Entre le marteau de Gorgui Sy Dieng et l’enclume d’un présumé détournement de fonds dans son ministère, Matar Ba n’avait d’autre choix que de se jeter dans un océan d’explications.
Seulement, au sortir de son face-à-face avec la presse qui l’a distingué à deux reprises, il n’a convaincu que ses partisans. Pis, le ministre des Sports met l’équipe nationale de football sur une autre voie que sportive et davantage de pression aux footballeurs.
Le ministre Matar Ba était attendu au tournant. Ne pouvant indéterminément surfer sur l’euphorie de la qualification des Lions à la prochaine coupe du monde, il a mis le nez dans les affaires d’argent qui empestent son département. Et, c’est dans son bureau qui peut accueillir une bonne des migrants, qu’il a convoqué la presse. Ainsi, en deux temps trois mouvements, le ministre a entonné le refrain de la dénégation et balayé d’un revers de main toutes les accusations qui éclaboussent son département. «Ces soi-disant 300 millions qui ne sont pas passés par la DAGE qui est (sont monsieur le ministre, ndlr) allés au niveau de la Fédération. Je vous rappelle que c’est le Président de la Fédération sénégalaise Me Babacar Ndiaye et Gorgui Sy Dieng qui ont plaidé, qui ont porté le plaidoyer, ici, à mon niveau pour organiser une partie de l’Afrobasket. Ce n’était pas prévu dans le budget du ministère des Sports », s’est-il défendu. Seulement, loin de se disculper, le maire de Fatick s’est carrément enfoncé mettant même à nu un amateurisme érigé en mode de gestion. Depuis quand l’organisation d’un tournoi international se décide entre trois personnes dans un bureau ? Pourtant, il ne va pas s’en arrêter là. Comme si les deux distinctions que lui a décerné l’Association nationale de la presse sportive (ANPS) pouvaient lui servir de bouclier, le ministre a même tenté de de nier l’évidence de la dette que son département a contractée auprès de Gorgui Sy Dieng. «Il a eu à se plaindre d’une dette qu’on aurait eu à contracter », a déclaré Matar Ba qui utilise le conditionnel oubliant que la décharge qui a été rendue publique engage directement son ministère parce que portant la signature d’Amadou Tidiane Fall en sa qualité de directeur de l’administration générale et de l’équipement du ministère des Sports. Mais la concordance des temps semble ne guère préoccuper le ministre qui, aussitôt, va parler de la dette envers le sociétaire des Wolves de Minnesota en usant du présent. «En tant que ministère, on a une organisation. Même dans vos rédactions quand il y a une faute, c’est à l’intérieur que cela se règle. Aujourd’hui avec cette dette-là, même s’il y a quelque chose à regretter, c’est à l’interne. Et ça se règle à l’interne», a ajouté le ministre qui reconnait explicitement qu’une faute a été commise. Toutefois quel crédit accorder à ce règlement à l’interne ? C’est parce que justement lui et ses services n’ont pas réglé la dette à l’interne que la clameur populaire l’a reprise.
Les contreperformances du ministre des Sports ne s’arrêtent pas aux seules questions pécuniaires. Face à la presse, Matar Ba n’a pas réédité le coup d’avant Rio (aux Jeux olympiques 2016) quand il disait aux basketteuses : « tout le monde sait que quelques soit notre engagement il sera impossible de revenir avec la coupe ». Cette fois, c’est le sens inverse qu’il a pris. «Cette coupe du monde est une occasion exceptionnelle pour lancer définitivement notre pays. Nous devons saisir cette occasion pour amener les hommes d’affaires russes à s’intéresser à notre pays. Mais nous devons faire de telle sorte que les hommes d’affaires qui financent des clubs européens s’intéressent directement à notre football local », a soutenu le ministre. Si son manque d’ambition lui a été reproché aux jeux de Rio, avec la prochaine coupe du monde de football, il a voulu placer la barre très haut. Sans doute voudrait-il faire des joueurs sélectionnés par Aliou Cissé des courtiers en quête d’investisseurs pour le Plan Sénégal émergent. C’est du ministre du Tourisme ou de celui du Commerce qu’il était attendu un tel discours. Car, si la coupe du monde peut davantage faire connaitre le Sénégal, l’objectif principal reste sportif. Tout ce qui pourrait en suivre ne serait qu’un bonus.
En parlant d’investisseurs russes pouvant intervenir au Sénégal, Matar Ba cherche visiblement à noyer le poisson et à donner à Macky Sall des raisons de ne pas le défenestrer.
Mame Birame WATHIE