CONTRIBUTION
Louange au Seigneur qui a dit dans le Coran ce qui suit : «La vertu ne consiste pas à passer, dans les maisons, par le toit, mais elle consiste à craindre DIEU. Entrer, donc, dans vos demeures en passant par la porte.» (La génisse, verset 189). Par ce motif, quelqu’un qui veut étudier le hamallisme, à travers ses tenants et ses aboutissants et s’il veut trouver la pie au nid, doit, d’abord, d’une part, connaître le tidjânisme et le parcours de son fondateur car le hamallisme n’est qu’un effet dont la cause est ce qui est établi par son fondateur lui-même, Ahmed Ibn Mouhamed – A –Tdjane (qu’Allah sanctifie son précieux secret).
D’autre part, le hamallisme est un qualificatif réel et non causal. Le qualificatif réel est un déterminant suiveur qui, obligatoirement, doit être en parfait accord avec son suivi qui est son déterminé. Quant à l’adjectif causal, il est, au milieu, entre son suivi et son suiveur auxquels il est soumis, entièrement. Pour illustrer cela, prenons les deux exemples suivants, dans «un homme généreux», le qualificatif «généreux» est réel. Par contre, dans «un homme dont le père est «généreux», le qualificatif «généreux» renvoie, plutôt, au père, par conséquent, il est causal. A présent, abordons la question importante.
Comment le tidjânisme est-il né ?
Au lendemain de la maturité de Ahmed Ibn Mouhamed – A- Tdjane (Ra), après sa formation dans les écoles coraniques, ses parents souhaitaient qu’il fût un grand juriste dans le rite malikite, mais le destin en décida autrement. «La voix intérieure», «le hâtif» lui dit : «Après avoir obtenu une formation solide dans le rite malikite, la sève de ta vie intellectuelle est, plutôt, mystique et non juridique. Prépare-toi et dis à ton Seigneur de te guider sur la voie droite». Par la suite, le Cheikh (Ra) se demanda : «Wa haltath mahou al ayamou samli bi boukh yatî wa nèye li mourâdi am amoutou bi hasratî ?» («Les jours qui m’attendent dans mon nouveau parcours, me permettront-ils d’atteindre mon objectif ou bien le trépas va-t-il mettre fin à mes jours avant l’obtention de mon objectif ?») «Le hâtif», «la voie intérieure» lui répondit : «N’aie pas peur, l’abondance dont tu disposeras, les jours à venir, te mettra à l’abri de la petite ablution».
Avant de voir le bout du tunnel, Cheikh Ahmed Ibn Mouhamed – A –Tdjane (Ra) eut à rencontrer beaucoup d’hommes accomplis qui fortifièrent sa formation mystique. Dans cette étude-ci, nous avons choisi, parmi ces hommes accomplis, quatre qui lui permettront de franchir le Rubicon de la conception, avant d’avoir eu à pêcher à la ligne de l’assentiment. Le premier de ces hommes fut Mouhamed Ibn Hassane Al Wandialiyou qui rencontra le Cheikh (Ra) à Diabalouzabibi (Algérie), la colline du figuier. Après l’avoir jaugé, il lui dit : «Toi, tu auras, un jour, le rang sublime de l’imam Chazâli.» Ensuite, il lui transmit «Miftahou tadjiridi» («la clef du dépouillement»).
Le second fut Ahmad – A – Tawach, un saint très célèbre de son temps. Après avoir été convaincu que le Cheikh (Ra) faisait, déjà, le poids, il lui dit : «Endure les affres de la solitude et le rappel, patiente jusqu’à ce Dieu te procure l’ouverture. Le rang divin qui t’attend, a une distinction particulière.» Par la suite, il lui transmit «Miftahou tafuidi» («la clef de la confiance»).
Le troisième fut Abdoul Khadri Ibn Mouhahamed Al Habihadi. Ce dernier était, déjà, décédé. Le Cheikh (Ra), arrivé à son mausolée, y resta cinq ans comme il est dit dans Jawâhir al Ma’âni, la livre de référence de la tarîqa tidjâne, écrit par le célèbre Sidy Hajj Ali Haarazim. Par la suite, il lui transmit par la voie isthmique «Mitfahou taslimi» («la clef de la soumission»).
Enfin, le quatrième homme fut Ahmad Ibn Abdallahi Al Hindi. Nous relaterons sa rencontre avec le Cheikh (Ra) plus loin.
