Dans le projet de loi modifiant la loi n° 65-60 du 21 juillet 1965 portant Code pénal, de nouvelles dispositions sont prévues en matière de terrorisme. Il s’agit d’un durcissement de la sanction, laquelle est portée jusqu’aux travaux forcés à la perpétuité. La prison à vie est ainsi prévue pour toute entente en vue de commettre un acte terroriste. De la même manière qu’un emprisonnement compris entre 1 et 5 ans est prévu comme peines minimales, ainsi qu’une amende de 500 000 à deux millions Frs Cfa, mais pour toute personne qui recrute une autre pour faire partie d’un groupe ou pour participer à la commission d’un acte terroriste. Cette sanction s’applique aussi à toute personne qui fournit ou propose de fournir des armes à un groupe, à un membre d’un groupe ou à toute autre personne pour sa participation à la commission d’un acte terroriste.
Mais en dehors du durcissement de la sanction, les nouvelles dispositions comportent ce que les spécialistes appellent une «violation de toutes les règles consacrées par les lois nationales et le droit pénal international». C’est ainsi qu’en ce qui concerne la garde à vue, la réforme prévoit que le mis en cause ne peut être assisté par son avocat qu’après l’expiration du délai de garde à vue. Lequel est désormais allongé à 96 heures, renouvelables deux fois, ce qui va porter la durée maximale à 12 jours. Toujours dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les perquisitions au niveau des domiciles connaissent une modification, car, si la loi est votée par les députés, les forces de sécurité peuvent maintenant s’introduire dans le domicile des suspects à n’importe quelle heure.
La garde à vue allongée à 12 jours
Toutes ces nouvelles dispositions entrent dans le cadre de la réforme du Code pénal, déjà adopté en Conseil des ministres et qui seront bientôt soumise aux députés, pour adoption. Mais des acteurs et auxiliaires de Justice évoquent son caractère répressif. Me Assane Dioma Ndiaye considère que le terrorisme ne peut pas être un prétexte pour porter atteinte aux droits des personnes. «Il y a une restriction des libertés sous le prétexte sécuritaire. La réforme comporte des mesures attentatoires au droit de la défense. Le législateur aménage déjà là une exception à la présence de l’avocat pendant la garde à vue, lequel constitue une entrave à l’exercice de la profession d’avocat. Il y a également la prolongation de la garde à vue qui pourra s’étendre jusqu’à 12 jours. Cela est injuste, inadmissible et très grave. Pire encore, les peines seront portées à la perpétuité. Le terrorisme ne peut pas être un prétexte pour porter atteinte aux droits des personnes», commente le président de la Ligue sénégalaise des droits humains (Lsdh).
Quant à lui, le secrétaire général du Syndicat des travailleurs de la justice (Sytjust) relève l’absence de mesures d’accompagnement. «C’est bon de faire des réformes, mais il faut y mettre les moyens. Jusqu’à présent, on ne voit pas, sur le plan budgétaire, une hausse des crédits du ministère, pour une bonne mise en œuvre de ces réformes», constate Me El Hadji Ayé Boun Malick Diop, qui indique que l’Etat a des problèmes basiques non résolus.
«Le législateur a vraiment tort…»
«La sécurité publique n’a pas de prix, mais cela ne peut pas justifier certaines choses. On ne peut pas, au nom de la lutte contre le terrorisme, restreindre des libertés individuelles au point de garder une personne en détention, sans lui donner le droit d’être assisté par un avocat. Ce n’est pas sérieux ! Ces mesures auraient pu avoir un sens si on était en Libye, en Egypte ou en Série. C’est bien de réformer, mais c’est encore mieux de s’adapter à nos réalités», analyse Makhaly Ndiack Ndoye, président de l’Association nationale des chroniqueurs judiciaires (Ancj). Pour ce journaliste spécialisé sur les questions judiciaires, l’Etat du Sénégal y a des préoccupations nationales qui nécessitent le banditisme, les agressions suivies de mort d’homme, les meurtres et attaques à main armée. «Les perquisitions de jour comme de nuit et les délais allongés constituent des atteintes aux libertés individuelles. J’en appelle à la vigilance des députés qui vont voter ces lois. Ces nouvelles dispositions sur le terrorisme seront la porte ouverte à toute sorte d’abus. Le législateur a vraiment tort de dire que l’avocat n’a pas le droit d’assister son client durant les premières 96 heures», ajoute-t-il.
Pape NDIAYE