CONTRIBUTION
Monsieur le Président, le sommet Ua-Ue auquel vous assisterez les 29 et 30 novembre prochains à Abidjan sera sûrement centré sur ce qu’il convient d’appeler le problème «libyen». Mais ce problème date de longtemps et, croyez-moi, ce ne sont pas des sommets et des manifestations qui vont trouver un début de solution à ce phénomène crucial que j’appellerais l’émigration-suicide. Au-delà des pertes humaines très douloureuses depuis le début du phénomène qui d’ailleurs ne se limite pas à la Libye, c’est une population très jeune et recherchée par tous les pays développés que le Sénégal perd au quotidien. C’est regrettable pour un pays comme le Sénégal qui n’a que 57 ans de souveraineté nationale.
Monsieur le Président, vous conviendrez sûrement avec moi que le mal est très profond et qu’aucun effort pour une projection objective de résolution du phénomène n’a été menée jusqu’à présent. Et les statistiques de l’Ansd sont très claires par rapport aux chiffres très alarmants qui devraient vous faire tilt dans votre subconscient. Une population très jeune qui a 45 % de sa composition sans formation et qui veut faire partie des citoyens sénégalais qui ont «socialement réussi», c’est une bombe en gestation !!! Monsieur le Président, à votre avis, quel est l’avenir d’un jeune de 25 ans sans formation et qui vit dans une société où un modèle de «réussite sociale» lui est présenté au quotidien à travers nos médias qui ont fini de travestir les réalités sociales ?
Ce phonème social n’est pas aussi simple comme on le présente. Prenez conscience que quand le pays que vous dirigez a une population très jeune et je dirais même trop jeune, il y a une politique à définir pour une projection sur l’avenir. Et la jeunesse de la population doit être transformée en avantage au lieu d’être un problème qui finit malheureusement par ce casse-tête qui doit sûrement hanter votre quotidien en ce moment.
Monsieur le Président, il est grand temps que vous abandonniez votre politique pour la jeunesse avec les agences qui sont des gouffres à sous qui n’ont rien donné en termes de résultat et sont à contre-courant d’une vraie politique d’emploi des jeunes. Le vrai problème de notre jeunesse sénégalaise, c’est le manque de formation et le système d’insertion dans le monde du travail. Les financements que vous donnez aux jeunes via ces agences ne servent à rien, car ils sont livrés aux dures réalités du monde du travail qui a ses réalités et requiert beaucoup d’expérience et de ténacité.
Monsieur le Président, pourquoi vous ne vous inspirez pas du model pôle emploi qui connaît un succès considérable. Après des formations qui s’adaptent aux réalités du marché du travail, engagez des partenariats avec les privés en y insérant les jeunes qui seront à la charge de l’Etat sénégalais. Et je pense qu’aucune entreprise ne dira non à ce partenariat gagnant gagnant. Ces agences budgétivores doivent être réorientées vers l’insertion des jeunes dans les entreprises existantes et c’est seulement après avoir acquis beaucoup d’expériences que vous devez les laisser affronter les dures réalités qu’ils auront déjà côtoyées par expérience.
Monsieur le Président, une action concertée et coordonnée avec une politique d’émigration négociée et planifiée pourrait trouver un début de solution. En tout cas, une jeunesse débordante d’énergie qui ne voit pas une solution immédiate à son avenir est une bombe en gestation. Le mirage du «modèle de réussite sociale» en parfaite contradiction avec les dures réalités de notre société les conduit aux pires folies imaginables comme les tentatives d’immigration- suicide (…) Le phénomène de l’émigration est trop sérieux pour laisser des non expérimentés se positionner en expert et je vous rappelle au passage qu’il existe des citoyens sénégalais expérimentés en la matière. Au passage, je vous rappelle que le conseiller du ministre italien de l’Intérieur en matière d’immigration est un citoyen sénégalais et ces expertises ne demanderaient rien à être consultés sur les problèmes d’immigration au Sénégal et seraient fières de servir leur pays.
Monsieur le Président, tout en vous souhaitant un bon sommet Ua-Ue, je vous prie de tenir compte de ces orientations pour des politiques de jeunesse viables.
Abdou NDIAYE
Citoyen sénégalais
Esprit libre