CHRONIQUE DE WATHIE
L’ère des coups d’Etat semble s’être éloignée, mais l’Afrique n’en a pas pour autant grandi. A la place des hommes en treillis, le continent a engendré de nouveaux types de dirigeants, aux chics costumes, beaucoup plus pernicieux pour la démocratie que les militaires aux kalachnikovs bruyantes. Les ruisseaux de sang versés jadis pour la conquête du pouvoir, vivifient et maintiennent aujourd’hui le fauteuil du président-dictateur s’accrochant au pouvoir.
Ali Bongo Ondimba était passé entre les mailles du filet, soutenu par un Nicolas Sarkozy redevable à son père Omar. Pour de nombreux observateurs, les résultats du scrutin qui l’a consacré ont été inversés. Mais malgré les véhémentes contestations des deux principaux opposants, les 41,73% des voix qu’il avait obtenues avaient suffi pour lui ouvrir grandement les portes de la présidence gabonaise. C’était en 2009. Sept ans après, les opposants qui l’avaient tenu tête sont six pieds sous terre, morts dans des circonstances que beaucoup ont assimilé à de la sorcellerie. Arrivé au pouvoir aux forceps, Ali Bongo n’a guère l’intention de sortir par un trou de souris. Si personne n’a demandé à Ping comment il s’est trouvé des ancêtres gabonais, son entrée à la présidence ne sera point facilitée. Ali Bongo n’est pas étranger au continent et a bien observé, sous d’autres cieux, des présidents rempiler sans coup férir malgré les fraudes massives.
Et le Haut-Ogooué vota
Ali Bongo, selon son ministre de l’Intérieur, devance son challenger de 5 594 voix. Ce chiffrant égratignant la légitimité du nouvel élu aurait pu contenter tout le monde, un score serré était attendu ; mais c’était sans compter sur les résultats de la région natale des Bongo. Les résultats affichés donnent au président sortant 95,46% des suffrages valablement exprimés. Mais contrairement au score soviétique, ce score Bongo est assorti d’un taux de participation ahurissant. A Haut-Ogooué, 99,93% des inscrits sur les listes électorales ont voté, estime le ministère de l’Intérieur. Jamais, même durant le règne du patriarche Omar, les habitants du Haut-Ogooué n’avaient été aussi enthousiasmés par les urnes. Pour les opposants, ce score suffit à attester de l’irrégularité du scrutin.
Et l’Assemblée nationale prend feu. Mais, que personne ne se dépêche d’accuser le camp des opposants. Sur cette terre d’Afrique aussi, les pompiers peuvent être les plus efficaces pyromanes. Tout comme le plus farouche opposant peut ne l’être que de façade. L’hémicycle qui prend feu, étant l’élément déclencheur de la répression, une raison assez parlante pour permettre aux soldats d’Ali d’ouvrir le feu sur les militants et de séquestrer des responsables de l’opposition durant des jours dans le quartier général de Jean Ping. Pour casser l’opposition, tous les moyens sont bons. Les geôliers n’hésitent pas à lâcher les malfrats, pour faire place aux nombreux militants de l’opposition aussi excités qu’excédés. Les ritournelles de la communauté internationale, l’Union Européenne, la France et les Usa, vont très vite s’estomper et sans la force comme celle qui avait éjecté Blaise Compaoré, Ali va se mettre définitivement dans les habits de président de la République, pour un deuxième mandat. Faisant partie du syndicat, il sait que ses homologues fermeront les yeux comme ils l’ont déjà fait avec d’autres mal-élus.
Que ce soit le deuxième ou le sixième mandat, le procédé est pareil. En terre africaine, un président éjecté du pouvoir après seulement un mandat, c’est comme la bonne gouvernance, ça ne se voit pas. Ce sont les mandats qui ne devraient pas suivre les deux premiers qu’il faut calculer. S’il y a peu de chance que les présidents de la Guinée et de la Côte d’Ivoire embouchent la même trompette que Pierre Nkurunziza du Burundi, malgré des réélections imbibées de contestations, la boulimie du pouvoir caractérise les dirigeants africains qui rechignent à le lâcher.
Idriss Déby, réélu pour un CINQUIEME mandat, a prêté serment alors que les coups de feu crépitaient encore dans les rues de Ndjamena. Sous le regard de quatorze chefs d’Etat (Ouganda, Mauritanie, Ghana, Guinée Conakry, Nigeria, Niger, Bénin, RCA, RDC, Mali, Guinée équatoriale, Burkina Faso, Rwanda et Soudan) en plus du ministre français de la Défense, il a révélé la prépondérance de la place qu’il occupe au sein du syndicat. Avant lui, c’est Denis Sassou-Nguesso, président du Congo après avoir chassé en 1997 Pascal Lissouba, qui passait la formalité des urnes. Avec comme homologues des Paul Biya (33 ans au pouvoir), Abdelaziz Bouteflika (président depuis 1999), Yahya Jammeh (président depuis 1996),Omar el-Béchir (président depuis 1993),Théodore Obiang Nguema (président depuis 1979), etc., nombreux sont les nouveaux élus qui, côtoyant ces caïmans, sont tentés par un coup de force. Ainsi, sans demander de rançon, ces ravisseurs maintiennent le continent noir sous le joug des Occidentaux, se contentant de tirer leur épingle du jeu. Et pendant qu’ils trinquent, sirotant le sang des innocents, l’Afrique tangue tel un bateau sans capitaine et la masse trinque sous les coups de butoir des maladies expérimentales, notamment.
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Par Mame Birame WATHIE
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