CHRONIQUE DE SEYNI
Le recours intempestif de l’Etat sénégalais au marché financier, cette année, inquiète. Non pas par le volume mais par la qualité. En effet, l’Etat du Sénégal envisage pour le troisième trimestre de 2016, de lever 165 milliards de francs CFA d’obligations du Trésor par adjudication sur le marché financier de l’Uemoa. Un pactole qui serait destiné à financer le déficit budgétaire du pays. Un sacré remède. Ce qui est une hérésie pour un pays qui se gargarise d’avoir obtenu un taux de croissance de 6,5% en 2015 et qui projette de puiser pas moins de 630 milliards sur ce marché en 2016. Ainsi, avec le rythme de sollicitation du marché financier, on peut se demander si l’économie sénégalaise a réellement généré des ressources internes pour huiler la machine, à moins que cette croissance soit exportée en dividendes par les nombreuses entreprises étrangères qui tiennent l’économie. Et qui souvent bénéficient d’avantages fiscaux incompréhensibles pour un Etat pauvre, comme ce fût le cas pour les nombreuses remises gracieuses et autres exonérations fiscales évaluées à plus de 40 milliards de francs CFA par le Syndicat autonome des agents des impôts et domaines en janvier dernier.
S’il est certes vrai que tous les pays recourent à l’endettement, le fruit de ces emprunts est souvent destiné au financement de projets d’investissement public rentables. Emprunter pour combler le déficit budgétaire est une très mauvaise idée et cela plonge le pays dans le cercle vicieux de l’endettement public. Si recourir au marché financier n’est certes pas une mauvaise chose, l’ériger en règle reviendrait à en faire le poumon du Trésor public sénégalais. Ainsi, l’actuel régime, qui use et abuse de l’emprunt sur le marché financier de l’Uemoa, risque de plonger le Sénégal dans un gouffre sans fond alors qu’il avait fait du reprofilage de la dette son cheval de bataille en 2012. Mais les taux d’intérêt de 5,9% et 6,30% pour une maturité de 7 ans que propose le pays aux Spécialistes en valeurs du Trésor (Svt) qui opèrent dans la zone de l’Uemoa ne sont pas très loin de ceux décriés à l’époque par les actuels tenants du pouvoir qui mettent le pays dans une spirale d’endettement.
Financer le déficit budgétaire par l’endettement effréné, comme le pratiquent les services du ministre Amadou Bâ, n’est pas la bonne solution pour le pays. L’Etat devrait mettre fin à cette générosité fiscale sans fondement, élargir l’assiette et réformer ses finances publiques. Sans quoi, on en reviendrait au diagnostic établi à l’époque par l’ex-ambassadeur de France au Sénégal, Jean Christophe Ruffin qui déconseillait en 2010 à Paris d’accorder une nouvelle aide financière à Dakar. Pour lui, débloquer un montant sans demander au Sénégal de «réformer profondément son système politique, reviendrait à fournir à un toxicomane la dose qu’il demande, mais qui le conduit un peu plus sûrement vers sa fin».
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Par Seyni DIOP
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