Assemblée nationale en feu, le QG de l’opposition encerclé par l’armée, émeutes dans les villes, l’annonce le 31 août de la victoire d’Ali Bongo (49,80 % des voix contre 48,23 % pour Jean Ping) a plongé le pays au bord du chaos.
En d’autres circonstances, on aurait été ulcéré par le fait que la France et l’Union européenne exigent de la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap) de publier les résultats de l’élection gabonaise du samedi dernier, bureau de vote par bureau de vote. Car dans cette exigence, il y a un peu du paternalisme colonialiste et condescendant. Mais à voir le hold-up électoral que tente d’imposer le camp d’Ali Bongo, ce sentiment souverainiste n’a plus sa raison d’être.
Le camp du président sortant, en essayant de voler les suffrages des Gabonais, ne mérite ni compassion, ni indulgence. Au contraire, l’attitude de Bongo fils, manquant d’humilité et écornant au passage l’image du continent, se doit d’être dénoncée et condamnée.
Entre incohérences et impairs
Les résultats de l’élection présidentielle gabonaise rendus publics, mercredi 31 août, par le ministre de l’intérieur sentent la fraude et le vol à plein nez. Les architectes de la triche, pris au dépourvu, n’ont pas eu le temps d’y mettre la forme et la manière. Ainsi, de flagrants paradoxes et contrastes sautent aux yeux. Au nombre de ces incohérences, il y a cette différence abyssale entre le taux de participation au niveau national, se situant autour de 60 %, et celui de la province du Haut-Ogooué [région d’origine d’Ali Bongo], frisant les 100%. Il s’y ajoute que, comme par enchantement, dans cette même région dont les résultats sont arrivés les derniers au niveau du bureau central de la CENAP, Ali Bongo, le président sortant récolte 95,46 % des suffrages. Même l’argument selon lequel Ali Bongo est originaire du coin ne peut rendre compte de si évidents impairs.
Le camp Bongo gêné aux entournures
De fait, nous sommes dans une situation qui ressemble à bien des égards au scénario de l’élection en RDC en 2011. Le vol est si évident que tout le monde s’en rend compte. Au point que même au sein du gouvernement gabonais, on sent de la gêne. En témoigne l’inconfortable posture du porte-parole de ce gouvernement qui, pour refuser aux observateurs de l’Union européenne le droit d’authentifier la transparence du scrutin, s’arc-boute derrière un pathétique formalisme juridique. En effet, selon Alain Claude Billie By Nzé, l’accord entre les autorités gabonaises et la mission d’observation électorale de l’Union européenne n’ayant pas explicitement stipulé que les observateurs s’impliqueraient à la phase de dépouillement, cela ne se ferait pas. Même si cela est de nature à contribuer à la crédibilisation du processus et, in fine, à l’apaisement et à la quiétude sociopolitique.
Pourtant, le camp Bongo n’a pas de quoi pavoiser, même s’il réussit à entériner sa fraude. Car entre le président sortant et l’ancien patron de la Commission de l’UA, la différence est de moins de deux points, soit seulement 5594 voix. C’est ce qu’on appelle une légitimité étriquée. Et un autre signe de la mal-élection !
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