifie les chefs d’accusations retenus contre les accusés qui vont comparaitre devant la Chambre criminelle, à savoir : «homicide avec actes de barbarie, recel de cadavres, non dénonciation de crimes, association de malfaiteurs, détention d’armes à feu sans autorisation administrative, infraction aux lois sur les inhumations». La perspective d’un retour à la case prison est certaine pour les bénéficiaires de liberté provisoire, ainsi que le prévoit l’article 206 du Code de procédure pénale qui dispose, en substance, qu’on comparaît en état d’arrestation devant la Chambre criminelle. Cependant, du côté de la défense, l’on s’agrippe sur la thèse de la légitime défense, en raison de l’excuse de provocation dont il est question dans ce dossier, prétextant que les victimes ont fait dans la provocation.
Pape NDIAYE