Poursuivant son parcours, le Cheikh (Ra) se rendit à Tlimicen (Algérie) où il passa un bon bout de temps en se purifiant et en se cristallisant. Ce fut, pendant ce séjour, qu’il fit la connaissance d’un natif de cette ville qui s’appelle Sidy Tahara Boun Taîbata. Ils se lièrent d’amitié et restèrent ensemble jusqu’à la naissance du tidjânisme. Ce privilège de premier compagnon du Cheikh (Ra) donna, à ce dernier, des titres qui lui furent propres, comme nous allons les voir plus loin. En 1186, le Cheikh (Ra) décida d’effectuer le pèlerinage mais dans ses méditations mystiques, il avait vu qu’il devait, d’abord, se rendre au Caire avant d’aller à la terre sainte. En y arrivant, lui et son compagnon, ils furent accueillis par Mahmoudou Al Kurdî, surnommé «A tawdou a samikhou» ou la colline élevée car, à cette époque, il était l’un des pôles du mysticisme transcendantal. Dès leur première rencontre, il lui posa la question suivante : «Quel est ton objectif ?» Le Cheikh (Ra) répondit : «Mon vœu est d’être le Pôle qui cerne les sciences de la raison et de la foi». A cela, Mahmoudou Al Kurdî répondit : «Tu auras plus que cela». Puis il y ajouta : «Repasse me voir après ton pèlerinage vu que nous avons d’autres choses à nous dire.»
Une fois à La Mecque, en 1187, il fut informé de la présence, en ces lieux, d’un autre homme accompli qui était le sujet de conversation dans tous les foyers intellectuels. Cet homme était, comme nous l’avons relaté, précédemment, Ahmadou Boun Abdallahi A Hindî. Ils eurent à échanger des correspondances à la suite desquelles l’homme en question lui transmit son testament spirituel dont la teneur, dans Jawâhir al Ma’âni, est : «Anta wârissou ilmî wâ as rârî wa mâ wâhibî wa ane warî» (c’est toi l’héritier de ma science, de mes secrets, de mes dons et de mes lumières). Par la suite, il lui transmit : «Miftahou tatbîkhi» («la clef de l’application») qui fut la dernière des quatre clefs dont le Cheikh (Ra) disposa avant le jour attendu.
Puis, il se rendit à Médine. En rentrant dans le mausolée du Prophète (Saw), il fut accueilli par un saint homme du nom d’Abdoul Karim As Sammân. Ce dernier, après lui avoir décrit tout son parcours, lui dit : «Fais ta ziarra et retourne dans ton pays. Bientôt, le soleil de tes souhaits poindra à l’horizon.» Le Cheikh (Ra) retourna au Caire comme le lui avait suggéré Mahmoudou Al Kurdî qui lui transmit «A tarîkhatou al Khalwatihâtou» («la voie khalwatîya»), en y disant : «Initie les hommes, provisoirement, c’est moi le garant.»
A son retour à Tlimicen (Algérie), le Cheikh (Ra) y resta un bon moment pour purifier ses acquis au niveau des quatre clefs. Ensuite, il fit un voyage éclair à Fez (Maroc), puis il retourna à Tlimicen. Ce fut, au cours ce voyage éclair, qu’il rencontra Ali Harazîm à Woudiouda, qui, plus tard, jouera un très grand rôle dans l’expansion de la tariqa tidjâne. Dès qu’ils se serrèrent la main, le Cheikh (Ra) lui dit : «Je suis l’homme que tu as vu en rêve, il y a quinze ans et à qui tu t’es adressé en ces termes» : «Je veux que tu me fasses entrer dans l’oratoire luminaire» et dont la réponse a été : «je le ferai le moment venu». Ali Harazîm fut ébahi car, auparavant, il n’avait jamais parlé de ce rêve à quelqu’un. Automatiquement, il voulut suivre le Cheikh (Ra) mais, ce dernier lui dit : «Patience jusqu’à l’arrivée de l’ouverture». Quand l’heure arriva, «le hâtif» lui ordonna de se rendre à Abisamkhoûne (Algérie). Ce fut dans cette ville bénie où la voie tidjâne vit le jour.
