CHRONIQUE POLITIQUE
Sans le soutien d’une coalition Benno Bokk Yaakaar forte, parce que comptant toujours dans ses rangs ses principaux ténors, à savoir l’Afp, le Ps, la Ld, le Pit, le Model…, point de salut pour Macky Sall en 2019. L’effet de surprise de 2012 ne sera, cette fois-ci, pas de mise et le chef de l’Etat ne s’est jamais fait d’illusion à ce sujet. Mais il y a surtout qu’il n’a pas de parti politique : L’Alliance pour la République (Apr) qu’il avait créée pour aller à la conquête du pouvoir, n’en est plus un. Arrivé au pouvoir sans avoir été structuré auparavant, le parti de Macky Sall est resté déstructuré. A part le secrétariat national qui fonctionne au gré du calendrier surchargé de son chef, rien ne marche. Au point qu’à la base, l’Apr donne l’impression d’une armée de colonels.
Des responsables de ce parti ont beau tirer la sonnette d’alarme, Macky Sall est resté de marbre. L’homme n’est pas un néophyte en la matière et a tiré les enseignements des renouvellements de base du Parti socialiste (Ps) et du Parti démocratique sénégalais (Pds) dont il a été le numéro deux jusqu’à sa démission. Des restructurations qui ont toujours été sources de profondes dissensions, suivies souvent de fractures dont ces partis ont eu de la peine à se relever. Et c’est ce qu’il a voulu éviter à sa formation politique. L’absence d’une structuration de l’Apr est un mal congénital et Macky Sall préfère faire avec, tout en sachant qu’il ne devra pas beaucoup compter sur son parti pour gagner les futures compétitions.
Or Macky 2012 sans lequel il n’aurait jamais été le challenger du président Wade à l’issue du premier tour de la dernière présidentielle, n’est plus ce qu’il était. Les querelles de leadership qui ont installé une dissidence dans ses rangs et sa marginalisation par Macky Sall ont fini par le plomber. Il ne reste, dès lors, à son leader que Benno Bokk Yaakaar pour espérer gagner les prochaines législatives. Parce que, sans une victoire à ces consultations électorales prévues en 2017, un second mandat à l’issue de la présidentielle de 2019 risque de n’être qu’une simple vue de l’esprit. Or avec un Benno Bokk Yaakaar sans le Ps qui est l’une de ses locomotives, point de salut. Et pour avoir les socialistes avec soi, rien de mieux que d’octroyer à leur secrétaire général le juteux poste de président du si budgétivore Haut conseil des collectivités territoriales. En nommant Ousmane Tanor Dieng président du Hcct, Macky Sall veut faire d’une pierre deux coups : marginaliser au sein de son parti Khalifa Ababacar Sall, auquel il est prêté la volonté de se présenter à la présidentielle de 2019 et conquérir pour de bon la loyauté de l’establishment du Ps. Une fois cela acquis, il pourra s’appuyer sur la formidable machine électorale des socialistes ainsi que sur celle de l’Afp qui lui est acquise d’avance, pour aller à la conquête des suffrages pour un second mandat.
Seulement, l’Afp n’est plus un foudre de guerre depuis que son président s’est rangé derrière Macky Sall avec armes et bagages. Et l’alignement d’Ousmane Tanor Dieng sur les désidératas du leader de l’Apr ne sera pas sans conséquences sur la cohésion du Parti socialiste. En effet, si Khalifa Ababacar Sall persiste dans son ambition de voir sa formation politique reconquérir le pouvoir dès 2019, le Ps est parti pour vivre de vives tensions. Et celles-ci pourraient déboucher sur une dissidence qui gripperait durablement l’appareil de ce parti. Mais ce serait pour Macky Sall un moindre mal plutôt que de voir le Ps soutenir la candidature d’un Khalifa Sall plus populaire que le secrétaire général de son parti.
Quant à ses autres alliés, ils ne pèsent pas grand chose et le président de l’Apr en est conscient. Et sa vaste entreprise de démantèlement du Pds n’a pas eu pour effet la massification de l’Apr. Au contraire, les transhumants y sont si à l’étroit que nombre d’entre eux sont devenus des adeptes du service minimum, s’ils ne se sont pas mis en retrait de la scène politique. Autant dire que Macky Sall aura du pain sur la planche pour pouvoir réaliser son rêve de se succéder à lui-même.
Par Abdourahmane CAMARA
Directeur de publication de Wal Fadjri Quotidien
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