CHRONIQUE DE WATHIE
Le dernier classement UniRank n’a, pour le moment, suscité aucun commentaire de la part des autorités. Rendu public le 22 février dernier, celui-ci est en passe de passer inaperçu. Et si Mary Teuw NIANE et ses services ont donné leur langue au chat, c’est que ledit classement n’est guère reluisant pour les universités publiques sénégalaises. Au moment où l’Université Cheikh Anta DIOP (UCAD) de Dakar se retrouve à la 48e place, l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (UGB) traîne dans les basfonds, occupant le 157e rang sur 200. Le ministère de l’Enseignement supérieur aurait pu, comme par le passé, se fendre d’un communiqué et remettre en cause la crédibilité du classement. Seulement, ce serait mettre sur la place publique les nombreuses tares de l’université publique sénégalaise.
Le classement UniRank n’est certes pas exempt de reproches. Mais, vu les critères sur lesquels il est fondé, les autorités ne sont pas parties pour le contester. En effet, de la durée de la formation à la prédominance des cours magistraux, les universités publiques sénégalaises sont totalement à la ramasse. L’exemple de l’Université Cheikh Anta DIOP (UCAD) suffit pour se rendre compte de l’ampleur du mal. A la faculté des lettres, comme celle de Droit, le ratio est entre 250 et 300 étudiants pour un enseignant. Et, plus de 60% de ces enseignants sont des vacataires non autorisés à dispenser des cours magistraux. Si la rengaine, « Master pour tous », est entonnée depuis que le système LMD est appliqué à l’UCAD, c’est que les enseignants en mesure d’encadrer les étudiants sont aussi rare qu’un oasis au milieu du désert. Chaque année, ce sont des dizaines d’étudiants qui délogent leurs autres camarades et entament un bras de fer avec l’administration pour pouvoir s’inscrire. Pourtant, pendant ce temps, ces enseignants qui ne trouvent pas le temps d’encadrer les étudiants, se retrouvent dans les écoles privées, s’ils n’en ont pas créées eux-mêmes.
L’Etat qui cherche, coute que coute, à faire des économies revoit non pas son train de vie mais les subventions englouties par l’infertile enseignement supérieur, invertit dans les universités sans tenir compte du gonflement des effectifs. Si pour l’exercice 2018, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a vu son budget sensiblement augmenté, les rectorats ne peuvent guère se targuer de plus de moyens leur permettant d’organiser autrement les enseignements. Et pour permettre aux recteurs de survivre à cette situation, la privatisation est mise en branle. En plus des frais d’inscriptions des étudiants qui ont été sensiblement revus à la hausse, malgré les contestations, des filières privées sont créées comme des champignons. Certains doyens, de connivence avec des recteurs, ont créé des Masters et des Licences dont les inscriptions sont hors de portée de la plupart des étudiants régulièrement inscrits. Dernier exemple en date, la Faculté des lettres et sciences humaines a lancé, depuis ce mois de février, de nouvelles licences professionnelles en management des territoires (Mater-Atdl) ; métiers du livre (Mele) ; approche socio-anthropologique du crime (Crimino) ; management social (Coman). «Il ne s’agit pas d’une privation de l’université puisque les 13 licences classiques de l’enseignement traditionnel de ladite faculté vont continuer à se poursuivre. Nous n’allons éliminer aucune licence traditionnelle, nous allons seulement créer 6 nouvelles licences pour résorber le taux élevé de chômage des diplômés de la Faculté des lettres et faciliter l’insertion des étudiants dans le milieu professionnel», s’est défendu l’assesseur de ladite faculté. Refuser aux étudiants une inscription en master, faute d’encadreur, et en ouvrir d’autres privés où les professeurs, fonctionnaires de l’Etat, ne sont jamais en sous-nombre, c’est le projet que sont en train de dérouler les autorités. Et ce n’est pas leur seul fait d’arme malheureux. Pour pouvoir soutenir leur mémoire, certains étudiants sont appelés à hypothéquer leur héritage. Peu importe si les parents vivent ou pas. Pas plus tard que la semaine dernière, ils ont été nombreux les étudiants en Master I et Master II à élever la voix pour dénoncer les onéreux frais d’inscription qui leur sont exigés. « Il se trouve que cette promotion a terminé ses cours cela fait presque 2 ans, mais on ne parvient pas à terminer nos mémoires, parce qu’on nous demande de payer 650.000 francs CFA », a expliqué l’un d’entre eux.
Une université est certes censée créer des richesses ; mais jamais dans l’immédiat. Elle est certainement source d’immenses ressources dans le moyen, long terme ; mais jamais elle ne créera de fortune en termes d’espèces sonnantes et trébuchantes. Ou alors, elle aura foulé du pied sa véritable vocation. Et ce serait alors compréhensible que 1 100 bacheliers et 109 étudiants ayant le niveau de la licence ou de la maitrise postulent à l’Agence d’assistance à la sécurité de proximité pour devenir vigiles.
Par Mame Birame WATHIE