CONTRIBUTION
Vous êtes mal placé pour ne pas dire disqualifié pour nous donner quelque leçon de citoyenneté que ce soit – votre leçon de république, de citoyenneté, j’en ris comme une baleine – Pour faire la leçon aux autres, il faut d’abord savoir sa leçon
M. le Premier ministre, le silence n’est certes pas d’or tout le temps, mais il est souvent d’or.
Par ces temps qui courent, vous avez de la verve mais le verbe, non. On vous voit plus qu’habituellement aller au charbon. Mais pour mieux aller au charbon, il faut vous armer de chars bons sinon les bons chars vous confondront avec vos charbons. D’ailleurs, à force d’aller au charbon, on devient noir, noir comme le bilan du patron charbonnier qui vous envoie au charbon.
Au lendemain de la manifestation de l’opposition qui demandait légitimement le départ d’un ministre de l’Intérieur très particulier et très partisan, comme d’ailleurs l’avait bien demandé votre patron charbonnier, leader de l’Apr en 2011-2012, vous avez, sans porter de gants, «justifié» la barbarie policière par ces termes : «Quand on défie le droit, on peut s’attendre à des conséquences». En tant que Premier ministre et par ricochet patron de l’administration sénégalaise, ces propos malheureux, inélégants et très peu courtois ne vous honorent pas.
En effet, M. le Premier ministre, rappelez-vous que votre patron charbonnier, leader de l’Apr qui était aux manifestations de l’opposition il y a quelques années dans les mêmes circonstances avait crié en chœur avec les autres leaders pour dire à Wade que son ministre de l’Intérieur ne devait pas organiser l’élection. M. le Premier ministre ne serait-ce que par respect à la mémoire de votre militant Mamadou Diop tombé à cause de la furie d’agents de police particulièrement zélés ce jour-là, vous ne devez pas tenir de tels propos car ils légitiment les mêmes barbaries subies en 2011-2012 pour finir par emporter ceux qui, comme Mamadou Diop, exprimaient juste un droit que la Constitution leur garantissait.
Je garde toujours le souvenir du visage de Mamadou Diop qui était passé me poser des questions sur le soldat, parlementaire et révolutionnaire Anglais Oliver Cromwell. Ce jeune compatriote, membre du parti dont votre patron charbonnier est le chef, était à la recherche de connaissances en tant qu’étudiant, tout comme en tant que citoyen il était à la quête d’un idéal de vie républicaine quand il avait décidé d’user du droit que la Constitution de son pays lui a accordé. L’aveuglement des autorités de l’époque ainsi que la répression brutale de la police avaient eu raison de Mamadou Diop. Vous semblez ne plus vous rappeler cette tragédie et cette barbarie unanimement dénoncées par tous, y compris par votre patron charbonnier lui-même. Vous semblez donc avoir oublié cela en allant au charbon mais dans un char ni bon ni beau. Votre verbe était haut mais pas beau. Votre verve elle, était à l’eau car la République allait à vau-l’eau, tenaillée par des maux, eux-mêmes causés par des mots peu pittoresques, pas chevaleresques mais picaresques car relevant de l’ubuesque avec une forte dose de rocambolesque.
M. le Premier ministre, vous êtes mal placé pour ne pas dire disqualifié pour nous donner quelque leçon de citoyenneté que ce soit. Décidément, à vouloir trop aller au charbon pour défendre votre patron charbonnier, vous oubliez le meilleur. M. le Premier ministre, qui ne se rappelle pas encore quand un certain Macky Sall, pourtant Premier ministre dont vous gériez d’ailleurs le cabinet, s’était illustré de la manière la plus honteuse de l’histoire politique du Sénégal en défiant éhontément les lois de ce pays en allant voter par la force dans son bureau à Fatick sans pièce d’identité malgré les rappels injonctifs des membres de son bureau de vote ? Par cet acte, Macky Sall avait sali la République en se mettant hors du droit alors même qu’il avait la responsabilité de faire respecter, en tant que patron de l’administration sénégalaise, ce droit.
Le droit n’est rien d’autre qu’un ensemble de libertés codifiées. Oui M. le Premier ministre, aujourd’hui vous pouvez bomber le torse et parler de droit mais où étiez-vous quand Macky Sall défiait les lois de la République en votant tout en force sans carte d’identité, exigée par le code électoral, chose que les manifestants que vous avez fait réprimer la semaine dernière sans discernement étaient très loin de faire ? Pourquoi n’aviez-vous pas fait la remarque et la leçon à votre patron de l’époque et d’aujourd’hui, lui qui avait osé défier au vu et au su du monde entier, les lois de ce pays et en tant que Premier ministre ? Avant de dire ce que vous avez dit de façon peu amène, vous auriez pu vous rappeler cette honteuse parenthèse de notre histoire politique où un Premier ministre en exercice en l’occurrence Macky Sall, a osé défier les lois en allant voter sans remplir les conditions et contre les injonctions du président du bureau de vote. Cela aurait très certainement blanchi tant soit peu le charbonnier et celui qui va au charbon sans char bon.
M. le Premier ministre, votre leçon de république, de citoyenneté, j’en ris comme une baleine. Apprenez que pour faire la leçon aux autres, il faut d’abord savoir sa leçon, car au nom de la hiérarchisation des normes, tous savent qu’un arrêté est moins important qu’un décret; qu’un décret est moins important qu’une loi et qu’une loi est moins importante que la Constitution ou loi fondamentale. Or, en tenant un sit-in la semaine dernière, l’opposition exerçait là un droit constitutionnel. C’est pourtant ce moment que le patron de l’administration actuelle que vous êtes, a choisi pour nous parler de droit avec des menaces non voilées. C’est vraiment triste. Vous avez même ajouté que vous aimez le droit. Cela fait rire.
Pour finir M. le Premier ministre, votre régime se dit libéral. Un vrai régime libéral fait de la liberté un principe sacro-saint. C’est-à-dire que même si la Constitution sénégalaise n’avait pas garanti le droit de manifester, votre mission devrait consister à porter au pinacle la liberté sous toutes ses formes au lieu de porter systématiquement un coup à cette liberté en continuant à porter une camisole libérale. Les manifestations de l’opposition sont systématiquement réprimées. Il y a une semaine, avec vos représentants nous étions ensemble à Accra où vous vous invitiez au banquet des libéraux alors que vous savez et nous savons, que le maoïsme est votre vraie doctrine parce qu’étant celle du charbonnier en chef que vous défendez même à tort. M. le Premier ministre, l’Apr est un parti qui porte un manteau libéral sur un grand corps maoïste. Cela ne marchera pas. Ce que fait le régime pour lequel vous êtes prompt à aller au charbon contre les libertés vient de cette réalité de l’Apr : un manteau libéral sur un grand corps maoïste et… malade.
Yankhoba SEYDI
Secrétaire national chargé des Relations Internationales et de la Formation,
Directeur de l’Ecole du Parti REWMI