chronique politique
C’est à une véritable guerre des tranchées que se livrent, depuis le Bureau politique du 5 mars dernier, les partisans d’Ousmane Tanor Dieng et ceux de Khalifa Ababacar Sall pour le contrôle du Parti socialiste. Mais, jusqu’ici, elle ne met en première ligne que les seconds couteaux.
Quand Barthélémy Dias sonne la charge contre tout alignement du Ps sur Benno Bokk Yakaar lors des prochaines élections législatives, c’est Abdoulaye Wilane qui lui répond sèchement. Lorsque les soutiens du maire de Dakar posent le débat sur la ligne de leur parti en prévision de ces législatives de 2017, il leur est plutôt opposé des attaques ad hominem.
Les deux parties ne se font désormais plus de cadeaux, sans que les «Sages du parti» ne soient en mesure de siffler la fin de ces escarmouches à répétition qui menacent la cohésion de leur formation politique. S’ils ne parviennent toujours pas à arrondir les angles, malgré le profond respect que leur vouent les protagonistes, c’est parce qu’il se joue l’avenir politique de nombre de responsables socialistes dans cette bataille pour le contrôle de l’appareil du parti. Ainsi, Khalifa Ababacar Sall et ses affidés savent qu’ils n’ont rien à attendre du Bureau politique et du Secrétariat exécutif qui ont été noyautés par Ousmane Tanor Dieng. Rien ne se décide, ni se fait dans ces deux instances, qui ne soit pas conforme à la ligne définie par le secrétaire général du Ps qui s’y est aménagé une majorité quasiment mécanique. Il a profité de la longue traversée du désert de son parti, à la suite de l’alternance politique de 2000, pour s’imposer comme le patron indiscutable de cette formation politique. Pour ce faire, il a pris le temps de faire de la place aux hommes et femmes qui lui étaient fidèles, dans les instances de direction.
Le Bp et le Secrétaire exécutif sous la botte de l’ancien dauphin politique du président Abdou Diouf, Khalifa Sall, Barthélémy Dias et autres Bamba Fall ont jeté leur dévolu sur le Comité central qui est l’émanation des coordinations. Et ils entendent surfer sur la popularité du maire de Dakar auprès des militants de base. Mais le pari paraît risqué. Parce qu’Ousmane Tanor Dieng n’est pas impopulaire auprès des responsables de coordinations. Il ne l’est pas non plus chez les militants autant qu’il l’est auprès de l’électorat. Quand bien il n’a pas le charisme de son prédécesseur Abdou Diouf parce qu’il ne fascine ni par son discours ni par ses actions, il reste qu’il séduit nombre de ses camarades par son tempérament. Et ceux-ci sentent qu’ils lui sont redevables d’avoir tenu d’une main ferme le gouvernail pendant les douze ans de haute tempête traversée par leur formation politique sous le régime libéral. C’est pour beaucoup grâce à lui si ce parti a survécu à la chasse aux sorcières déclenchée dès l’accès du président Wade au pouvoir. Il y est également pour beaucoup si le Ps est resté attractif malgré la perte de ce pouvoir.
Voilà pourquoi il sera difficultueux de mettre en minorité le secrétaire général du Ps au sein du Comité central. L’homme semble indéboulonnable. Les Mamadou Diop et autres Robert Sagna ont pu le vérifier à leurs dépens. Bien que bénéficiant d’une légitimité politique et d’un charisme dont ne peut se prévaloir Tanor Dieng, ils furent contraints de quitter un parti où ils avaient fait toutes leurs armes pendant des décennies. On craignait que leur départ ne provoquât l’effondrement de pans entiers du Ps, mais il n’en fut rien. Le Parti socialiste n’aura, en fait, rien perdu au change et Diop-le-maire (comme on appelait l’ancien édile de Dakar) et Robert Sagna n’y ont pas gagné grand chose. Les effets Djibo Kâ et Moustapha Niasse n’ont pas joué en leur faveur, parce que, contrairement aux leaders de l’Urd et de l’Afp, ils ont quitté un parti d’opposition et non un parti au pouvoir. Et Khalifa Ababacar Sall que certains de ses partisans poussent à rompre avec le Ps au cas où ils n’arriveraient pas à mettre en minorité la ligne Tanor Dieng, est averti : la victimisation n’aura pas l’effet escompté. S’il part aux élections législatives sans l’appareil du parti, il va vers de grosses désillusions.
La force du Ps et de son appareil, c’est d’être le seul parti à être présent sur l’ensemble du territoire national. Il est représenté dans les plus petits hameaux du Sénégal. Certes, son électorat s’est rétréci comme peau de chagrin entre l’an 2000 et le premier tour de la présidentielle de 2012 parce que l’image de son leader a toujours du mal à passer auprès de l’électorat. Mais il est resté une puissante machine électorale pour qui veut faire des résultats honorables à des élections nationales comme les législatives.
Par Abdourahmane CAMARA*
* Directeur de publication de Wal Fadjri Quotidien
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