Le continent africain est loin de se débarrasser de la monnaie des anciennes colonies françaises d’Afrique.
Certains chefs d’Etat ont décidé, malgré les pressions internes d’intellectuels, de maintenir le Franc Cfa, survivance de la colonisation qui, aux yeux de certains économistes, freine le développement du continent.
Les présidents Macky Sall du Sénégal et Alassane Ouattara de la Côte d’ivoire, les deux puissances de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa), ont décidé de soutenir le maintien de la monnaie coloniale, le Franc Cfa. Ce, alors que des chercheurs, des économistes et des acteurs de la société civile africaine dénoncent cette monnaie qu’ils considèrent comme une «servitude».
Ainsi, des chefs d’Etat ne comptent pas tourner le dos à cette monnaie. Même si pour l’instant, il n’y a que les présidents sénégalais et ivoiriens qui ont affiché clairement leur position dans ce débat, il est clair que d’autres vont suivre le pas et la cadence des déclarations de soutien. Pour cause, cette décision n’est pas anodine. Ce qui sous-entend qu’au même moment où les détracteurs de la monnaie se concertent pour peaufiner leurs stratégies de combat, les chefs d’Etat, eux aussi, se concertent avec les autorités françaises sur la question.
Les Etats renoncent ainsi à plusieurs milliards de francs au Trésor français. En effet, le francs Cfa a une parité fixe avec l’euro. Et les pays de la zone ont l’obligation de déposer 50 % de leurs réserves de change auprès du Trésor public français. Ce qui rapporte gros à la France pour faire face aux défis de son développement économique et social. Ainsi, les chefs d’Etat africains ont choisi de préserver les intérêts économiques de la France en lieu et place de ceux de leurs populations.
Selon le dernier rapport sur la zone franc, la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) et la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao) disposaient en 2005 de plus de 3 600 milliards de francs Cfa auprès du Trésor public français. En réalité, la France applique le principe que les Allemands nazis ont utilisé pour ponctionner la France de Vichy sous le Maréchal Pétain au cours de la deuxième guerre mondiale. Un système qui a permis de ponctionner économiquement les territoires coloniaux de la France. Et, la France de l’après 26 décembre 1945, date de création du Franc des colonies françaises d’Afrique, a choisi de garder le même système de ponction économique que l’Allemagne nazie lui appliquait, pour l’ensemble des colonies françaises d’Afrique, sauf que cela se faisait dorénavant à son profit.
Une monnaie anti-croissance
Les pays africains n’atteindront jamais une croissance économique en continuant à maintenir le franc Cfa. Car, selon beaucoup d’experts, il s’agit d’une monnaie qui ne favorise pas le développement économique et social des pays utilisateurs. Mais, malgré ces mises en garde d’économistes, les décideurs politiques rechignent à s’en passer et dénoncent, ce qu’ils considèrent comme des informations fallacieuses. «Nous avons constaté que notre monnaie se porte bien, (elle) est saine et est dans de bonnes mains», a soutenu le chef de l’exécutif ivoirien à la fin de la session extraordinaire de l’Uemoa, dont il est le président en exercice. A l’en croire, la zone de l’Uemoa a des réserves de change qui représentent plus de cinq mois d’importation, alors que la règle retenue est d’environ trois mois. Pour son homologue sénégalais, le franc Cfa est une bonne monnaie à garder. «Nous devons améliorer le fonctionnement de la zone monétaire. C’est là une question de fond», a-t-il préconisé. Tout en soulignant la nécessité pour les pays membres de l’Uemoa de ne pas déstabiliser la gestion de cette monnaie. «Nous avons une institution forte et crédible», a-t-il lâché faisant référence à la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao). Abondant dans le même sens, Alassane Ouattara soutient que la zone Uemoa, avec ses 90 millions d’habitants, est bien gérée.
WALFnet