Les partis de gauche qui faisaient rêver les jeunes à cause de leur attachement à leur idéologie et surtout à une répartition juste et équitable des ressources publiques, ne renvoient plus que l’image d’une gauche à la recherche de sinécure, de prébendes et de postes. La lutte des places ont supplanté l’idéologie.
L’argent et l’idéologie ne font pas bon ménage. C’est pourquoi d’ailleurs, Marx voulait une société sans argent. Mais cela, ces adeptes sénégalais, Marxistes léninistes, Troskistes, Maoistes et socialistes ne le savent pas ou font semblant de l’ignorer. La LD, AJ, le PIT, etc, ces formations politiques qui faisaient rêver les jeunes à cause de leur attachement à leur idéologie et surtout à une répartition juste et équitable des ressources publiques, ne renvoient plus que l’image d’une gauche à la recherche de sinécure et de postes. Une gauche qui n’en a cure de la misère des populations. La fin de l’exploitation de l’homme par l’homme, si cher à Karl Marx, n’est plus dans les programmes de la gauche radicale sénégalaise. L’argent a pris le dessus sur l’idéologie.
En effet, à la lutte des classes, ils préfèrent la bataille des places pour paraphraser Amadou Kah, enseignant à l’université Gaston Berger de Saint-Louis. Dans son livre paru aux éditions L’Harmattan en février 2017, l’écrivain souligne que du phénomène politique sénégalais de ces trente dernières années ressort l’absence d’une orientation générale de la gauche qui explique certainement ses nombreux errements. Mieux, la gauche sénégalaise a changé de paradigme. La recherche effrénée de l’argent et de poste est devenue leur référentiel.
D’ailleurs, c’est cette course aux postes et à l’argent qui les a poussés à expérimenter et épuiser toutes les formes de la «participation responsable» hier, avec Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, aujourd’hui, avec Macky Sall.
Cette gauche qui se caractérisait par son refus de toutes formes de compromission, se caractérise aujourd’hui par son soutien indéfectible aux régimes libéraux en place.
La Ld, le Pit, Aj, etc sont passés «du compromis à la compromission, de l’insoumission à la servitude, de l’intransigeance à la complaisance, de l’incandescence à l’esquive, des grands principes aux petits arrangements». Et cette collaboration et cette soumission aux pouvoirs ont causé la perte de la gauche sénégalaise. Aujourd’hui, c’est la Ld qui est sur la sellette. Révoltés par «la complaisance et les petits arrangements» avec le pouvoir du Président Macky Sall qui alloue chaque année quatre millions de francs au parti, des responsables de la Ld ont créé la Ld-debout. Une manière, selon Mamadou Ndoye, ancien secrétaire général de la Ld, de voir «comment rendre à notre parti son autonomie de pensée d’initiative et d’action et de le repositionner sur son identité».
Les prébendes ont eu raison des convictions
Avant la Ld, Aj a perdu son âme et son identité en raison du compagnonnage avec le régime de Wade. Et comme dans le cas de la Ld, c’est le partage du gâteau, de l’argent du contribuable, qui a été à l’origine de l’implosion du parti dont le leader Landing Savané était considéré comme l’homme politique le plus crédible. Pendant dix ans, Landing Savané recevait 30 millions de francs de la part du Président Wade sans en informer son parti. C’est ce qui avait poussé Mamadou Diop Decroix ainsi que d’autres responsables de ce parti à mener la fronde pour prendre le parti. Et ils ont réussi.
Le Pit, un autre parti de gauche radical n’a pas implosé, mais il est devenu inexistant pour ne pas dire mort à cause de son alliance avec le Président Macky Sall dans le cadre de la coalition Benno Bokk Yaakaar. Ce parti qui était une référence au temps de Diouf et de Wade a perdu de sa superbe et est incapable de remporter une collectivité locale. Le Pit et son leader Amath Dansokho sont devenus des béquilles de Macky Sall.
Il faut dire que Wade et son disciple Macky Sall excellent dans l’art de détruire les partis de gauche. Et leur unique arme se résume à l’argent. Invité de l’émission Objection sur Sud fm ce dimanche, Mamadou Ndoye considère que nous sommes dans une période où nous rencontrons des contradictions qui sont d’une nouvelle nature parce que, dit-il, il y a une véritable crise politique dans le pays avec deux facteurs principaux. Et d’après lui, l’un des principaux facteurs, c’est l’hégémonie de l’idéologie alimentaire au niveau de la classe politique. «Cette idéologie alimentaire dit ceci: faire la politique, c’est d’abord et avant tout partager le gâteau du pouvoir. Et le gâteau du pouvoir ce sont les ressources publiques et les postes publics. Et cette idéologie est devenue hégémonique au niveau de la classe politique. Elle est hégémonique aussi bien au niveau de la pensée politique qu’au niveau des pratiques politiques», dit-il.
Lors de la rencontre entre le président Macky Sall et ses alliés de Benno Bokk Yaakaar (BBY), en 2014, le chef de l’Etat avait décidé de donner à chaque allié un million de francs. Tous les leaders de parti avaient applaudi de deux mains sauf Yonnu Askan wi qui avait tenu à réaffirmer la nécessité de l’institutionnalisation du financement légal et transparent des partis politiques, telle que préconisée au demeurant par la Commission du Pr El Hadj Mbodj et par les Assises nationales, condition sine qua non pour éviter les dérapages connus sous l’ère de Wade. A l’époque, Yoonu Askan Wi avait décidé d’affecter à la lutte contre la fièvre Ebola, l’argent offert par Macky Sall.
Charles Gaïky DIENE /Walf Quotidien