Déclaré vainqueur à l’issue de l’élection présidentielle du 1er décembre, le magnat de l’immobilier gambien, désigné candidat de l’opposition en octobre après l’arrestation de son leader historique Ousainou Darboe, met un terme aux 22 ans de règne de Jammeh.
Avec Yahya Jammeh, candidat à sa propre succession pour un cinquième mandat, l’issue du scrutin présidentiel à un tour était a priori connue d’avance. Les commentateurs étaient presque tous unanimes : l’homme d’affaires Adama Barrow, 51 ans, candidat de l’opposition unie devait se contenter de tenir le rôle de figurant.
Pourtant c’est bien lui qui a remporté l’élection présidentielle du 1er décembre face à Yahya Jammeh, au pouvoir
depuis 1994 après un coup d’État. Selon le décompte de la commission électorale indépendante fourni en début d’après-midi vendredi, Adama Barrow a recueilli 263 515 voix contre 212 099 pour Yahya Jammeh.
Agent de sécurité à Londres dans les années 2000
Né en 1965 à Mankamang Kunda, un petit village à quelques kilomètres de Basse Santu – à l’extrême ouest de la Gambie – Adama Barrow obtient une bourse pour suivre ses études dans une école secondaire islamique. Il travaille pour la compagnie Alhagie Musa & Sons pendant plusieurs années avant de briguer le poste de directeur des ventes. Dans le même temps, en 1996, il rejoint les rangs du Parti démocrate unifié (UDP).
Au début des années 2000, il s’installe à Londres pour suivre une formation en immobilier qu’il finance en travaillant comme agent de sécurité. Après l’obtention de son diplôme, et de retour dans son pays natal, il crée sa propre agence immobilière en 2006, la Majum Real Estate, grâce à laquelle il fera fortune.
Investiture surprise
Si la victoire de Barrow, agent immobilier encore quasi-inconnu du grand public jusqu’à récemment, est inattendue, elle l’est d’autant plus que son investiture à la tête de l’UDP n’était pas prévue.
Depuis 20 ans, le parti était représenté par son chef historique, Ousainou Darboe, avocat engagé dans la défense des droits de l’homme. Mais en avril, alors que ce dernier réclamait la lumière sur la mort de Solo Sandeng, une autre figure de l’opposition, il est arrêté à Banjul en compagnie de plusieurs responsables du parti. En juillet, il est finalement condamné à trois ans de prison ferme par la Haute Cour de Banjul.
À l’issue d’une primaire organisée par l’opposition réunie fin octobre, c’est donc Adama Barrow, alors trésorier du parti, qui devient le candidat unique de l’opposition. « Nous avons mis nos différends de côté dans l’intérêt de ce pays. Les Gambiens sont fatigués par 22 ans de mauvaise gestion de Yahya Jammeh auxquels nous mettrons fin quand nous irons aux urnes », déclare le candidat après sa désignation. Début novembre, alors que l’élection approche, il choisit de démissionner de son poste de trésorier.
Un pays marqué par une « pauvreté multiforme »
Un rapport de l’ONU sur le développement humain publié en 2013 indiquait que 60% de la population en Gambie vit dans un état de « pauvreté multiforme », dont un tiers avec moins de 1,25 dollar par jour.
Si beaucoup de Gambiens quittent leur pays pour des raisons économiques, d’autres fuient également la répression. En juin, Amnesty International déplorait que l’espace déjà très réduit concédé à toute forme de dissidence en Gambie s’était encore rétréci sous l’effet d’une répression accrue.
Jeune Afrique