Le 20 octobre 2011, Mouammar Kadhafi était exécuté par des combattants révolutionnaires à Syrte. Cinq ans plus tard, des djihadistes de l’EI résistent dans cette ville, tandis qu’une bonne part de la population libyenne, confrontée au chaos, regrette le temps de la dictature.
Il y a cinq ans, Mouammar Kadhafi et ses derniers fidèles, retranchés dans le district n°2 de Syrte, avaient tenté une sortie, qui leur avait été fatale. Le dictateur avait fini dans une grosse buse, dont il avait été extirpé pour être lynché. Cinq années plus tard, encerclés dans le quartier n°3 de Syrte, une dernière poignée de djihadistes de l’État islamique a aujourd’hui choisi de mourir plutôt que de fuir.
L’histoire semble bégayer en Libye, où la population, dont les conditions de vie se sont très fortement dégradées ces cinq dernières années, semble, pour une bonne part, regretter le temps de Kadhafi. Comme il y a cinq ans, des combattants venus de Misrata, épaulés par des aéronefs américains, vont, eux, se charger à nouveau de «nettoyer» Syrte, au terme d’une offensive lancée en mai dernier.
C’est la chute de cette ville qui marqua, en octobre 2011, la fin d’une révolution libyenne commencée huit mois plus tôt. La cité natale de Kadhafi, qui avait démesurément prospéré durant ses 42 années de règne mégalomaniaque, avait alors été en partie détruite par les pires combats de la révolution libyenne. Entachés par ce passé, mis en quarantaine dans leur cité entourée par le désert, ses habitants, exclus de la nouvelle Libye post-révolutionnaire, ont été des proies faciles pour les islamistes et les desperados de Daech qui, venant de Syrie et d’Irak, se sont emparés de Syrte en juin 2015.
Pour la tribu des Kadhafa, comme pour d’autres tribus, clans, villes ou villages, qui étaient demeurés aux côtés du dictateur, il n’y eut jamais de pardon après la révolution. Les opprimés du régime Kadhafi opprimaient à leur tour. L’ancien tyran avait vidé les prisons et laissé plus de 20 millions d’armes à son peuple. Criminels et voleurs ont à la fin de la révolution enfilé quelques pièces de treillis, tandis que nombre d’anciennes brigades anti-Kadhafistes devenaient des milices, puis des gangs, armés de Kalachnikovs, de lance-roquettes, d’automitrailleuses et parfois de chars.
L’impuissance occidentale
La Libye, par elle-même, avait peu de chance, la page dictatoriale tournée, de se construire un avenir serein. Mais l’aide extérieure, qu’au demeurant elle refusait, ajouta plutôt à ses problèmes. Français, Anglais et Américains qui, par leur soutien militaire, avaient fait tomber Kadhafi et son régime, ont été incapables d’accoucher et d’accompagner les premiers pas d’une nouvelle Libye. L’assassinat de l’ambassadeur américain Christopher Stevens par un groupe djihadiste à Benghazi, en septembre 2012, signifia le retrait de l’Occident.
En face, l’islam politique, soutenu par le Qatar et la Turquie, notamment au travers des Frères musulmans, a fini de déstabiliser une société libyenne qui viscéralement rejetait cette idéologie. Par deux fois, lors des deux élections générales organisées durant ces cinq dernières années, les partis islamistes ont été sanctionnés dans les urnes. Mais la désorganisation et la velléité de leurs adversaires, qualifiés de «libéraux», ont toujours permis à cet islam politique de dominer les débats.
L’alliance, armes à la main, entre des brigades maneouvrées par des islamistes et des brigades de la mouvance djihadiste, a un peu plus embrouillé la situation. À la mi-mai 2014, le général Khalifa Haftar, épaulé par l’Égypte du maréchal al-Sissi et par les Émirats arabes unis, s’est lancé dans une guerre contre ce camp islamiste, en se refusant à faire des distinctions. Son armée nationale libyenne a aujourd’hui repris le contrôle de quasiment toute la ville Benghazi, de la Cyrénaïque et du «croisant pétrolier» autour du bassin de Syrte. L’offensive de Khalifa Haftar est soutenue par le parlement de Tobrouk, le dernier à avoir été élu démocratiquement, et le seul à être reconnu par la communauté internationale.
L’impasse politique
Mais, à Tripoli, et plus largement en Tripolitaine, la région à l’ouest de la Libye, ce sont les islamistes qui dominent. Dans la capitale libyenne, la situation est de plus en plus confuse depuis qu’un ancien chef du gouvernement de l’Ouest libyen, Khalifa Ghweil, a annoncé, vendredi dernier, avoir repris ses fonctions et pris le contrôle d’une partie des bâtiments officiels. Il a appelé tous ses anciens ministres à réoccuper leurs postes et à considérer «comme suspendus de leurs fonctions» les responsables nommés par le gouvernement d’union nationale de Fayez el-Sarraj.
La situation de ce dernier est dès plus inconfortable. Tenu à bout de bras par la communauté internationale, le gouvernement de Fayez el-Serraj est récusé, tant par le parlement de Tobrouk que par ce qu’il reste de l’ancien parlement et de l’ancien gouvernent de Tripoli. Ce blocage politique a depuis cinq ans laissé la parole aux armes.
Le Figaro