A son retour à Ayn Maadi (Algérie), sa ville natale, voici le mot d’ouverture qu’il établit à tous ceux qui auront l’intention d’embrasser la tariqa : «Allahouma innî nawayetou ane atta abada laka bi tilawâti yâzal wirdi al mouhamadiyi al ma a loûmi a sanadi ibtikhâ a mardâ tika» («Seigneur ! L’intention dont je fais montre, à travers cette litanie mohammadienne dont le fondement est de toi à toi, est de me consacrer à ta dévotion à l’effet de bénéficier de ton agrément»).
Quand les causes et les effets se donnèrent rendez-vous et quand la conviction fut anéantie par le doute, les foules affluèrent de partout, qui pour s’initier, qui pour éprouver, qui pour dénigrer. Et quand les autorités de l’administration locale virent les crues, elles actionnèrent leurs moulins pour faire face à cette nouvelle situation. Au contact, quand elles sentirent que le Cheikh (Ra) n’est ni corruptible, ni intimidable et que la subordination n’a aucune chance de trouver un gîte dans son lexique mystique, elles lui déclarèrent la guerre qu’elles perdirent, d’ailleurs, car le Cheikh (Ra), auréolé du succès pluri facial, décida d’aller s’installer à Fez. L’accueil du sultan Moulaye Souleymane fut fructueux car, au moment où le Cheikh (Ra) voulut construire sa maison, il l’assista à tous les niveaux. Par contre, lorsqu’il débuta la construction de la zawiya, et que, ce même sultan, lui envoya un sac rempli d’argent, il déclina l’offre avec beaucoup de courtoisie en affirmant : «Les conditions d’édification de la zawiya sont soumises à la volonté d’Allah qui m’en a tracé un cadre spécial….» Comme ce fut dit dans khachoul hidiap
La tarîqa tidjâne n’a qu’un seul bréviaire intitulé Jawâhir Al Ma’âni, rédigé par Ali Harazîm et corrigé par le Cheikh (Ra) lui-même. C’est dans cet ouvrage que sont consignés les wirds et les apartés de la tarîqa tidjâne, ainsi que les correspondances, mais aussi, les questions posées au Cheikh (Ra) concernant la théologie islamique et ses différentes ramifications avec leurs réponses. L’auteur, Ali Harazîm, y dit : «Le wird connu» qu’il a reçu du Prophète (Saw) est ainsi libellé :
– Astaghfiroullah : 100 fois
– Assalatou ala Nabi : 100 fois
– Lâ illâha illallahou : 100 fois
Quant à la wazifa (que l’on peut faire collectivement ou infidèlement), il faut faire :
– Astafhfiroullah : 100 fois (sous quelque forme que ce soit)
– Salatoul fatihi : 100 fois
– Lâ illâ ha illallahou : 200 fois ou 100 fois
– Jawartoul kamâli : 11 fois (Hida Asra)
«Le wird connu» resta inchangé jusqu’à la disparition du Cheikh (Ra).
Au sujet du «wirdou wazifati» ou «wird de la wazifa», le Cheikh (Ra) adressa une lettre aux disciples de Fez, publiée dans Jawâril al Ma’âni, et, dans laquelle, il dit : «Persistez à la lecture de la wazifa pour qui en a les moyens, matin et soir. Allégez sa pratique si vous la sentez lourde pour vous. Récitez la salatoul fatihi 50 fois. A la place de l’istighfar, pratiquez si vous le voulez : «astaghfiroullah azîmalazi lâ illaha illâ houwa al khayoul khayoum : 30 fois.» Il garda le silence sur jawâratoul kamâli.
Logiquement, s’il en avait parlé puisque nous sommes, sous la bannière de l’allègement, il allait dire : «Faîtes la jawâratoul kamali 10 fois ou 9 fois au lieu de 12 ou 13 fois.» Ce fut, au fil des jours, qu’on constata, dans certaines zawiyas, que le jawâratoul kamâli se récitait 12 fois. A cet effet, beaucoup de thèses furent avancées à propos de cette augmentation. Mais, les deux sources les plus fiables nous viennent, d’une part, de l’auteur de «Mouliyatou al mourîdi» qui dit : «Après ce que nous venons d’avancer, le jawâratoul kamâli est récité (dans la wazifa) 11 fois. Du vivant du Cheikh (Ra), certains ont augmenté une perle. Cette augmentation est louable». Et d’autre part, l’auteur de «Boukh yatoul moustafîdi» qui est le commentateur de «Mouliyatoul al mourîdi», lui, écrivit à ce propos : «Cette augmentation d’une perle est un takhriroune venant du Cheikh (Ra).» Mais que signifie le mot «takhriroune» ? Il signifie acquiescement implicite. Ce qui veut dire que le Cheikh ne l’a pas fait, il ne l’a pas autorisé, mais il ne l’a pas interdit non plus quand certains de ses disciples l’ont pratiqué.
