CHRONIQUE DE MOUSTAPHA
Plus que de «simples» meurtres, la capitale sénégalaise est marquée ces derniers jours par des exécutions. C’est d’abord le taximan Ibrahima Samb qui est froidement abattu par un individu au cours d’une banale altercation. Les faits se sont déroulés dans la nuit du jeudi 27 au vendredi 28 octobre dernier au niveau de la station Shell de Yoff sur la route de l’aéroport. Et comme si cela ne suffisait pas, moins de 72 heures après, un étudiant de 23 ans et répondant au nom de Yankhoba Dramé est mortellement poignardé par un drogué, ivre comme un Polonais, qui lui réclamait la modique somme de… 100 francs Cfa. Le drame s’est produit à Cambérène 1 dans la nuit du samedi 29 au dimanche 30 octobre. Ces deux meurtres ont ceci en commun : ils se sont produits à des heures loin d’être tardives de la nuit et dans des zones où la police et/ou la gendarmerie sont sensées à être présentes. Preuve de l’insécurité quasi-totale qui règne à Dakar et ses environs. Et dans les deux cas, des témoins racontent que les présumés meurtriers sont des drogués. En tout cas, ils semblaient tous les deux ivres au moment des faits. Ce qui repose le débat sur le port d’arme au Sénégal. La loi qui réglemente le port d’arme est-elle appliquée avec rigueur ? Comment des drogués peuvent-ils se retrouver avec des armes à feu sans être inquiétés ? Autant de questions qui méritent réponse de la part des autorités compétentes. D’autant que les collègues taximen du défunt Ibrahima Samb se sont publiquement plaints du fait que la police les persécute pour leur arracher les gourdins et autres armes blanches qu’ils gardent dans leurs véhicules pour se protéger d’individus comme celui qui a exécuté leur camarade. Que l’on se comprenne bien. Il ne s’agit pas ici de plaider pour que chaque Sénégalais puisse porter une arme afin d’assurer sa propre protection. C’est plutôt à l’Etat de prendre ses responsabilités dans l’application de la loi sur le port d’arme et en dotant les forces de sécurité de moyens pouvant leur permettre de remplir pleinement leur mission. Mais ça, c’est presque trop demander aux autorités sénégalaises.
En fait, au lieu de mettre toute la puissance de l’Etat au service de la protection des citoyens, l’Etat a choisi de mettre le peu de ressources dont dispose le Sénégal au service des plus nantis. Résultat : c’est le silence total quand de pauvres Sénégalais sont tués dans des conditions souvent atroces. Pour ceux qui nous dirigent, ces tueries ne méritent même pas le déplacement d’un ministre ou d’une quelconque autorité. Après le meurtre du taximan Ibrahima Samb, ses collègues ont brûlé des pneus et barré la route de l’aéroport pendant de longues heures. La manifestation spontanée est transmise en direct sur plusieurs radios de la place, avec les témoignages de ceux qui ont assisté au meurtre. Aucune autorité n’est venue rassurer les manifestants. Pis, un témoin raconte avoir tenté plusieurs fois de joindre la police pour éviter le drame qui se dessinait à Cambérène 1. En vain. Vingt minutes après, l’étudiant de 23 ans est poignardé. Et depuis, aucune réaction des autorités. Mais ce silence coupable ne doit surprendre personne. Le mardi 20 septembre dernier, une mutinerie à la prison de Rebeuss fait officiellement un mort et plusieurs blessés. Au même moment, le Premier ministre fait face à la presse pour parler de l’affaire Petro Tim. Aucune réaction de sa part. Même pas un mot pour regretter cet évènement tragique. Le mercredi 10 février 2016, deux sœurs sont tuées dans un accident sur l’autoroute en face de l’école Mariama Niasse. Ni le ministre de l’Intérieur ni son collègue des Transports n’a jugé utile de se déplacer sur les lieux. Pourtant, au même moment, deux ministres français Ségolène Royal et Najat Vallaud-Belkacem, font le déplacement pour assister les familles des victimes d’un accident de car qui a fait six morts. Combien de personnes sont tuées sur nos routes sans que le gouvernement ne daigne lever le plus petit doigt ? C’est que dans ces pays comme la France, l’autorité profite certes des privilèges, mais elle assiste le citoyen pendant des moments difficiles comme les meurtres de Yoff et Cambérène ou encore les accidents de la route qui tuent par dizaines. Mais chez nous, assumer de hautes fonctions, c’est juste profiter des privilèges. Et c’est bien dommage.
Par Moustapha DIOP
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