L’Association des écrivains du Sénégal (Aes) a un nouveau bureau présidé par le dramaturge Alioune Badara Bèye. Après un deuxième mandat de dix ans, l’écrivain Bèye est à nouveau reconduit à «l’unanimité» pour deux ans sans la plupart des auteurs membres de l’Aes.
Le président sortant de l’Association des écrivains du Sénégal (Aes), Alioune Badara Bèye rempile pour un troisième mandat successif. Il a été réélu sans tambour, ni trompette, le mercredi 3 août dernier lors d’une réunion le même jour au siège de l’Aes, à Kër Birago gu bees, de 16 heures à 20 heures, selon le colonel Momar Guèye, désormais vice-président de l’association chargé de la communication et porte-parole. Pour ce dernier, le renouvellement du bureau a eu lieu lors d’une rencontre qui avait aussi comme points à l’ordre du jour «la coopérative d’habitat des écrivains Kër Xalima et les préparatifs de la 24éme édition de la journée internationale de l’écrivain africain». L’élection n’est faite ni lors d’une assemblée générale ordinaire, ni extraordinaire. En référence à l’article 4 alinéa 5 du règlement intérieur de l’Aes en date du 5 mars 2004 : « …Toute assemblée thématique peut être transformée en assemblée générale lorsque la majorité simple est constatée», rappelle le vice-président.
- Bèye devient président de l’Aes pour un mandat de deux ans. Des membres (une quarantaine) de l’association étaient présents lors de cette élection. Car seuls «les membres titulaires d’une carte en cours de validité et qui n’ont pas démissionné de l’Association des écrivains du Sénégal ont répondu suivant leur disponibilité, à la convocation qui leur a été adressée».C’est pourquoi poursuit le colonel écrivain Momar Guèye, «tous ceux qui ont démissionné, gelé leurs activités au sein de l’Aes ou qui n’ont pas renouvelé leur carte de membre n’ont pas été convoqués». Aucune réponse sur le nombre exact de membres de l’Aes, ni sur un autre candidat au poste de président autre que le dramaturge Alioune Badara Bèye lors de cette élection. «C’est une motion de proposition de l’assemblée approuvée à l’unanimité qui a permis la reconduction du président A. B. Bèye à la présidence de l’Aes», affirme le porte-parole par mail. Pas de voix pour, ni de voix contre. Election en catimini ? Le colonel Momar Guèye dément : «L’élection ne s’est pas déroulée en catimini. Tous les membres habilités y ont été conviés. L’assemblée se réunit chaque fois que les circonstances l’exigent». Aucune information n’a été diffusée dans ce sens. Seul un communiqué en date du jeudi 18 août dernier, du ministère de la Culture et de la Communication qui a reçu en audience le nouveau bureau de l’Aes, a permis de savoir qu’il y a eu un renouvellement du bureau de l’Aes.
Des écrivains non informés de cette élection
Des écrivains interpelés hier prennent le contrepied du colonel Momar Guèye. Car cette élection du nouveau bureau s’est déroulée sans la plupart des auteurs sénégalais pourtant membres de l’Aes. L’écrivain Saer Ndiaye surpris par la question de savoir s’il a pris part à cette consultation, estime qu’il n’était pas au courant. «C’est hier (dimanche 21 août) que j’ai entendu Elie en parler, lui-même n’était pas au courant», dit Saer Ndiaye journaliste-écrivain. Pour lui, ce n’est pas une surprise. «Il y a une continuité, le bureau sortant a été élu dans la même situation, il n’y a pas de démocratie au sein de cette structure», dénonce à nouveau Ndiaye. Elie Charles Moreaux démissionnaire depuis trois de l’Aes se dit ne pas être concerné à la question.
Marouba Fall non plus n’est pas informé. «Je ne l’ai entendu nulle part, même pas chez d’autres auteurs», dit-il. Mais l’auteur du roman La collégienne trouve normal qu’il ne soit pas convoqué, car il est démissionnaire de l’association des écrivains depuis 29 avril 2015. Mais que les autres ne soient pas au courant, «c’est grave». Selon Fall, cela s’est toujours déroulé ainsi. «Personne n’est jamais au courant des choses qui se font au nom de l’Aes, rien ne se fait démocratiquement, je ne suis pas surpris, c’est un président à vie», réagit Marouba Fall qui se dit maintenant se contenter de ses publications et de la promotion de la lecture. La lauréate du Grand prix du chef de l’Etat pour les Lettres en 2000, Sokhna Benga est au même niveau d’information que ces collègues. «Je n’étais pas au courant, mais j’étais absente du territoire», lance-t-elle. L’écrivain Mamadou Samb chez qui elle nous renvoie, soutient : «Cela (en référence à l’élection du nouveau bureau), c’est un autre problème, je n’aime pas trop en parler». L’écrivain Madjiguène Niang Moreaux qui dit être membre à part entière de l’Aes depuis 2003, soutient n’avoir pas été convoquée pour cette réunion. «J’ai appris par voie de presse que le nouveau bureau de l’Aes sera reçu par le ministre de la Culture, alors qu’il n’a jamais eu une Assemblée générale pour une élection. Ce n’est pas digne d’une structure qui se respecte», fustige-t-elle.
Des écrivains sénégalais membres de l’Association ont toujours dénoncé la léthargie au sein de leur structure, le manque de démocratie et la longévité du président Alioune Badara Bèye. Ce dernier a été réélu pour un deuxième mandat le 13 septembre 2005.
Fatou K. SENE (Walf Quotidien)