Maintenant, concernant cette augmentation, la seule source où il est dit que ce fut le Cheikh (Ra), lui-même, qui augmenta la 12ème perle nous vient d’Idrissa Al Iraqi qui était le responsable de la zawiya de Fez. Ce fut lui qu’Alioune Traoré consulta lors de la préparation de sa thèse de doctorat et il lui fit la déclaration suivante : «La récitation de Jawâratoul kamâli était faite 11 fois, originellement, mais le Cheikh (Ra), un an avant sa disparition, a reçu l’ordre du Prophète (Saw) de la réciter 12 fois, d’ailleurs, les auteurs de «Mouliyatoul al mourîdi» et «Boukh yatoul moustafîdi» firent allusion à cela. Par contre, si cette augmentation ne figure pas dans Jawâhir al Ma’âni, c’est parce que son auteur, Ali Harazîm, est décédé plusieurs années avant que le Cheikh (Ra), lui-même, ne reçoive l’autorisation, qu’un an, avant sa disparition.»
En son temps, quand j’ai lu cette déclaration me venant d’Alioune Traoré, j’ai répondu, en mettant en exergue les contractions constatées dans les dires de Idrissa Al Iraqi, réponse, d’ailleurs, publiée intégralement dans la thèse d’Alioune Traoré et, plus tard, dans mon ouvrage intitulé «A dawatou Al Hammawiyatou», publié en 1976. Résumons, ici, cette réponse. Si Ali Harazîm n’a pas mentionné cette augmentation, c’est parce qu’il est décédé plusieurs années avant le Cheikh (Ra) qui n’a reçu l’ordre de l’augmentation qu’un an avant sa disparition. S’il en est ainsi, pourquoi donc l’auteur de «Kitaboul diami», l’imam Mouhamed Ibnoul Misri a parlé de cette augmentation dans son célèbre ouvrage qui vient, par ordre de préséance, après «Jawâhir al Ma’ânni», en affirmant : «Jawartoul kamâli est récité, dans la wazifa 11 fois ou plus» alors que ce dernier est décédé quatre ans avant le Cheikh (Ra). Nous voyons bien, là, que l’argument d’Idrissa Iraqi ne tient pas du fait qu’il y a une incohérence au niveau des dates qu’il a avancées.
Par ailleurs, Idrissa Iraqi, en affirmant que les deux auteurs de «Mouliyatoul al mourîdi» et de «Boukhyatoul moustafîdi» firent allusion à cette augmentation, il est passé, encore, à côté dans la mesure où, le premier, l’auteur de «Mouliyatoul al mourîdi», dit : «khadzadou wahidatane» signifiant «ils ont augmenté une perle». Là aussi, nous constatons que, grammaticalement, l’auteur de «Mouliyatoul al mourîdi» emploie un pluriel (ils), donc, il ne parle pas du Cheikh (Ra) qui est un singulier. S’agissant, maintenant, du second, c’est-à-dire, l’auteur de «Boukhyatoul moustafîdi», ce dernier a dit que cette augmentation est «un takhriroune venant du Cheikh(Ra)», et «takhriroune» ne signifie pas abolition.
Voilà, concernant ce problème de l’augmentation de la 12ème perle, la réponse que j’ai eu à faire à l’endroit d’Idrissa Iraqi. Notre objectif, à travers nos recherches et de nos analyses, est de livrer l’authenticité des faits. Maintenant, en dépit de toute cette démonstration, ceux qui continuent à vouloir se cramponner aux mirages ne causent que leur propre perdition. A présent, poursuivons notre étude et intéressons-nous à l’abolition et ses origines coraniques.
Allah, notre Seigneur a dit : «Mâ nane sakh mine ayâtine aw noune sihâ natî bikhayerine minehâ aw mislihâ…» (Il n’est pas un verset que nous abrogions ou que nous fassions tomber dans l’oubli que nous le remplacions par un verset préférable ou (pour le moins) équivalent…) La génisse, verset 106. Tous les juristes avérés de l’islam sont unanimes pour affirmer que les prescriptions théologiques du Coran et de la Sunna peuvent connaître des abrogations, durant le vivant du Prophète (Saw) mais, après sa disparition, elles sont, formellement, interdites.
