Le volumineux dossier des 31 accusés de terrorisme a été remis aux avocats de la défense, à 24 heures du procès.
En voilà une raison qui a motivé le renvoi du jugement d’Imam Ndao et autres, au 14 février 2018.
Encadrés par des gendarmes, l’imam Alioune Badara Ndao quitte le box des accusés et se dirige à la barre, dans une ambiance solennelle et pesante. La gorge nouée parfois, mais sans larmes. C’est le plus célèbre des 31 accusés de terrorisme qui comparait ce jour, devant la «Chambre criminelle à formation spéciale». Il est un peu avant 10 heures. L’homme apparait vêtu de blanc, carrure massive et visage encadré par une longue barbe noire. A la barre en ce mercredi matin de décembre, dans une salle sous tension, on voit l’image idyllique d’un accusé «gentil à la maison», pratiquant «un islam normal» dont ses proches décrivent son attachement salafiste. Dans les esprits, dans les débats, dans le volumineux dossier que l’on aperçoit empilé sur la table des juges, c’est son procès qui semble se vivre. Le défilé des accusés continue, sous escorte des hommes blasés. A ses côtés transparaît un autre visage, celui de Saliou Ndiaye, arrêté le 11 juillet dernier. Près de lui on voit Latyr Niang, celui à qui le surnom d’«Abu Moussa» a collé à la peau. Derrière ces deux hommes se cachent des visages féminins : ceux de Coumba Niang, Marième Sow et Amy Sall Ndiaye.
Le juge n’est pas encore rentré dans le vif du sujet, mais déjà, les lignes de défense se dessinent. Les avocats commis d’office par l’Etat du Sénégal se plaignent d’avoir tardivement reçu leurs dossiers. «Le dossier a été remis à notre disposition tard dans la soirée d’hier. Nous n’avons pas accès au même dossier que le parquet et les juges. Ce dont on nous a remis ne correspond pas avec celui dont vous détenez Monsieur le juge», déplore Me Dieng de sa voix calme. Il ne va pas s’en limiter là. «Le dossier comporte des failles et des lacunes car le tiers est constitué de pages blanches qui ne permettent pas d’exercer correctement la défense des accusés. Il faut nous permettre d’entrer en possession de la totalité du dossier entier et lisible. Nous voulons également que vous nous permettiez d’être à égale distance», ajoute-t-il, le regard rivé vers ses confrères. Comme pour contenir la rage des avocats, le juge rassure : «Nous veillerons à ce que toutes les conditions soient réunies (…)».
L’ombre de deux absents pèse sur ce procès, des accusés fantômes dont leurs noms ne cessent d’être prononcés. Un motif supplémentaire de report du procès. Le comble est le désordre qui règne dans la salle pourtant prévue pour abriter la prestation de serment de nouveaux avocats. Familles des récipiendaires et celles des détenus pour terrorisme se bousculent pour avoir une place de choix pour ne rien rater de la scène car le procès des présumés terroristes était initialement prévu à la salle 3. Au final, comme il est de tradition pour toute «affaire nouvelle», le procès est ajourné jusqu’au 14 février 2018. Ce sera en «audience spéciale continue jusqu’à épuisement du rôle». L’annonce du renvoi du procès suscite la bruyante agitation des familles des détenus qui crient : «Allahou Akbar», «La ilaha ilala». Dans la salle d’audience, l’affluence est très forte pour assister à l’audience, très médiatisée, dans une ambiance parfois tendue. En cet instant solennel où on n’entend pas même une mouche voler, la salle est en larmes. Chez les familles des accusés, on pleure. Sur les bancs du public, on pleure. Sur ceux des parties civiles, on pleure. Sur ceux de leurs avocats, sur ceux des avocats d’en face, sur ceux de la presse, on pleure.
Pape NDIAYE