Moscou communique sur son nouveau vecteur intercontinental, terriblement destructeur. Il s’inscrit dans l’objectif déjà ancien de symétrie nucléaire de la Russie face aux Etats-Unis.
Un grand cylindre noir d’une trentaine de mètres et d’une centaine de tonnes se terminant par un cône gris. Voici le bien nommé “Satan 2”, dernier missile nucléaire géant développé par la Russie pour renforcer sa force de dissuasion. Des sites d’informations proches du Kremlin, comme Sputnik, ont relayé la première image de ce missile, publiée par le bureau chargé de le concevoir sur son site internet ces derniers jours.
“Satan 2” est en fait le surnom donné par l’Otan au RS-28 Sarmat (SS-X-30 selon la désignation officielle de l’Otan), à placer tout en haut de la hiérarchie mondiale des armes de destruction massive. D’une portée de plus de 10 000 kilomètres, ce missile d’un trentaine de mètres de haut pour trois de large peut contenir 10 à 15 têtes nucléaires.
“Satan 2” doit entrer en fonction à la fin de la décennie pour remplacer le plus grand missile actuel, le SS-18 “Satan”, ou R-36 pour les Russes. Aux capacités équivalentes, il est en service depuis la fin des années 1960. Selon un article du site de la chaîne de télévision Zvezda, propriété du ministère russe de la Défense, le Sarmat peut “raser l’équivalent du Texas”, un territoire plus grand que la France métropolitaine.
Logique de symétrie nucléaire entre Russie et Etats-Unis
Ces missiles lourds permettent des bombardements nucléaires fractionnés. Mais pas au point de “raser” des superficies telles que celles indiquées par le média russe. “Pour avoir une capacité de destruction assurée, il faut en réalité lancer beaucoup d’armes nucléaires, explique à L’Express un spécialiste de la prolifération nucléaire. Grâce aux informations déclassifiées, on sait par exemple que pour détruire Leningrad [actuelle Saint-Pétersbourg, 1439 km2], les Américains envisageaient d’utiliser une dizaine de têtes nucléaires”.
Le lancement d’un Sarmat ne peut dont à lui seul détruire un pays comme la France, même si sa dizaine de têtes nucléaire peuvent lui infliger des dégâts considérables.
Avec le Sarmat, la Russie ne fait que renouer avec une stratégie soviétique ancienne basée sur des missiles intercontinentaux stockés dans des silos, en complément des frappes que peuvent réaliser les avions et les sous-marins. Le grand ennemi américain développe des boucliers antimissiles. Le RS-28 est prévu pour les pénétrer dans les années ou décennies à venir.
“Ce sont des déploiements qui répondent à une logique nucléaire qui date des années 50. Entre 1995 et 2008, les Russes étaient très vulnérables à une frappe américaine, explique le spécialiste de la prolifération nucléaire. Or cette asymétrie n’était pas tolérable pour Moscou. Le Sarmat n’est pas une nouveauté, à cet égard, et permet la restauration du statu quo ante, avec une parité nucléaire qualitative et quantitative [avec les Etats-Unis].” Une nouvelle preuve que la Guerre froide continue, malgré l’effondrement de l’URSS.
L’express