L’abrogation peut être totale ou partielle. Illustrons cette affirmation par des exemples pour mieux l’expliciter. «O Prophète ! Invite les croyants au combat. S’il se trouve, parmi vous, vingt hommes endurants, ils en vaincront deux cents. S’il s’en trouve cent, ils vaincront mille incroyants car ce sont des gens qui ne comprennent rien». Plus tard, il dit : «Allah a, maintenant, allégé votre tâche sachant qu’il y a en vous de la faiblesse. S’il se trouve, parmi vous, cent hommes endurants, ils en vaincront deux cents, s’il y a en vous mille, ils en vaincront deux mille.» (Sourate Les butins, versets 65 et 66). Dans cette sourate, nous constatons que le deuxième verset abroge, totalement, le premier verset. Ailleurs, le Prophète (Saw) a dit : «Je vous avais interdit la ziarra des tombes mais, maintenant, je vous en donne la permission car cette ziarra vous rappelle l’ultime demeure». Là aussi, il s’agit une abrogation totale car la deuxième proposition abroge la première dans cette phase.
Maintenant, pour l’abrogation partielle, Allah a dit : «Ceux qui portent des accusations infamantes sans pouvoir produire quatre témoins, sont passibles de quatre-vingts coups de fouet» (sourate Nour, verset 4). Plus tard, dans la même sourate, au verset 6, Allah dit : «Ceux qui lancent des accusations contre leurs épouses et n’en ont pas comme témoins qu’eux-mêmes, leur témoignage consiste à témoigner à quatre reprises au nom de Dieu et qu’ils disent la vérité.» Nous constatons, dans cette sourate, que le second verset abolit, mais partiellement, les coups de fouet concernant les maris, seulement.
Forts de cela, les hamallistes se fondant, par analogie, sur ces règles, affirment que tout ce qui est contenu dans Jawâhir al Ma’âni ne peut pas être aboli, après la disparition du Cheikh (Ra). Cela nous amène à la question suivante :
Comment la tariqa tidjâne est arrivée en Afrique occidentale ?
La tariqa tidjâne est arrivée en Afrique occidentale par l’intermédiaire de deux fidèles compagnons du Cheikh (Ra). Le premier fut Cheikh Mouhamadou Al Hâfiz et le second fut Cheikh Mouhamadou Al Khâli. Cheikh Mouhamadou Al Hâfiz était un érudit, très respecté dans son pays, la Mauritanie. Ayant eu l’intention d’effectuer le pèlerinage à La Mecque, il formula le vœu suivant : «Allah fasse que je rencontre un homme qui fortifiera mes recherches mystiques.» Arrivé en terre sainte, il fut informé de la présence de Ali Al Harâzim, l’auteur de Jawâhir al Ma’âni, qui, lui aussi, était venu en pèlerinage. Dès leur première rencontre, le Cheikh magrébin, Ali Al Harâzim, après avoir soudé ses profondeurs, lui dit : «Si tu désires résister à la bourrade des vicissitudes et à surmonter la bourrasque des imperfections, voici la solution. Prépare-toi à aller, au Maroc, pour y rencontrer mon guide spirituel, Ahamedou Abn Mouhamed – A – Tdjane (Ra). Tes soifs seront assouvies s’il plaît à Dieu.» Ce fut, ainsi, qu’il se rendit, automatiquement, au Maroc à la rencontre du Cheikh (Ra) qui, après un moment de compagnonnage, lui accorda «Al ijazatou al moutlakhatou» ou «la licence générale», exception faite de la désignation des muqadams. Là, il l’autorisa à en désigner que dix comme consigné dans «Khachoul hidiap».
Quant au second, Cheikh Mouhamadou Al Khâli, quand il rencontra le Cheikh (Ra), ce dernier lui donna «la ijaza» de désigner quatre muqadams, tout en lui précisant, que, chacun à son tour, pouvait en désigner quatre autres. Ce fut par ses adeptes et, parmi eux, Cheikh Omar Foutihou Tall que la tariqa fut introduite en Afrique occidentale. L’auteur de «Boukh latoul moustafîdi» nous dit que Cheikh Mouhamadou Al Khâli resta conforme aux prescriptions du vivant du Cheikh (Ra). Mais, après la disparition de ce dernier, on le vit étaler «la ijaza». Ce fait poussa l’auteur de «Boukh Latoul Moustafîdi» à dire : «Peut-être qu’il aurait rencontré un muqadam du Cheikh (Ra) qui détiendrait une licence générale et à cet effet, ce dernier lui aurait élargi son champ d’action. Au cas contraire, il l’aurait eu par le biais d’un rêve mystique.»
