La dernière fois que le président Sall a croisé les bras pour observer ses partisans en découdre avec l’opposition, une déroute mémorable du camp présidentiel s’en était suivie.
La donne n’a pas changé avec l’avènement de Mouhamad Boun Abdallah Dionne. Et au vu des enjeux, il ne faut guère s’étonner de voir Macky faire planer plus que son ombre sur la campagne.
«Ceux qui disent que le président de la République n’a pas à se mêler de la vie parlementaire et des élections législatives font une mauvaise lecture de notre Constitution qui dispose que le président définit la politique de la nation et gouverne le pays. Mais sans majorité à l’Assemblée nationale, peut-on gouverner correctement le pays ?» Il ne faut guère chercher à trouver une réponse à cette interrogation du Président Sall. Il la connait mieux que quiconque. Invité d’honneur de la fête d’indépendance de la Gambie, au mois de février dernier, le chef de l’Etat s’est trouvé le temps de battre campagne en appelant ses partisans à lui donner une «forte majorité» à l’Assemblée nationale. Il était à peine question des législatives dont la date n’était même pas encore fixée au 30 juillet prochain. La peur au ventre, les calculs plein la tête, le leader de l’Apr a pris tout le monde de vitesse en se lançant dans la campagne bien avant l’heure. Plus que les députés de la majorité, Macky Sall a plus à perdre et donne l’impression de ne pas se suffire de ses partisans.
Mouhamad Dionne mieux que Mimi Touré
Comme le leader de l’Apr, Mouhamad Boun Abdallah Dionne n’a pas attendu le démarrage officiel de la campagne pour s’y lancer. Il a choisi un moment aussi solennel que la réunion du Conseil des ministres pour remercier le président de la République pour sa désignation comme tête de liste et engager son équipe dans la campagne. «Le Premier ministre (…) a souligné l’impératif de mobiliser et d’engager l’ensemble des membres du Gouvernement, instance collégiale et solidaire, pour partager avec les Sénégalais le bilan fort élogieux du chef de l’Etat et les perspectives prometteuses, consignées dans le Plan Sénégal émergent» a noté le communiqué qui a sanctionné ladite réunion. Mouhamad Dionne est dans l’anticipation. Mais, contrairement au président de l’Apr, lui, son poste est directement en jeu. Que Macky Sall le dise ou pas, il ne peut revenir vaincu des législatives sans perdre son poste de Premier ministre. En outre, le syndrome rappelant la débâcle d’Aminata Touré n’est pas assez lointain pour passer à l’oubli. Dans un contexte beaucoup plus favorable, la mouvance présidentielle, représentée par de nombreux ministres et directeurs, avait été balayée dans des villes parmi les plus peuplées du Sénégal, dont la capitale. Le Premier ministre Aminata Touré n’avait pas pu faire mieux que de se faire laminer dans son propre bureau de vote à Grand-Yoff. Macky Sall qui observait le scrutin de loin, avait constaté comme tout le monde l’échec patent de ses poulains. Les apéristes, appelés à travers ces élections locales à faire un maillage national devant présider à la structuration de leur formation politique, ont montré que, sans leur leader, ils sont incapables de faire des résultats probants. Macky Sall n’a eu comme réponse que de couper la tête à ses directeurs et ministres perdants, en commençant par celle de Mimi Touré.
Avec Mouhamad Boun Abdallah Dionne qui est loin d’avoir l’étoffe politique de son prédécesseur à la Primature, il va falloir plus que l’engagement du gouvernement pour faire triompher la coalition Benno Bokk Yaakaar. Et contrairement au Président Wade, qui n’avait fait que faire apparaitre son ombre sur les affiches de campagne d’élections législatives, Macky Sall est parti pour entièrement occuper celles de sa coalition.
Mame Birame WATHIE