CHRONQUE POLITIQUE
Ils ont beau le vilipender, allant jusqu’à instrumentaliser la justice en vue de jeter le discrédit sur son honorabilité, Abdoul Mbaye est resté zen. Toujours aussi courtois dans ses propos, il est demeuré ferme dans ce rôle qu’il s’est assigné de vigile de la bonne gouvernance et de la transparence dans la gestion des ressources pétrolières et gazières découvertes récemment au Sénégal. Quand il la rouvre, ce n’est pas le banquier à la retraite que les Sénégalais écoutent, ni même le fils de Kéba Mbaye. Mais plutôt le premier Premier ministre de l’ère Macky Sall, celui-là même qui a posé les premiers jalons du Yoonu Yokkuté devenu ce Plan Sénégal émergent qui justifie toutes les dérives passées, présentes et futures (?) dans le management du pays. Lorsqu’Abdoul Mbaye parle, on se dit toujours qu’il n’a pas encore révélé tout ce qu’il sait des actes de mal gouvernance commis dans les premières heures de la seconde alternance politique jusqu’à son limogeage de la Primature.
Ce n’est pas pour cela seulement que l’ancien Premier ministre dérange. Il embarrasse en ce qu’il est un homme politique hors normes : il ne vit pas de la politique et ne se sert pas d’elle en quête de prébendes. Ce qui donne plus de portée et confère plus de crédibilité à ses critiques sur la gestion du pays. Il contrarie aussi à cause de son carnet d’adresses très fourni aussi bien à l’étranger qu’à l’intérieur du pays. Pour avoir dirigé des établissements financiers aussi importants que la Banque de l’habitat du Sénégal (Bhs), la Compagnie bancaire de l’Afrique occidentale (Cbao), la Banque sénégalo-tunisienne (Bst) et Attijari Bank du Sénégal, il aura aidé nombre d’hommes d’affaires et de commerçants sénégalais à monter leurs propres affaires et à en trouver financement. On ne dénombre plus ces hommes d’affaires et commerçants mbacké mbacké ou de Tivaouane ou encore de Kaolack qui lui sont redevables de prêts bancaires obtenus grâce à son coup de pouce. Sans compter ses liens d’ordre familial avec la famille d’El Hadj Malick Sy et les nombreux amis qu’il compte dans les familles de feu Serigne Fallou, Serigne Abdoul Ahad, Serigne Mourtada et Serigne Saliou Mbacké.
Il traîne certes des casseroles en tant qu’ancien banquier, mais c’était en toute connaissance de cause que Macky Sall l’avait choisi pour en faire son Premier ministre le 3 avril 2012. Il était, par conséquent, mal venu que les autorités puissent exciper de ces cafards en vue de le discréditer. Voilà pourquoi le pouvoir n’a pu que monter en épingle une banale affaire de divorce pour essayer de le réduire au silence.
Par contre, Ousmane Sonko ne semble traîner aucune casserole à quoi s’accrocher pour jeter le discrédit sur son honorabilité. Ce qui est rarissime pour un inspecteur des impôts et des domaines. Et, en plus de ne pas avoir sa langue dans sa poche, il sait être incisif et son ironie peut être même piquante, comme lorsqu’il portait la réplique au lion endormi Macky Sall. Pis, il est omniprésent sur les réseaux sociaux où il ne laisse passer aucune accusation des thuriféraires du régime. L’ancien Premier ministre Aminata Touré en a d’ailleurs pris pour son grade, tout comme, hier, Moustapha Diakhaté, le président du groupe parlementaire de la majorité.
Si ses simples commentaires portant sur des faits rendus publics à travers le net mettent les pouvoirs publics dans tous leurs états, qu’en sera-t-il lorsqu’il se décidera à déballer tout ce qu’il sait sur les nombreux scandales passés et présents qui ont jusqu’ici été étouffés à la Direction des impôts et domaines et qui mouillent de hauts dignitaires du régime ? Voilà pourquoi Ousmane Sonko fait peur. Et il dérange aussi d’autant que les soutiens lui parviennent de partout dans sa rébellion ouverte contre un ordre préétabli de prévarications sur les deniers de l’Etat. Ces soutiens proviennent aussi bien des partis politiques que de franges significatives de la société civile.
Quoi qu’elles fassent, les autorités n’arrivent pas, pour le moment, à réduire au silence Ousmane Sonko et Abdoul Mbaye qui occupent le devant de la scène politique. Et il est peu probable qu’elles y parviennent de sitôt.
Par Abdourahmane CAMARA*
* Directeur de publication de Wal Fadjri Quotidien
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