Après avoir décrit la naissance du tidjanisme, abordons, à présent, la naissance du hamallisme. Quelle est la source de l’avènement du hamallisme en Afrique ? Parlons, maintenant, de Sidy Tahara Boun Taïbata qui fut la source de la chaîne de transmission du hamallisme et dont nous avons mentionné le nom, précédemment. A cet effet, laissons la parole au grand intellectuel, Ahmed Choukeridji qui, dans son célèbre ouvrage, «Kachou hidiap», dit : «Ce saint homme, Sidy Tahara Boun Taïbata de Tlimicen était l’un des 12 miracles d’Allah, auréolé de perfections lumineuses. Il eut des degrés d’élévation émanant du Cheikh (Ra) qu’on ne saurait confiner dans un livre dont la suprême «Khilafa» al hamadiya a tidjâniya, corroborée par «une ijaza» à la source intarissable ; ils effectuèrent le pèlerinage et la oumra ensemble. En plus, ils eurent des liens de mariage entre leurs progénitures.» Et l’auteur de «Kachoul hidiap» d’ajouter : «Il a reçu du Cheikh (Ra) des dons distinctifs qu’aucun autre compagnon du Cheikh (Ra), proche ou lointain, n’a eu.»
L’auteur ne s’arrêta pas car, dans son second ouvrage, intitulé «Râf ou Nikhâbi», il lui y consacra des poèmes très élogieux dans lesquels il dit : «Il a eu du Cheikh (Ra), pendant leur compagnonnage, des secrets qui dépassent les acquisitions de la raison et qui ne se situent que dans les vaisseaux de la foi». Ce fut ce grand khalif dont nous venons de parler qui, après la disparition du Cheikh (Ra), prit une position nette lorsqu’il sentit que des esprits mal intentionnés étaient en train de s’infiltrer dans la tariqa. Il écrivit, en ce sens, des lettres aux différentes zawiyas pour les mettre en garde contre les appâts de mécréants. Ce fut cette prise de position qui lui valut beaucoup d’animosités dans certains milieux où les intéressés se sentaient menacés par ses mises en garde. Résultat : un complot fut ourdi contre lui dans le but de pousser les autorités françaises de l’époque à le neutraliser. D’ailleurs, aussitôt après, il fut arrêté, dans sa maison, puis envoyé à Sainte Marguerite (France), pendant des années. Il ne fut libéré qu’en 1871.
Pour beaucoup plus de détails sur tous ces faits, il faut consulter, entre autres, deux thèses de doctorat portant sur le tidjânisme, l’un en anglais de Diami Abou Nasri et l’autre, en français, de Jillali El Adnâni qui pourtant, sans être un apologiste du tidjânisme, pour décrire le Saint homme et sa zawiya de Tlimicen titra son travail de recherche en ces termes : «Tahara boû Tadyeb ou l’énigme d’une zawiya anti -française». Ce fut ce khalif-là qui choisit un de ses disciples du nom de Mouhamadou Bou Abdallah, plus connu sous le sobriquet de Cheikh Sidy Mouhamed Lakhdar, pour aller à la recherche de «chahibou al witri» ou «le dépositaire du secret de l’indivisible» afin qu’il restitue le tidjânisme dans son cadre originel. Il lui remit le mot de passe en y ajoutant que le destinataire se fera connaître à travers les indices qu’il lui donna.
Après plusieurs années d’investigation, Cheikh Sidy Mouhamed Lakhdar arriva à Nioro du Sahel (dans la République du Mali). A son arrivée, il sentit que l’objectif à atteindre était bientôt, à sa portée. En ce temps-là, Himallahi Ibn Mouhamed était, relativement, jeune, mais dès que Cheikh Sidy Mouhamed Lakhdar le vit, après quelques attentives méditations, il sut qu’il était l’homme accompli qu’il cherchait. Mais, vu le milieu dans lequel les oulémas et les notables évoluaient avec lui, il fallait qu’il préparât l’opinion publique avant d’annoncer la bonne nouvelle. Quand l’heure sonna, Cheikh Sidy Mouhamed Lakhdar désigna Himallahi Ibn Mouhamed Ibn Seydina Omar Al Hassanihou Atichitihou en disant : «Voici l’homme choisi dans l’oratoire divin, désormais, c’est votre guide. Cette décision n’émane pas de moi mais de mes supérieurs. Mon rôle est de transmettre et je l’ai fait.»
