CONTRIBUTION
Depuis son élection à la tête de la République Française, le jeune Président Emmanuel Macron a parcouru des milliers de kilomètres pour visiter des pays africains. Il s’est particulièrement rendu dans d’anciennes colonies de la France. Au cours de ses différents périples, et de façon volontariste, le Président Macron s’est évertué à décliner et expliquer sa nouvelle politique, voir sa nouvelle vision de la coopération France- Afrique. Il a été bien écouté et, certainement, bien entendu par les chefs d’Etat des pays visités.
Quid de l’opinion africaine ? Pour ce vecteur le plus déterminant de sa communication, il n’est pas certain que le message du président de la France ait été bien compris. La communion avec des étudiants, dans un amphithéâtre de l’université Joseph Ki-Zerbo de Ouagadougou, n’est point un baromètre de l’appropriation du discours du Président par les jeunes du continent africain.
Le traitement consacré au sympathique échange, entre le Président et les étudiants, et, entre les présidents des deux pays, par certains médias et autres communicants européens, est encore une preuve de leur ignorance de la culture africaine. En Afrique, on ne saurait apprécier par des prismes occidentaux, les larges convenances accordées à l’étranger, de surcroit, s’il s’agit d’hôte de marque. Cette valeur de notre culture qui peut friser la naïveté, a souvent facilité la pénétration occidentale dans le continent. L’étranger était venu avec des intentions cachées. Ce fut une opportunité pour trahir notre hospitalité, et asseoir sa domination, par la supériorité des armes.
Les peuples ne sont pas maîtres de leur culture, en point de vouloir, ou pouvoir sen débarrasser selon leur gré.
La nouveauté de l’approche du Président Macron ne proscrit pas une tradition de ses prédécesseurs. Lui, au tant que les autres, est à la recherche du format, pour ne pas dire de formule, d’une coopération décomplexée avec l’Afrique, tout en préservant les intérêts de la France. Ainsi, c’est un difficile jeu d’équilibrisme auquel se livre la France, depuis l’indépendance des ses anciennes colonies africaines au sud du Sahara, dans les années 1960.
Du général De Gaule à l’actuel président Macron, la volonté a toujours été affichée, par la France, d’établir une autre forme de coopération avec l’Afrique.
La dernière trouvaille du président Macron, c’est la création d’un Conseil présidentiel pour l’Afrique. Le Conseil, composé essentiellement de binationaux, a pour mission de baliser au président, les meilleures voies possibles d’une nouvelle coopération avec l’Afrique. A ce propos, il faut saluer l’humilité du Président Macron. En prenant une pareille décision, il accepte sa méconnaissance de l’Afrique et, par conséquent, l’importance d’être conseillé par des Africains, sur des sujets concernant leur continent.
Quand bien même, l’idée est généreuse, voir courageuse, il y’a une forte probabilité, à l’instar d’autres qui l’on précédées, qu’elle finisse ses jours au musée des œuvres d’art politique, que la postérité visitera de temps à autre, pour animer des débats d’intellectuels.
Le moment est venu d’être plus courageux, en regardant la réalité en face. L’histoire, la langue, les intérêts, le subconscient culturel, et tant d’autres facteurs immatériels, constituent les liens indestructibles entre la France et l’Afrique. La probabilité d’un accident historique, pouvant anéantir ces liens est presque nulle.
S’il en est ainsi, pour ne plus s’éterniser dans des formes de coopération qui dureront le temps d’une rose, il faut oser. Oser penser et, créer un socle de coexistence, qui aura l’ambition de défier le temps. Le temps est venu de développer une énergie collective entre la France et l’Afrique, pour construire dans la pierre leur volonté commune d’avancer ensemble, pour aujourd’hui et demain. Ne le feraient-elles pas, elles rendraient plus laborieuse, plus risquée et plus lente, leur marche vers le nouveau monde qui est en train de se construire.
Selon un adage wolof «Ñi Manula Taqali koo Dañuy and» «Dans l’impossibilité de se séparer, il faut rester ensemble.»
Le 1e février 2018, le Sénégal aura l’honneur d’accueillir le président de la République Française.
Comme le veut la tradition africaine, nous l’accueillons avec une « calebasse de noix de cola », sous forme d’une réflexion sur le futur de la coopération entre la France et certains pays africains.
La construction organique étant la meilleure façon de rester ensemble, la mise en œuvre d’un CONSEIL DES ETATS FRANCE –AFRIQUE (CEFA) pourra être étudiée par les différents pays concernés.
Le Conseil sera composé par la France et les pays membres de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (Uemoa.)
L’Uemoa est l’organisation la plus indiquée au plan continental. En effet, elle est l’organisation, ou, l’une des organisations d’intégration les plus achevées en Afrique. Les Etats membres partagent presque tous la langue française, ont une monnaie commune, et appliquent des règles commerciales et douanières harmonisées.
