Mise en cause par une commission d’enquête, Pan African Burkina, société du magnat australo-roumain Frank Timis, qualifie les accusations de corruption faites à son encontre d’infondées et de diffamatoires.
Publié le 25 octobre dernier, le rapport parlementaire a troublé encore davantage les relations déjà tendues entre Pan African, propriétaire du permis d’exploitation du gisement de manganèse de Tambao, et le Burkina. Ce document, basé sur une enquête conduite entre juin et septembre, a épinglé certaines sociétés minières opérant au Burkina et mis a nu une potentielle perte financière de 551 milliards de F CFA pour l’État. Pan African fait partie des mis en causes : le rapport parlementaire recommande de retirer le permis d’exploitation de Tambao accordé à la société détenue par Frank Timis « sur la base d’un audit juridique qui constate les manquements aux obligations de cette compagnie », évoquant le fait que Pan African n’a pas construit le chemin de fer Kaya-Tambao.
Nous nous étonnons des allégations de corruption portées contre M. Frank Timis qui ne sont que pures calomnies, diffamations. Pan African
Pan African et l’homme d’affaires australo-roumain sont également accusées de corruption, le rapport recommandant « au gouvernement l’ouverture d’une information judiciaire sur le dossier Tambao contre les anciens Ministres des mines, finances : messieurs Abdoul Kader Cissé, Lucien Noel Bembemba et Francois Compaore, et des poursuites judiciaires contre Mr Frank Timis […] pour faits de corruption ».
Bonus
Le rapport indique notamment que « des informations récurrentes étaient parvenues à la commission [d’enquête] sur des faits de corruption, par exemple des versements d’importantes sommes d’argent jusqu’à 5 milliards de FCFA par Mr Frank Timis au Conseiller spécial du Président du Faso d’alors, Mr François Compaore, ou à des ministres. »
Tambao, dont les réserves sont estimées à 107 millions de tonnes, est un gisement majeur mais le projet est aujourd’hui à l’arrêt.
Dans un communiqué de presse parvenu à Jeune Afrique le 7 novembre, Pan African s’élève contre ces accusations. « Nous nous étonnons des allégations de corruption portées contre M Frank Timis qui ne sont que pures calomnies, diffamations (…), explique l’entreprise. Pan African a été entièrement transparente avec la Commission d’enquête parlementaire (…) et les conclusions issues de ses travaux sont incompréhensibles, partiale et sans fondements. »
Plus précisément, Pan African affirme que « c’est dans le cadre de l’appel d’offres de 2012 que, Pan African a effectivement payé un bonus de signature de 10 millions de dollars le 11 septembre 2012 au gouvernement dans le compte intitulé « Programmes spéciaux d’investissement » logé à la BCEAO Burkina, Ouagadougou, dont les références nous avaient été communiquées par le ministère en charge des mines. […] Dans le même ordre, la société s’engageait à payer à l’Etat le même montant (appelé bonus de production) par tranche de 2 millions de dollars par an pendant 5 ans. Lesdits bonus sont mentionnés comme engagement dans notre offre pour la réalisation du projet intégré de Tambao. Le paiement de ces bonus ne saurait donc être assimilé à de la corruption puisque contractuellement prévu de manière tout à fait transparente. »
Selon l’accord de partenariat d’août 2012 consulté par Jeune Afrique, l’article 8 stipule bien que Pan African Burkina doit s’acquitter du paiement sous quinze jours de ce bonus et d’un autre de 2 millions de dollars par an pendant cinq ans portant sur le permis d’exploitation minière.
Suspension
« Notre dossier a été examiné devant la commission nationale des Mines composée de 29 membres qui a émis le 22 avril 2014 un avis favorable, entériné par le Conseil des ministres, pour l’octroi du permis d’exploitation », se défend le groupe minier. Ce dernier pointe du doigt les responsabilités des autorités burkinabè qu’il accuse d’agissements illégaux à son encontre, se référant notamment à la suspension de ses activités en janvier 2015. « Tout ayant été mis en place pour le démarrage de l’exploitation et constant la non disponibilité du chemin de fer, la société a soumis une demande d’exportation au ministère des Mines et de l’Énergie qui lui a accordé une autorisation spéciale d’exportation le 29 octobre 2014. Dès lors, l’acheminement du produit vers Abidjan pouvait démarrer. Contre toute attente, nos activités ont été illégalement suspendues le 15 janvier 2015 sans préavis, aucune communication ou notification préalable », regrette Pan African. Le 9 septembre dernier, dans un courrier adressé aux ministres burkinabè des Mines, Alfa Omar Dissa et consulté par JA, Pan African indiquait avoir perdu directement et indirectement, du fait de la violation de ses droits, plus de 4 milliards de dollars au total. Une somme qu’il réclame à titre de compensation.
Pan African a saisi officiellement le 27 octobre le Centre d’arbitrage, de médiation et de conciliation de Ouagadougou dans le cadre d’un règlement à l’amiable du différend qui n’en finit plus de dévoiler ses mystères.
Jeune Afrique