En seulement dix ans, la population de pachydermes du parc de Minkébé, l’un de leurs derniers refuges, a chuté de près de 80 %.
Plus trapu que son cousin de savane, l’éléphant de forêt occupe une place essentielle dans la biodiversité : en consommant des fruits, il en prédigéré les graines, et les rejette dans ses excréments, favorisant ainsi leur germination et leur dissémination. Les effectifs exacts de ce pachyderme qui réside dans les forêts d’Afrique centrale ont longtemps été méconnus, son habitat compliquant les recensements. Mais une étude publiée en 2013 suggérait déjà que ses populations s’étaient fortement réduites, passant de 500 000 individus en 1993 à moins de 100 000 vingt ans plus tard.
Une nouvelle étude suggère que le cauchemar continue pour les éléphants de forêt, et cela jusque dans l’un de leurs principaux refuges, le parc naturel de Minkébé, au nord du Gabon. En 2013, l’Agence nationale gabonaise des parcs nationaux (ANPN) avait annoncé que 11 000 éléphants y avaient été tués entre 2004 et 2012. Un nouvel inventaire du parc, publié dans la revue scientifique américaine Current Biology, est infiniment plus inquiétant : 25 000 éléphants auraient été massacrés entre 2004 et 2014, soit quatre éléphants sur cinq. Une mauvaise nouvelle pour l’espèce, qui s’avère encore plus menacée qu’on l’imaginait jusque-là.
Compter les déjections
Les paysages de Minkébé ne laissent pas indifférent : ce plateau forestier de 8 000 km2, quasi inhabité, est maillé de milliers de cours d’eau, hérissé de hautes collines rocheuses et parsemé de clairières marécageuses où s’abreuvent les éléphants. Une région si peu accessible que ses frontières avec le Cameroun et le Congo semblent virtuelles. Chaque année, les gardes y retrouvent quelques dizaines de cadavres sans défenses. Une goutte de sang dans l’océan du braconnage.
« Pendant plus d’un an, vingt-cinq personnes ont arpenté le parc et sa zone tampon en comptant les crottes d’éléphants, afin d’estimer leur nombre », raconte le principal auteur de l’étude, John Poulsen, chercheur à l’université de Duke (Etats-Unis) et collaborateur de l’ANPN. Pour conforter ce recensement, les chercheurs l’ont confronté à un modèle qui tient compte de l’influence de la pluie sur la dégradation des déjections. Les deux résultats concordent presque parfaitement : il ne restait en 2014 qu’environ 7 000 éléphants à Minkébé, contre 32 000 dix ans plus tôt.
Ce résultat semble solide. Notamment parce que ses auteurs figurent parmi les meilleurs spécialistes de l’éléphant de forêt, à commencer par l’explorateur américain Mike Fay, dont une rencontre avec l’animal a failli lui coûter la vie en 2003. Trois ans plus tôt, il avait relié à pied le Congo à la côte gabonaise. Un périple en forêt de 455 jours (3 200 km) qui lui avait permis de convaincre le président gabonais Omar Bongo d’agir : 13 parcs nationaux ont été créés en 2002, dont celui de Minkébé. Depuis, Mike Fay réside en partie au Gabon, au service de l’ANPN.
« Un flux de 200 à 300 kg d’ivoire par semaine »
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