chronique de Wathie
Le président Macky SALL, inspiré par on ne sait quel fin stratège, est en train de manœuvrer grave. Comme s’il cherchait à éteindre un feu, le chef de l’Etat allume de nombreux contre-feux, prenant le risque de se mettre à dos de nombreux Sénégalais.
Suivre la logique du président Macky SALL, par ces temps qui courent, est des exercices parmi les plus délicats. Tellement le leader de l’Alliance pour la république fait feu de tout bois, déroutant de nombreux Sénégalais qui peinent à lire les multiples et incompréhensibles actes que lui et son régime enchaînent. A peine a-t-il enterré le Protocole de Rebeuss, en déclarant, mercredi 20 juillet dernier, que l’affaire n’avait aucune espèce d’importance, que d’autres sujets pour le moins invraisemblables ont pris le dessus sur tous les autres faits de l’actualité. Ainsi, entre le lion qui dort, la révocation de Nafi Ngom KEITA, la suspension d’Ousmane SONKO et la convocation d’Abdoul Mbaye, la presse a suffisamment de sujets pour ne pas se focaliser sur d’autres affaires.
Sinon comment comprendre l’éviction de Nafi NGOM KEITA dont le mandat arrive à terme au mois de mars 2017 ? D’autant que celle-ci a rendu, dernièrement, un rapport épinglant certains des proches du chef de l’Etat. En l’éjectant, prématurément, de son poste de présidente de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC), Macky SALL donne du grain à moudre à ses détracteurs et montre qu’il n’est guère dérangé par le lien qui pourrait être établi entre ledit rapport et l’éviction de Nafi Ngom KEÏTA. Et pendant que membres de la société civile et responsables politiques s’indignent, s’insurgeant contre ce que certains d’entre eux qualifient de «dérives», le président SALL active un autre levier. Ce que Moustapha DIAKHATE souhaitait depuis plusieurs mois déjà est arrivé. Le député peut jubiler. L’inspecteur Ousmane SONKO est suspendu de ses fonctions d’inspecteur des Impôts et domaines. «Il a failli à son obligation de réserve », dit-on, pour justifier la mesure. Pourtant, quand, dans une tribune largement partagée par la presse et les réseaux sociaux, le ministre Mame Mbaye NIANG a divulgué des numéros de comptes bancaires qui appartiendraient, selon ses dires, à l’ancien Premier ministre Idrissa SECK, personne ne s’est indigné à part les partisans du mis en cause. Cette suspension, qui intervient plusieurs mois après les accusations d’Ousmane SONKO, ne pouvait, bien entendu, que susciter les plus véhémentes réactions. Le message donné par le gouvernement est cinglant. La politique est faite pour ceux qui n’ont pas de réel travail ou pour les privés, pas pour les fonctionnaires. Et ce n’est pas tout, c’est cette même période que le procureur de la République choisit pour mettre en branle le «dossier» de l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye. Trois patates extrêmement chaudes que le régime de Macky SALL est en phase d’avaler quitte à se rôtir. Pendant que le Grand Parti de Malick GACKOU dénonce «le triomphe en bandoulière du népotisme et du ponce-pilatisme que le gouvernement veut instaurer comme modèle d’action publique et de la valorisation systématique de la pensée unique», des jeunesses socialistes s’indignent et menacent. «La dictature debout de Macky SALL passera pas ! Le peuple fera face pour défendre sa République et sa démocratie », observe la Jeunesse pour le socialisme et la démocratie (JDS).
Le président Macky SALL qui invitait, il y a juste quelque temps, ses compatriotes à un dialogue qu’il a qualifié de national s’en est, d’un coup, pris à l’opposition avec des «méfiez-vous du lion qui dort». Une inopportune attaque qui a suscité moult réactions des acteurs concernés qui s’en sont mis à aligner des jeux de mots les uns plus sarcastiques que les autres, ironisant le leader l’APR qui a prêté le flanc et une cravache à ses détracteurs qui s’en sont servi à cœur joie. «Au lieu de se concentrer sur la demande sociale, il est en train de dormir. Je préfère un lion affamé, prêt à sauter sur sa proie, qu’un lion paresseux en train de dormir. Heureusement, qu’il nous a dit que c’est un lion qui dort. Qu’il continue de dormir, 2019 n’est pas loin », réplique le député socialiste Aminata DIALLO. «Nous n’avons que faire d’un lion et celui qui dort n’intéresse personne», renchérit Cheikh Bamba DIEYE. Remportant la palme de la raillerie, Ousmane SONKO entonne : «Qu’il arrête de se comparer à un lion endormi pour défier l’opposition. Un lion qui dort c’est le symbole d’un ventre bien rempli, du manque d’agressivité et de paresse». Des tirs saccadés que le président Macky SALL a cherchés.
Pourtant durant le meeting au cours duquel il a amorcé son offensive, le chef de l’Etat avait renseigné que 1 800 milliards de nos francs allaient être injectés dans la banlieue. La logique d’une bonne communication aurait voulu que cette information soit davantage calibrée pour se maintenir au-devant de l’actualité. Mais le chef de l’Etat est visiblement plus préoccupé par autre un feu, qu’il cherche à atteindre en allumant d’autres. Le leader de l’APR, qu’un livre, paru la semaine dernière, accuse d’être de connivence avec certains de ses opposants, décrète la fin officielle de son dialogue, en s’engageant dans une passe d’arme avec l’opposition. Macky SALL aura, au moins, le mérite d’orienter les débats, journalistes et autres observateurs ne faisant que suivre.
A lire chaque samedi
Par Mame Birame WATHIE
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