A 40 kilomètres au nord-est de Dahra, dans le département de Linguère, se trouve Thiargny. Ce patelin a été rendu célèbre par le fait qu’il a vu un de ses natifs gravir les échelons de la hiérarchie politico-administrative et travailler avec les quatre présidents de la République dont le Sénégal s’est doté jusqu’ici. Visite guidée dans ce village installé au cœur du Djoloff.
Il est 12 heures passées de quelques minutes à Dahra. Le «7 places» à bord duquel nous avons pris place ne semble pas avoir été régulier aux visites techniques de routine. Sinon, on comprendrait difficilement qu’il ait pu échapper à la vigilance des «médecins» du ministère des Infrastructures. Entre le chauffeur et le capot du véhicule, ce sont des va-et-vient incessants. Tantôt pour mettre de l’eau. Tantôt pour enrayer un début de chauffage de sa vieille caisse. On l’aime ou on ne l’aime, on peut quand-même reconnaître au chauffeur sa maitrise du volant et sa connaissance du milieu.
Quelques minutes après avoir pris congé de Dahra, il fait un coup de volant à droite, descend de l’asphalte et entame la chevauchée fantastique d’une piste tout en sable. Direction: Thiargny, 40 kilomètres au nord-est de Dahra, dans le département de Linguère. Un patelin rendu célèbre du fait qu’il a vu un de ses natifs gravir les échelons de la hiérarchie politico-administrative et travailler avec les quatre présidents de la République dont le Sénégal s’est doté jusqu’ici. Il s’agit de Djibo Leïty Kâ. Sur le semblant de route, la vigilance est de mise. Le chauffeur a la concentration au niveau maximal. Parce que, une petite fausse manœuvre peut vous conduire facilement dans le décor. A l’intérieur du véhicule, la chaleur est à son paroxysme. Mon voisin de droite, ultra connecté, voit affichée sur son Smartphone une température de 46°C.
Au-delà de cette chaleur humainement insupportable, ce qui frappe le visiteur, ce sont ces étendues de terres et ces savanes squelettiques dont même les animaux ne veulent plus. Difficile d’y croiser humain qui vive. Quelques rares villages sont visibles. En fait de villages, il s’agit juste de hameaux dont les concessions se comptent sur le bout des doigts. La vue d’une école me laisse songeur sur les conditions de survie des fonctionnaires de l’Etat qui y sont affectés.
Encore des kilomètres avalés et Thiargny se dévoile enfin. Votre serviteur est à la limite de la déception. Parce que, dans son imaginaire, ce village dont le nom a été popularisé par Djibo Kâ était mieux loti que cela. Seuls le forage, les poteaux électriques, l’école et quelques bâtiments en dur le raccordent à la modernité. Le milieu semble hostile. En fait, il ne le semble pas ; il l’est. Nous sommes au domicile familial de l’ancien ministre d’Etat. Quelques salamalecs et nous voilà installés dans une case modernisée : murs en béton, toit en zinc plaqué sur des morceaux de tapis. Une toilette intérieure complète le décor.
L’ancien directeur de cabinet de Senghor, ancien ministre d’Etat sous Diouf et Wade, actuel Président de la Commission nationale sur le dialogue des territoires sous Macky, y séjourne. Djibo est dans son milieu naturel, dans son élément. Sa santé fragile et les dures conditions du voyage font qu’il est obligé de s’enfermer à double tour dans une chambre climatisée pour échapper aux caprices de la météo. Pour quelques heures encore. Puis, Djibo Kâ sort de sa retraite pour s’installer dans un vaste salon où un ventilateur qui brasse l’air semble en rajouter à la chaleur. Des personnalités très, peu ou pas connues défilent. Dans la mêlée, on remarque le bonnet rouge assorti à une écharpe de même couleur du leader de Forces paysannes, Aliou Dia, le port tout en froufrou de (l’autre) Grand Serigne de Dakar, Ibrahima Diagne, Me Amadou Kâ, Pca du Port autonome de Dakar et Président du Conseil départemental de Linguère et tutti quanti. La jambe droite croisée sur la gauche, Djibo reçoit en son salon. Entouré de ses parents, fidèles, courtisans et autres hommes de confiance, le Petit berger peulh (titre de son dernier ouvrage) suffoque visiblement et ne manque pas de le faire remarquer. «Il fait chaud», dit-il, ponctuant son évidente affirmation d’un sifflet. Il n’en fallait pas plus pour mobiliser ses ouailles. Sous bonne escorte, il est reconduit dans sa chambre où, du fait d’un split, la température est plus clémente. Dehors, comme s’ils n’avaient pas les mêmes soucis climatiques que leur célèbre voisin, les habitants vaquent tranquillement à leurs occupations. Mais, ne manquent pas d’étaler leurs préoccupations.
SAMBA SICKOUMBAL KA, ELEVEUR
«On ne peut rester un jour sans crier au voleur de bétail»
«Le forage de Thiargny fonctionne à l’électricité. S’il y a coupure, on peut rester des heures sans eau. S’y ajoute que, avec la faiblesse de la pluviométrie, l’année dernière, il n’y a pas eu beaucoup de pâturages. Comme si cela ne suffisait pas, les voleurs de bétail, dotés d’imposants moyens de locomotion et puissamment armés, nous empêchent de dormir. On ne peut pas rester un jour sans crier au voleur».
HAWA DEMBA KA, RESPONSABLE DES FEMMES
«La sage-femme qui est ici ne l’est que de nom»
«Ici, à Thiargny, il n’y a qu’un moulin. Et il est souvent en panne. En tant que femmes, on est confronté à des problèmes de santé. On n’a ni médecin ni sage-femme. La sage-femme qui est ici ne l’est que de nom. Payée avec notre argent, elle n’a pas les compétences requises. Comble de malheur, notre ambulance est en panne depuis l’année dernière».
Ibrahima ANNE (Walf Quotidien)