Voilà comment la chaîne de transmission du hamallisme naquit. En récapitulant, nous voyons que : Cheikh Ahmedou Ibn Mouhamed – A – Tdjane (Ra), le fondateur, disparut en 1815. Son Khalif, Sidy Tahara Boun Taïbata décéda en 1878. Ce qui veut dire qu’il vécut, après le Cheikh (Ra), 63 ans. Cheikh Sidy Mouhamed Lakhdar qui est le Khalif de Sidy Tahara Boun Taïbata décéda en 1909. Ce qui veut, aussi, dire qu’il vécut, après lui, 31 ans. Et ce fut, en cette même année 1909, que le hamallisme naquit. Du décès du fondateur, Cheikh Ahmedou Ibn Mouhamed – A -Tdjane (Ra) en 1815 à la naissance du hamallisme en 1909, il y a 94 ans. Ce chiffre mystique engendre trois noms divins :
– Allahou = nom propre = 66
– Wahâbou = le donneur = 14
– Wâdjdou = l’existant = 14
Si le Prophète Mouhamed (Saw) avait accepté les propositions qui lui avaient été faîtes par les khoureichs et leurs dirigeants, en envoyant Outbatou Boun Rabiata, et qui consistaient à l’amener à modifier ses méthodes, à savoir, l’attaque de leurs divinités, il n’allait pas connaître l’exil. Si Ahmedou Ibn Mouhamed -A- Tdjane avait accepté, au lendemain de son retour de Abisamkhoûne à Ayn Maadi, les propositions des autorités qui, convaincues qu’il était incontournable, tentèrent de l’amadouer, de le corrompre, ou de l’auréoler d’honneurs, il n’allait pas connaître l’exil qui le mena à Fez. Si Sidy Tahara Boun Taïbata, le premier compagnon d’Ahmedou Ibn Mouhamed – A- Tdjane, avait courbé l’échine, après la disparition du Cheikh (Ra), en collaborant avec ceux qui se sont infiltrés, dans la Tariqa, pour la détruire, il n’allait pas connaître l’exil à Sainte Marguerite (France). Si Cheikh Hamallah avait accepté de collaborer avec l’administration coloniale qui lui avait offert toutes sortes de cadeaux, y compris des médailles, il n’allait pas connaître l’exil de 1925 à 1935, encore moins, la déportation de 1941, et la démolition de ses maisons, et la fusillade de quelques-uns de ses enfants à Yélimané (République du Mali), et encore, l’envoi de nombre de ses disciples dans des camps de concentration. Cela est le résultat des exigences du qualificatif réel.
Le tidjânisme n’est pas une monarchie constitutionnelle. Son fondateur, s’adressant à ses compagnons, dit : «S’il vous arrive des propos qui me sont imputés, examinez-les, sous la bannière des investigations réelles. S’ils sont conformes avec la voie droite que j’ai tracée, dites qu’ils sont de moi, sinon est c’est non.» Les chaînes de transmission de ses khalifs relèvent, toutes, de lui, mais elles sont indépendantes les unes, des autres. Tout le reste n’est que contenu sans contenant.
L’intérêt de cette étude est d’éclairer, d’enseigner et de faire comprendre une certaine tariqa tidjâne, en l’occurrence, à travers l’attitude ou le comportement de certains de ses adeptes zélés ou trompeurs ; certes beaucoup gens confondent le hamallisme et le tidjânisme, d’autres, ne savent pas ce que le livre de référence de la tariqa tidjâne, jawâril al Ma’ âni enseigne, et d’autres, encore, par contre, ne s’en soucient même pas. Qu’Allah, le Maître absolu, nous éclaire, nous protège, et nous assiste. Amen.
Cheikh Tahirou DOUCOURE
Professeur en Sciences islamiques
Nb : Etude lue, puis commentée par son auteur, à la zawiya de Fez, en présence du Chérif Zubair, responsable de ladite zawiya, entouré de quelques-uns de ses frères et disciples, le jeudi 11 mai 2017.