Il est sur le point de faire oublier Blaise Compaoré, devenu, par la force des choses, médiateur dans les crises ouest-africaines.
La légitimité en plus, Nana Akufo-Addo sème un discours qui exhume Sankara.
Il vient à peine de fêter son premier anniversaire à la tête de l’Etat ghanéen. Mais, le Président Nana Akufo-Addo s’impose déjà comme le médiateur en chef dans les conflits qui, hélas, sont légion dans la région ouest-africaine. Sa dernière consécration en date, c’est sa désignation comme facilitateur dans le conflit togolais. Dans ce pays miné par une grave crise politique, son rôle sera de rabibocher les positions. Mais, déjà, le simple fait pour lui d’avoir réussi, à la cérémonie d’ouverture, à faire s’asseoir autour d’une même table des protagonistes qui, jusqu’ici, se regardaient en chiens de faïence augure d’une belle prouesse diplomatique. Une année auparavant, alors qu’il venait juste d’être porté à la tête de la magistrature de son pays, Kuffuo-Addo avait, activement participé à la résolution pacifique de la crise gambienne. Ce qui avait permis d’organiser une transition en douceur avec le départ de Jammeh qui lâche les rênes du pouvoir gambien après 22 ans d’une dictature sanglante. Il faut dire que ce n’est pas par simple désir de glaner des succès diplomatiques que le Président ghanéen s’est autoproclamé médiateur. C’est, en effet, le Secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, qui s’est saisi de sa plus belle plume pour lui demander d’intervenir au Togo. Guterres qui disait craindre une situation pareille à celle chaotique qu’a engendrée en 2005 l’arrivée de Faure Gnassingbé au pouvoir, après la mort de son père qui a dirigé le pays d’une main de fer pendant 38 années, avait jeté son dévolu sur lui.
Sur désignation de ses pairs de la Cedeao, le Président ghanéen fait aussi partie du club des quatre chefs d’Etat chargés de réfléchir sur l’établissement d’une monnaie unique à l’horizon 2020. Il faut dire que, hors des foras, Nana Akuffo-Addo a un discours qui force le respect. Héritant de l’un des pays les mieux gérés en Afrique de l’Ouest, il n’a pas eu du mal à mettre en place une politique qui l’a amené récemment (avec l’aide des ressources de son pays) à affirmer que le Ghana n’allait pas redemander l’aide du Fmi, cette nouvelle année. Le 8 février, en effet, le chef de l’Etat ghanéen a annoncé sa décision de ne plus souscrire un nouvel emprunt auprès du Fonds monétaire international (Fmi), une fois l’accord en cours arrivé à échéance, en avril. Sur le thème du «non merci, nous pouvons nous débrouiller tout seuls», Akufo-Addo estime que son pays n’a plus de «raison de s’appuyer sur cette institution internationale», qui offre de l’argent frais à tant de pays du continent. Mais en échange de mesures drastiques d’assainissement des finances qui passent souvent par des coupes dans les dépenses publiques. Une annonce ponctuée par des slogans comme «le Ghana au-delà de l’aide».
Décomplexé
Récemment, face au Président français, Emmanuel Macron qui était en visite à Accra, le Président ghanéen casse les codes en se posant comme le chantre d’une Afrique qui se développe par elle-même. Il avait tenu un discours très panafricaniste appelant au respect du continent, mais appelant également les africains à se mettre au travail pour faire développer leur continent. «Notre responsabilité est de trouver un moyen de développer nos pays nous-mêmes», dit-il, rappelant alors les atouts d’un continent qui dispose de «30 % des ressources mondiales de minerais», mais aussi de «la plus jeune population du monde». Un discours qui a très vite été comparé à celui du Président Thomas Sankara en face de François Mitterrand en novembre 1986. A la différence du président burkinabè, icone de la détermination des peuples noirs, le discours modéré, mais tout autant déterminé, sans aucune joute verbale, a séduit ceux qui voient en Nana Akufo-Addo, un digne successeur de Thomas Sankara. Mais, également, de Kwamé Nkrumah. Et en début de ce mois, à Dakar pour prendre part à la 3ème édition de la Conférence sur la reconstitution du fonds du Partenariat mondial pour l’éducation (Pme), Nana Akufo-Addo a fait un plaidoyer pour appeler les pays africains à apprendre à régler leur problème par eux-mêmes.
Une déclaration positivement accueillie par l’assistance et par de nombreux intellectuels africains. Prenant la parole à la suite de ses homologues francophones le chef de l’Etat ghanéen, décomplexé, a appelé les pays africains à grandir et sortir du tutorat de l’Occident. «Nous ne pouvons pas dépendre des autres. Je ne le dis pas pour tourner le dos à ces nombreux bailleurs qui nous soutiennent, mais si notre politique dépend d’autres bailleurs de fonds, si leur politique est réformée, nous allons souffrir», a-t-il averti devant un Emmanuel Macron qui savait déjà à quoi s’en tenir après le discours d’Accra. Poursuivant, le Président ghanéen notera que l’Afrique est capable de trouver les ressources financières nécessaires. «Les fonds sont disponibles sur notre continent. Nous en avons en abondance, si nous éliminons la corruption de notre continent, si nous nous organisons pour avoir des arrangements plus prometteurs et plus attractifs pour exploiter nos ressources», souligne-t-il. L’un dans l’autre, l’on peut dire que Nana Akufo-Addo est en train de gravir, l’une après l’autre, les marches d’un leadership fondé sur du concret.
Ibrahima ANNE