CHRONIQUE DE WATHIE
Entre le président Macky SALL, ses alliés et certains magistrats, les derniers actes peuvent être constitutifs d’une tragi-comédie aux relents de drame shakespearien. A la différence que Le spectre n’est gère un personnage du néant qui laisse Hamlet et Claudius se livrer une épique bataille à laquelle le chef ne participe pas. Dans cette trame sénégalaise, Macky est au début, au milieu et tente d’animer l’épilogue.
Le président Macky SALL le savait depuis le début. Pour dérouler une telle pièce théâtrale, sa tirade «gouvernance sobre et vertueuse », ne pouvait être qu’un slogan. Une réplique pour contenter un public guère exigeant. Un public qui l’a plébiscité en l’applaudissant chaleureusement, alors qu’il n’en était qu’au prologue. « Ma première mission n’est pas de construire des routes, autoroutes et ponts, mais de reconstruire l’Etat de droit. Or l’Etat de droit, on va l’apprécier de façon immatérielle. L’Etat de droit, ce sont des valeurs, des principes ; c’est l’égalité des citoyens devant la loi, la lutte farouche contre la corruption (…) L’assainissement de l’environnement des affaires et la lutte contre la corruption et la concussion me tiennent particulièrement à cœur », indiquait Macky SALL, en entrant scène au mois d’avril 2013. Le public subjugué en était arrivé à oublier que dans une pièce antérieure, le même personnage y tenait le rôle d’homme de main, n’hésitant pas à martyriser les adversaires de son mentor. Dans cette nouvelle trame, son laïus et son allure sont parvenus à le rendre immaculé. A le distinguer des auteurs figurants et à faire oublier ce rôle antérieur. « Au lieu de parler des conséquences, il faut d’abord s’attaquer aux causes de cette mort. Et les causes, c’est qu’il y a eu des gens qui ont été instrumentalisés, qui ont été mis en condition de devoir provoquer et de devoir tuer. Donc la responsabilité incombe au premier chef à ces responsables du PDS, aux responsables de l’Etat qui ont laissé faire et qui ont été les complices. Il faut que la justice effectivement se fasse et que tous les commanditaires soient identifiés et traduits devant la justice. Maintenant nous apportons notre soutien à Barthélémy DIAS qui s’est défendu. Peut-être que s’il ne s’était pas défendu ce serait autre chose», clamait Macky SALL.
Mais tout cela, c’était entre les deux pièces, quand il promettait de faire un mandat de cinq ans. Dans ce quatrième acte, le laïus du personnage est tout autre. Son allure loin d’être chevaleresque. Karim WADE, dont le procès a mobilisé pendant des années toute la République, est gracié. Nafi NGOM KEITA est éjectée, avant l’heure, de son poste de présidente de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC). L’inspecteur Ousmane SONKO est suspendu de ses fonctions d’inspecteur des Impôts et des domaines. La vie privée de l’ancien Premier ministre Abdoul MBAYE est mise sur la place publique. Des propositions et des idées les unes plus folles que les autres et toutes émanant de la présidence sont véhiculées. Il faut pour les détenteurs de la double nationalité, pour se présenter, avoir renoncé 5 ans avant l’élection présidentielle pour laquelle on veut être candidat.
Le public a eu largement le temps de comprendre que le personnage n’est plus le même. Ceux qui se frottaient déjà les mains, pensant que le pétrole et le gaz allaient, d’un coup de baguette magique, changer le cours de leur vie en remplissant leur poche, vont très vite déchanter en apprenant qu’en plein jour, le crépuscule est apparu. Par le miracle d’Aliou SALL. Mais le frère du président aura beau être trempé jusqu’à la noyade dans le pétrole, personne n’a le droit de demander comment l’ancien journaliste a fait pour sentir si fortement l’odeur d’hydrocarbure. Face à la contestation qui, des plateaux de télés, s’est répandue dans la rue, Macky oppose les forces de l’ordre (voir chronique précédente). Pour avoir fait mater les opposants qui réclamaient la lumière sur la gestion du pétrole, Abdoulaye Daouda DIALLO est chaleureusement félicité par Macky qui verse dans la menace. «Nous ne pouvons pas laisser le désordre s’installer dans le pays. Il faut aussi que cela soit très clair » prévient-il.
Les scènes s’enchaînent et le public dérouté par cette désinvolte intrigue s’en retrouve étourdi. Aussitôt les rideaux tombés sur cette marche réprimée qu’une autre scène est en branle. Barthélémy qui est passé de « Ousmane Tanor mon père » à « Khalifa mon grand » en est la toile de fond. Le personnage qui clamait haut et fort que les commanditaires de la mort de Ndiaga DIOUF allaient être identifiés et traduits devant la justice, est dans une autre dynamique. Celle qui mène à la prochaine pièce. Pour en convaincre, il signe le décret n° 2016-1639 du 20 octobre 2016 portant nomination de membres du Haut Conseil des collectivités territoriales. En plus des 150 députés, plus audibles quand il s’agit de se disputer un poste que lorsqu’il s’agit de faire appliquer des lois qu’ils ont votées, le contribuable va prendre en charge 150 autres chômeurs et conférenciers publics aux immenses allocations. Et ce, sans compter les 80 conseillers et 40 membres associés que compte le Conseil économique social et environnemental (CESE) qui ne justifie toujours pas l’opportunité des milliards engloutis annuellement. La gouvernance sobre du personnage a fini de faire du Sénégal, ce tout petit pays d’à peine 14 millions d’habitants, une oligarchie qui a les moyens de se payer une sorte de parlement avec 300 membres et 120 conseillers, dépassant même certaines des plus peuplées et plus riches nations du monde. Etats-Unis plus de 300 millions d’habitants pour 100 sénateurs. Le Nigéria plus de 181 millions d’habitants, 109 Sénateurs. Afrique du Sud plus de 52 millions d’habitants, 90 sénateurs appelés Conseillers nationaux des provinces. La liste est loin d’être exhaustive. Proportionnellement à sa population, le Sénégal dépasse l’essentiel des pays du monde à ce sujet. Si ce n’est pas sombre, on ne peut parler de sobre. Car, c’est tout simplement vertigineux.
Par Mame Birame WATHIE
Chronique précédente: cliquez ici