L’objectif principal du Conseil, c’est d’entreprendre des investissements massifs dans les pays de l’Union. Les intérêts, bien sur, seront partagés par la France et les pays de l’Union.
Le modèle des investissements et de la propriété du patrimoine pourra s’inspirer de l’Organisation pour la mise en valeur du Fleuve Sénégal (Omvs), pour les Etats de l’Uemoa.
La France participera au financement par un emprunt sur le marché. Elle sera ensuite remboursée à un taux concessionnel par les pays membres de l’Uemoa. En échange, les entreprises françaises en partenariat avec des sociétés locales bénéficieront de préférence pour la réalisation des projets.
A terme, par une politique de transfert de technologie, les entreprises de l’Uemoa, seront à un niveau technologique qui leur permettra d’être en compétition et de gagner des marchés en Europe.
Ainsi, les Pays de l’Uemoa auront une opportunité de se moderniser plus vite. La France aura un nouveau marché pour ses entreprises .Elle trouve en même temps, en partie, une solution à ses difficultés économiques et ses conséquences sur le plan social.
Un coup d’arrêt sera porté à l’émigration clandestine, car les pays africains, membres du Conseil, auront une offre d’emplois exponentielle pour leurs jeunes.
Au début, le Conseil pourra ainsi être organisé, et autour des domaines suivants :
1-Le Conseil des Chefs d’Etat et de gouvernement sera l’organe principal du Conseil des Etats. Il fonctionnera sous la forme d’une présidence et d’un lieu de réunion tournants. Il sera l’organe d’orientation et de décision du Cefa.
2-Le parlement du Cefa sera composé par les députés, délégués des assemblées nationales des pays membres, au prorata de la population de chaque pays. Les députés délégués doivent être élus par leurs pairs, en tenant compte de la représentation minoritaire.
Les Etats du Conseil, procèderont à une harmonisation de l’élection de leurs députés.
Le parlement aura un rôle consultatif et de conseil pour le Conseil des Chefs d’Etat. Il sera aussi chargé de vulgariser le Cefa auprès des populations des pays membres.
Certaines décisions du Conseil des Chefs d’Etat, définies d’un commun accord par les Etats, seront soumises à l’avis du parlement du Cefa ;
3-La Force de défense et de sécurité, sera composée d’éléments armés des pays membres, qui contribueront aussi au financement. L’accord général relatif à la création de la Force, devra obligatoirement être soumis à l’avis du parlement. L’opinion publique des Etats africains membres du Conseil ne doit plus avoir le sentiment, d’une présence de l’armée française portant atteinte à notre souveraineté.
4-L’Agence du Conseil pour les infrastructures sera un instrument clé dans le dispositif stratégique du Conseil. Le développement de l’Afrique passera par la réalisation d’infrastructures modernes. L’une des raisons de l’immigration des jeunes africains vers l’Europe est due au manque d’infrastructures de qualité dans notre continent.
Une compagnie aérienne et des aéroports modernes devront être réalisés.
5-La santé devra faire l’objet d’un intérêt particulier. Des hôpitaux aux standards internationaux seront construits dans les pays de l’Uemoa. Le personnel comprendra des assistants techniques français ;
6-L’enseignement supérieur, la recherche, la formation professionnelle et l’industrialisation, seront autant de domaines d’activités qui feront l’objet d’une nouvelle orientation ;
7-La monnaie ne devra plus être sujet de débats relatifs à la souveraineté des pays .Les Etats de l’Uemoa, membres du Conseil, pourront adopter la future monnaie unique de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), sans préjudice de leur coopération avec la France et avec les pays membres de la Communauté ;
8-Les visas d’entrée feront l’objet d’un assouplissement entre les Etats du Conseil. Compte sera tenu du problème de l’immigration clandestine de ressortissants des pays membres de l’Uemoa.
9- Le Conseil pourra ultérieurement intégrer le royaume du Maroc et la République de Tunisie. L’occasion pour la France et ces pays de se rattraper, après l’échec de l’Union pour la Méditerranée.
Ainsi, des Etats indépendants et souverains se passeront de leur orgueil, pour ensemble, construire une nouvelle coopération bénéfique pour leurs citoyens. Sans prétendre être un nouvel acteur sur la scène internationale, cette façon d’être ensemble renforcera le poids des Etats parties au niveau mondial.
C’est une nouvelle chance que nos pays doivent saisir, au risque d’une recherche qui n’a que trop duré, de ce que devrait être nos relations futures.
Habib SY
Ancien ministre d’Etat
Commandeur de l’Ordre Du Mérite Agricole de la République Française
Décoré de l’Alliance Française