CHRONIQUE POLITIQUE
Après sa marche de protestation sévèrement réprimée le 14 octobre dernier, on s’attendait à ce que l’opposition sénégalaise regroupée dans le Front pour la défense du Sénégal/Mànkoo Wattu Senegaal remette ça en vue de faire avancer son combat pour «la défense de la démocratie et des libertés au Sénégal» et «la défense de nos ressources nationales». D’autant que ses responsables avaient annoncé, au sortir de leur réunion d’évaluation de leur manifestation du 14 octobre, l’organisation d’un meeting dès le début de ce mois de novembre. Mais le premier tiers de ce mois est passé et toujours pas de meeting en vue. Ils avaient également promis d’organiser une nouvelle marche sur le ministère de l’Intérieur, mais elle semble avoir été remise aux calendes grecques. On n’en a pas fini avec ces atermoiements que cette opposition semble être passée à autre chose. Elle a désormais en ligne de mire la refonte partielle des listes électorales, avec l’intention avouée d’en faire un contentieux pré-électoral.
Les membres de Mànkoo Wattu Senegaal semblent se chercher. Et ils tirent dans tous les sens, sans réellement faire mouche. Leur marche du 14 octobre ? Quelques grenades lacrymogènes balancées ça et là et c’en était fini. Les plaintes contre Macky Sall, puis contre son frère Aliou Sall et Frank Timis ? Elles ont très peu de chance de prospérer. Que leur reste-t-il dès lors ? Trouver un discours qui mobilise vraiment les populations. Parce que celui sur le pétrole et le gaz ne mobilise pas grand monde. Celui sur les libertés confisquées et la démocratie mise en berne non plus. La preuve : il n’y avait pas grand monde à leur marche étouffée dans l’œuf. Ce discours mobilisateur, elle croit l’avoir trouvé avec la refonte partielle des listes électorales. Mais elle semble ignorer que c’est moins la refonte elle-même de ces listes qui interpelle au plus haut point les citoyens sénégalais que l’organisation chaotique des opérations de délivrance des cartes d’identité biométriques.
Ces citoyens qui prennent d’assaut, dès 4 heures du matin, les commissions administratives chargées de l’établissement de ces cartes d’identité pour ne les quitter qu’à 18 heures-19 heures sans avoir pu s’inscrire, n’ont que faire de la rupture ou pas du consensus électoral. Ce qui les préoccupe aujourd’hui, c’est le combat à mener pour qu’il y ait plus de commissions dans les préfectures et sous-préfectures et davantage de commissions itinérantes pour les aider à faire valoir leur droit à une carte d’identité biométrique leur permettant de voter aux élections législatives de 2017. Tout comme ils attendent de l’opposition qu’elle soit partout présente dans ces commissions pour veiller au bon déroulement des opérations. Parce que, dans la plupart de ces commissions, les lenteurs sont généralement dues au nombre important de resquilleurs parrainés par des responsables de l’Alliance de la République (Apr) et certains de leurs alliés.
Mais, en plus d’un discours qui mobilise, l’opposition a besoin d’être mieux organisée et surtout d’être mieux structurée. Le Front pour la défense du Sénégal est, en effet, une véritable armée mexicaine. Le coordonnateur Malick Gakou n’a aucun pouvoir si ce n’est celui de porter la voix de ses pairs et sous leur dictée. Les Idrissa Seck, Mamadou Diop «Decroix», Abdoul Mbaye et autres leaders charismatiques n’y ont aucune visibilité. Or, dans le monde de la politique, tout cadre unitaire a besoin d’être porté par le charisme de ses leaders les plus en vue, pour mener à bien ses combats. Mais à Mànkoo Wattu Senegaal, on fait tout pour qu’aucune tête ne dépasse l’autre. L’objectif est noble : éviter toute querelle de leadership. Revers de la médaille : Le Front pour la défense du Sénégal n’est pas suffisamment efficace pour faire basculer le rapport de forces en sa faveur. Et Macky Sall de continuer à rouler les mécaniques sans jamais être inquiété.
Ce qui inquièterait le pouvoir, c’est de voir un Idrissa Seck ou un Abdoul Mbaye porté à la tête de Mànkoo Wattu Senegaal à la disposition duquel ils mettraient leur charisme et leur bagout. Seulement, au Pds et chez ses alliés, il est hors de question de se ranger derrière le président de Rewmi qui, lui-même, ne se laissera jamais diriger par le si peu charismatique Oumar Sarr. Et, pour la plupart des membres de ce front de l’opposition, pas question de porter à leur tête le président de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act) qui est l’un des derniers venus dans l’arène politique.
Par Abdourahmane CAMARA*
* Directeur de publication de Walf Quotidien
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