L’affaire est en passe de lui filer entre les doigts. Le cas échéant, ce sera un gros raté pour le privé sénégalais qui aura montré son incapacité à gérer le gros business.
Le téléphone portable risque d’être insupportable pour Kabirou Mbodje. Le patron de la plateforme de services financiers Wari est, en effet, passé à côté du deal de l’année. Après avoir annoncé, en février, la vente de la licence de sa filiale sénégalaise pour 80 milliards de francs Cfa à l’homme d’affaires sénégalais, la société américaine de droit luxembourgeois, Millicom international cellular (Mic), a rompu le marché pour défaut de paiement. Par la même occasion, elle se tournait vers le consortium composé du Groupe Teyliom Telecom, NJJ, et de Sofima (véhicule d’investissement en télécommunications géré par le Groupe Axian) pour lui filer son business au Sénégal. Ce, en attendant l’onction de l’Etat. Ce que n’entend pas accepter le patron de Wari qui a saisi la justice pour arbitrage, pendant que le chef de l’Etat appelle les différentes parties à une impossible entente. Une manière assez savante de ne pas trancher et de différer le problème puisque Millicom, qui en est à un point de non-retour avec Wari, n’en veut pas.
Conformément au contrat de vente qui les lie, Wari disait avoir respecté tous ses engagements dans le cadre de l’acquisition du deuxième opérateur de téléphonie sénégalais, en payant le déposit initial de 10 millions de dollars et en conduisant une due diligence contractuelle de 9 mois (étude de tous les aspects commerciaux, légaux, financiers et techniques de Tigo) qui devait déboucher sur un paiement du reliquat au plus tard le 02 novembre 2017. C’est pourquoi, ayant prévu de faire le paiement au plus tard le 30 septembre conformément aux engagements de sa banque partenaire, Wari dénonce la rupture unilatérale du contrat par Millicom, interpelle les autorités sénégalaises et prend l’opinion à témoin pour empêcher «pareille forfaiture».
En tout état cause, s’il avait abouti, ce rachat d’une filiale d’une multinationale serait le deal de l’année. Il avait suscité un immense éclatement de joie de Sénégalais qui y voyaient une révolte contre le colonialisme économique. Mais, avec ce flop, c’est ainsi la réputation, méchamment entachée de tout le secteur privé national, qui en prend un sacré coup. Pis, ce fiasco du siècle sera lourd de conséquences pour le jeune entrepreneur sur qui plus personne n’aura confiance dans les gros business. En effet, stoppé net sur le rachat de Siab Togo, filiale de la holding Libyan Foreign Bank, Kabirou Mbodje essuie ce deuxième revers qui risque de le décrédibiliser à jamais. Espérons qu’il se relèvera de ce coup cruel.
Seyni DIOP & Adama COULIBALY