CHRONIQUE DE WATHIE
Après avoir reçu une claque mémorable, avec le non-lieu accordé à Aïda NDIONGUE et un uppercut digne de Mouhamed Ali, avec le nouveau rapport de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP), la transparence vient de perdre un de ses plus actifs défenseurs, en la personne de Mouhamadou MBODJ. Le coordonnateur du Forum civil s’en est allé, nous laissant avec Macky SALL qui avait promis du lait et qui est en train de servir de l’eau salée.
« Avec le décès de notre frère et ami Mouhamadou MBODJ, c’est un monument de la société civile africaine qui vient de tomber, un des pionniers de la lutte contre la corruption », témoigne Alioune TINE, directeur régional d’Amnesty international pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre. « Mouhamadou MBODJ restait mobilisé en permanence dans la lutte contre la corruption », déclare Me Assane Dioma NDIAYE, président de la Ligue sénégalaise des droits de l’homme (LSDH). Les Témoignages sont unanimes, le Sénégal a perdu un digne fils qui n’a cessé de s’activer pour inciter à plus de transparence dans la gestion des affaires publiques. Co-fondateur du Forum civil, qui a initié le premier jury populaire du Sénégal, Mouhamadou MBODJ a été à cheval sur ses principes jusqu’à sa mort. L’histoire retiendra qu’il a été l’un des rares membres de la société civile à avoir publiquement protesté contre la grâce présidentielle de Macky SALL qui a ouvert nuitamment les portes de Rebeuss à Karim WADE.
Décédé des suites d’une maladie, Mouhamadou MBODJ aurait bien pu être achevé par les coups reçus quelques jours plutôt de l’ARMP et de la CREI. Lui qui a consacré des décennies à lutter contre la corruption et à recommander la transparence a été témoin, depuis son lit d’hôpital, des coups portés contre son protégé.
Il n’a certes pas attendu des décennies pour aller présenter à la famille de Mouhamadou MBODJ les condoléances de la Nation, mais Macky SALL n’aura pas bien entretenu la transparence pour laquelle l’illustre disparu a toujours œuvré. Le régime de monsieur « gouvernance sobre et vertueuse », du président aux 25 ministres et au mandat de cinq ans, a encore décoché des flèches contre la transparence. Le lait caillé qu’il avait promis ressemble plutôt à du goudron. Il n’a pas uniquement refusé de rendre public les contrats sur le pétrole et gaz liant le Sénégal à des tiers. Ses ministres et directeurs parmi les plus hauts responsables de son parti sont pris en train de violer les règles de passation de marché. A fond dans la discrimination, on se tapote entre potes et on se file des marchés conclus avec l’argent public. Ce n’est certes pas Macky qui est pris la main dans le sac par l’ARMP en train de faire des magouilles, mais s’il avait limogé certains directeurs à la suite des premiers rapports de corps de contrôle les épinglant, il n’y aurait pas eu de récidive. Comme c’est le cas avec le directeur général du Centre des œuvres universitaires de Dakar (COUD). Mais, faut-il tenir compte du larcin du “talibé” qui est poussé dans ses derniers retranchements par un marabout qui exige qu’il rentre avec au moins deux mille francs ? Si celui qui perd est limogé que fait-on du magouilleur gagnant ? Macky, lui, a promu Cheikh Oumar ANNE, Siré DIA, Awa NDIAYE, Mbagnick NDIAYE, Aly Ngouille NDIAYE etc. qui ont tous été pris en faute par des rapports d’organes de contrôle.
La disparition de Mouhamadou MBODJ coïncide également avec le non-lieu accordé à Aïda NDIONGUE. Déclenchée sous le feu des projecteurs, à forte dose de communication, la reddition des comptes que Macky SALL a si chèrement vendue aux Sénégalais n’a pas uniquement pris du plomb dans l’ail. Elle a signé son arrêt de mort en déclarant Aïda NDIONGUE blanche comme neige. L’emprisonnement de Karim WADE n’avait pas suffi à absoudre tous les «péchés» des anciens barons du régime de Me WADE. Il fallait serrer et resserrer l’étau jusqu’à étouffer Aida NDIONGUE pour donner un semblant de consistance à la traque du président SALL. «C’est inhumain ! C’est de la torture morale que je suis en train de subir. Je suis inculpée depuis le 30 avril 2014, et cela fait plus de 2 ans que cette instruction dure. On en est à la dixième prorogation… », se plaignait l’ancien sénateur libéral. Pendant ce temps, Macky SALL gardait bien au chaud, sous son coude, la liste des 23 autres pontes de l’ancien régime. L’un des derniers communiqués, que Mouhamadou MBODJ a signé, en tant que coordonnateur du Forum civil, exhortait le gouvernement à ne pas classer sans suite les dossiers de ces 25 personnalités initialement citées par le procureur spécial.
Seulement, contrairement à ce qu’il espérait, la CREI a fini par cracher les dossiers de tous ceux qu’elle avait mis au banc des accusés. Après avoir levé la mesure d’interdiction de sortie du territoire les visant, que Macky SALL n’a d’ailleurs pas attendue pour voyager avec Ousmane NGOM, la CREI a progressivement desserré l’étau autour de ceux qu’elle avait mis en examen. Tahibou NDIAYE, ancien directeur du cadastre, condamné n’a pas purgé sa peine. Le contrôle judiciaire visant Abdoulaye BALDE a été levé. Avec le non-lieu accordé à Aïda NDIONGUE, la Cour boucle sa traque. Il ne reste plus Karim WADE dont les maisons qu’elle avait saisies ont été restituées, sans tambour ni trompette, par Macky SALL à Me WADE. Pour le reste, il n’est plus question que de timing.
Par Mame Birame WATHIE