CONTRIBUTION
«Le ventre est encore fécond d’où est sortie la bête immonde» (Brecht).
Le deuil national décrété en raison de la tuerie de 13 de nos compatriotes casamançais – sur lequel je souhaite revenir dans ce propos – se termine à peine quand un autre deuil vient frapper notre pays. La disparition de Serigne Sidi Moctar, 7ème khalife des mourides. Frappant de tristesse toute la communauté nationale. Le président de la République a annulé le Conseil des ministres pour se rendre à Touba pour présenter ses condoléances et celles de la Nation. C’est dire l’importance de l’évènement. Serigne Sidi Moctar Mbacké est le petit-fils de Serigne Touba, puits du Savoir qui est parmi l’un des plus importants guides religieux sénégalais et le seul qui a su adapter harmonieusement l’Islam à notre environnement socio-culturel. A la nation entière et en particulier la communauté mouride, je présente mes condoléances les plus sincères et souhaite que Dieu accueille en Son Paradis le plus haut, l’illustre disparu.
Serigne Sidi Moctar aurait, sans aucun doute, condamné la tuerie qui s’est passée en Casamance. En effet, ce qui vient de se passer en Casamance est au-delà du dicible et de la barbarie, mais relève de la sauvagerie ignominieuse et injustifiable. Rien d’ailleurs ne peut justifier cela. Lors de son discours à la Nation, le 3 avril 2018, Macky Sall, président de la République du Sénégal, garant de la continuité territoriale, renouvelait son appel à la paix des braves, sans vainqueur, ni vaincu et consacre, depuis 2012, à la Casamance, où la paix, même précaire, semblait être revenue depuis le fameux appel du président Macky Sall, l’essentiel de l’effort national en termes économiques notamment. Effort qui, du reste, est continué sans relâche par le président de la République du Sénégal.
Irrédentisme ? Trafic de bois ? Baroud d’honneur ? Le Mfdc qui aurait commis une bavure (Atépa) ? Un acte de guerre qui ne dit pas son nom (Babacar Justin Ndiaye) ? Economie de guerre ? Dans tous les cas, il me semble que nous avons affaire plus à affaire crapuleuse, un acte plus criminel que politique lié au trafic de bois que le chef de l’Etat avait également condamné sans réserve. J’entends bien toutes ces positions, mais aucune explication au monde ne peut justifier le massacre de 13 jeunes casamançais, nos compatriotes. Il ne saurait y avoir aucun prétexte pour ne pas condamner préalablement cet acte, avant toute réflexion dont elle est la condition. Rien ne saurait contenir notre indignation, ni notre colère surtout devant une telle violence, violence qui est toujours un acte de faiblesse. Il faut refuser avec vigueur la stratégie de la peur. Ces criminels doivent être recherchés, arrêtés et jugés selon les lois avec toute la rigueur nécessaire.
On ne peut indexer, pour le moment, personne sans des preuves avérées, indiscutables. Il s’agit d’explorer toutes les pistes, car il se peut que cela soit de simples crapules, de l’économie de guerre, ou des affairistes interlopes qui trouvent leur beurre dans la situation casamançaise. Aux enquêteurs de nous démêler tout cela. Nos militaires et nos services secrets, les journalistes d’investigation pourraient y aider également. Souleymane Jules Diop a bien raison : on ne peut pas vouloir l’«indépendance» de la Casamance en commençant par tuer des Casamançais. La Casamance, a dit mon ami Nouha Cissé, appartenait au Royaume du Gabou d’où sont venus d’ailleurs les Guelwars sous la conduite de Meïssa Waly Dione et qui se sont bien intégrés en pays sérère. Ce qui ne doit pas empêcher l’Etat du Sénégal de prendre langue avec tous les pays issus du démembrement du Royaume du Gabou.
Cet acte grave devrait faire l’objet d’un consensus très fort entre l’Etat et toutes les forces vives de la Nation, sans récupération politique. Il s’agit de la cohésion nationale qui nous intéresse tous. Il s’agit d’en finir avec ce conflit qui a assez duré. En emmenant toutes les parties autour d’une table, avec le ferme soutien de notre Nation et de notre Peuple. Toutes guerres finissent autour d’une table. Et il est temps de se mettre autour d’une table, avec toutes les bonnes volontés pour vider complètement ce conflit. On a aussi parlé de frustrations, frustrations propres à toutes les régions frontalières. Pour ce qui me concerne, conscient que l’irrédentisme ne peut plus prospérer, au moment où tous les peuples cherchent à se regrouper, à rassembler leur force pour la bataille de l’Emergence et du Développement. Il fera donc beau un jour, dans un Sénégal uni, solidaire et fraternel.
Professeur Hamidou DIA
Conseiller Spécial du Président de la République