La deuxième déclaration de politique générale du Premier ministre ne sera pas une promenade de santé, au contraire elle risque d’être houleuse.
Autant la première s’était passée dans le «calme», autant celle-ci risque d’être très houleuse. Car les relations entre le pouvoir et l’opposition n’ont jamais été aussi tendues avec les dossiers Khalifa Sall, le dialogue politique, les dernières élections législatives, mais aussi les ressources naturelles récemment découvertes.
Khalifa Sall: Tous les députés de l’opposition sans exception ont pris fait et cause pour le député-maire de Dakar dont l’Assemblée nationale a levé son immunité parlementaire. Et ils attendent certainement le chef du gouvernement pour lui dire tout le bien qu’ils pensent de cette affaire. Ils ont d’ailleurs donné le ton lors de la levée de l’immunité parlementaire de Khalifa Sall, mais aussi lors du passage du ministre de la Justice à l’Assemblée nationale pour défendre son budget. «Le droit de Khalifa Sall a été violé depuis le début. Alors que les corps de contrôle ont incriminé des gens de l’Apr, depuis lors on attend la Justice pour trancher, mais rien», a asséné le député Déthié Fall à l’endroit du ministre de la Justice. Puis il ajoute: «Nous demandons au Procureur d’arrêter de menacer les citoyens qui décrit le fonctionnement de la Justice alors qu’ils sont dans leurs droits». En conférence de presse le 23 novembre dernier, ils ont accusé le pouvoir et l’Assemblée nationale d’avoir violé les droits de leur collègue, notamment la violation de son immunité parlementaire. «Les députés du groupe des non-inscrits avec ceux du groupe Liberté et Démocratie apportent leur soutien total à l’honorable député Khalifa Ababacar Sall et dénoncent la cabale politico-judiciaire dont il est victime avec la complicité de la majorité parlementaire», dénonçaient-ils. Puis ils poursuivaient: «Les Sénégalais que nous représentons et pour lesquels nous travaillons méritent de savoir le sort injuste, le traitement cynique, illégal et sans fondement juridique qui est fait à notre collègue Khalifa Ababacar Sall».
Mieux, avant cette déclaration le président du groupe parlementaire de l’opposition, Liberté et Démocratie et vice-président de la commission ad hoc, Madické Niang, et Déthié Fall, les deux députés de l’opposition, membres de la commission ad hoc avaient décidé unanimement de la quitter solidairement, et de rejeter par avance «le terrorisme d’Etat qui cherche à discréditer par l’arbitraire» un acteur politique. Ces députés estiment que Khalifa Ababacar Sall bénéficie d’une immunité parlementaire parce qu’il a été déclaré élu député du Sénégal par décision rendue par le Conseil constitutionnel de la République du Sénégal.
Le dialogue politique: L’opposition parlementaire attend également de pied ferme le Premier ministre sur les questions électorales. Mahammad Boun Abdallah Dionne avait fait l’impasse sur cette question. Il n’avait évoqué nulle part la question de l’organisation des élections lors de sa première déclaration de politique générale. Mais cette fois, les choses ont changé et beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, avec l’organisation chaotique des dernières élections législatives. Les coalitions Wattu Senegaal et Manko Taxawu Senegaal dirigées respectivement par Abdoulaye Wade et Khalifa Sall accusent le pouvoir d’avoir volé ces élections à Dakar et d’avoir interrompu le scrutin à Touba. Arrivées respectivement deuxième et troisième, elles ont boycotté le dialogue politique avec d’autres leaders dont Abdoul Mbaye, Ousmane Sonko, etc. Cette opposition considérée comme radicale exige aujourd’hui la nomination d’une personnalité consensuelle pour l’organisation des futures élections, notamment la présidentielle de 2019. Le Pds et ses alliés de Wattu Sénégal ont prévenu qu’ils ne participeront plus à une élection organisée par un ministre de l’Intérieur membre de l’Apr. Et à défaut d’avoir en face d’elle le président de la République aujourd’hui, les députés de l’opposition vont taper à n’en pas douter sur le chef du gouvernement. Et il sera difficile pour Mahammad Boun Abdallah Dionne d’esquiver ce lancinant dossier.
Pétrole et gaz: L’opposition va se donner à cœur joie dans les dossiers du pétrole et du gaz. Déjà l’ancien ministre de l’Energie qui a démissionné de son gouvernement et de l’Apr, le parti présidentiel, leur a balisé le chemin. Il a révélé que le Premier ministre ignorait les détails du contrat qu’il a signé entre l’Etat du Sénégal et l’entreprise française Total. Le député Ousmane Sonko a une occasion en or de croiser le fer avec le chef du gouvernement. Il en est de même de Mamadou Lamine Diallo, le fondateur du mouvement Tekki, qui accuse la famille présidentielle d’avoir fait main basse sur les ressources naturelles du Sénégal, ne cesse de réclamer un débat avec le chef du gouvernement.
Lors de sa précédente Déclaration de politique générale, le Premier ministre Mahammad Boun Abdallah Dionne avait mis l’accent sur la lutte contre la corruption. Il s’était réjoui de la mise en place de l’Ofnac, l’adoption de la Loi sur la déclaration de patrimoine, le Code de transparence dans la gestion des finances publiques et les mesures prises pour faciliter l’accès à l’information budgétaire. Mais l’opposition accuse le pouvoir de pratiquer une justice sélective. En conséquence, le Premier ministre devra répondre aux critiques de l’opposition selon lesquelles des responsables du parti au pouvoir sont incriminés par des corps de contrôle de l’Etat et ils ne sont pas inquiétés.
Le Premier ministre Mahammed Boun Abdallah Dionne avait également mis l’accent sur l’économie. Selon lui, les signes de la relance économique sont bien visibles, avec une croissance attendue à 4,5 % à la fin de l’année.
Charles Gaiky DIENE