CHRONIQUE DE SIDI
Toutes les personnes sur qui il avait pu compter avant d’entrevoir les signes du Tout-Puissant avaient rendu l‘âme. Tout comme le décès de son oncle Abu Talib, celui de la grande Khadija avait créé un énorme vide autour de lui. Un vide comme celui qui a suivi le rappel à Dieu de sa mère Amina. Orphelin de père à sa naissance, Mouhamed (PSL) qui avait également perdu très tôt son grand-père Abd al-Muttalib qui s’était occupé de lui au décès de sa mère, ne cessait de perdre des êtres chers. Le Seigneur n’arrêtait pas de l’éprouver comme pour le préparer à une vengeresse adversité.
Une adversité qui s’était manifestée aux premiers instants de son tout premier prêche. Les nobles mecquois n’étaient pas prêts à se détourner des dieux qui faisaient leur fortune. Ils n’étaient pas non plus disposés à faire de leurs esclaves leurs égaux. Leurs rangs et leurs privilèges que leurs idoles participaient à pérenniser, il n’était pas question d’y renoncer. Hors de question de trouver à leurs centaines de dieux une seule et unique alternative. Les plans machiavéliques qu’ils mirent en exécution pour faire taire Mouhamed (PSL) avaient coûté la vie à certains et poussé une bonne partie des fidèles du prophète à se rendre en Abyssinie. Comme si ce départ en exil les avait ragaillardis, les nobles mecquois accentuaient la pression sur Mouhamed (PSL), n’hésitant même plus à attenter à sa vie. Par tous les moyens, ils étaient déterminés à étouffer la voix du prophète.
Malgré les difficultés, les épreuves, le prophète Mouhamed (PSL) n’eut pas le temps de douter. Avec les versets 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 de la Sourate 93, le Seigneur le revigora. Ne voulant plus laisser l’initiative à ses ennemis, il décida de partir dans une autre cité. En compagnie de Zayd ibn Hâritha, il se rendit, à pied, à Taëf, une contrée distante de la Mecque de plus de cent kilomètres. Mais à Taëf, non plus, il n’était pas le bienvenu. Comme s’ils s’étaient passé le mot, les dignitaires de cette cité décidèrent de le décourager de rester. Et pour l’humilier, ils chargèrent les enfants et les malades mentaux de le chasser à coups de pierre. Zayd ibn Hâritha qui tenta de s’interposer, en servant de bouclier, fut gravement blessé. Les pierres et les cris des enfants les accompagnèrent jusqu’en dehors de Taëf. Déçu de n’avoir pas été écouté, triste de voir Zayd ibn Hâritha aussi couvert de sang que lui, Mouhamed (PSL) tint, ce jour-là, des propos qui continuent d’être célèbres.
Seigneur! Je me plains auprès de toi de ma faiblesse, de mon impuissance et du mépris que j’inspire aux gens.
O Toi, le plus Clément des Cléments! Tu es le Seigneur des affaiblis. Tu es mon Seigneur.
A qui me confies-tu?
Est-ce à ceux qui me détestent?
Ou bien me laisses-Tu avec mes ennemis?
Tout cela importe peu, si je ne m’attire pas Ta colère car, pour moi, Ton salut est plus vaste que tout.
Je cherche refuge auprès de la lumière de Ton visage par laquelle Tu dissipes les ténèbres et redresse qualitativement les affaires de ce monde et celles de l’au-delà, contre toute décharge de Ta colère sur moi.
Je ne cherche qu’à Te satisfaire et il n’y a ni force ni puissance si ce n’est en Toi.
Quand il eut fini, l’Ange des montagnes lui apparut et l’interpella : «O Mouhamed! Dieu a bien entendu ce que t’a dit ton peuple et je suis l’Ange des montagnes. Or mon Seigneur m’a envoyé à toi pour que tu m’ordonnes de faire ce que tu veux. Si tu veux que je les écrase entre les deux montagnes qui entourent la Mecque, je le ferai». Le Prophète Mouhamed (PSL) lui répondit : «Je souhaite plutôt que Dieu sorte de leurs reins une progéniture adorant Dieu seul sans rien Lui associer». (al-Boukhâri, Mouslim n°643). Réconforté par le Tout-Puissant, le Prophète décida de retourner à la Mecque. Un retour risqué. La situation qu’il avait laissée en partant ne s’était guère améliorée. Au contraire, son départ pour Taëf avait encouragé les notables mecquois qui le prirent pour faiblesse. Une faiblesse exacerbée par la perte de son protecteur Abu Talib et de son épouse Khadija.
Mouhamed (PSL) ne dit pas son dernier mot.
A lire chaque vendredi
Par Sidi Lamine NIASS
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