Des chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS et du Vaccine research institute ont fait une découverte importante dans la lutte contre le VIH. Un nouvel espoir pour les personnes infectées qui offre de nouvelles perspectives pour un futur vaccin.
C’est un nouvel espoir dans la lutte contre le VIH. Il repose sur des protéines indispensables au système immunitaire: les anticorps. Mais des anticorps particuliers, dits “neutralisants à large spectre” (bNAbs). Une équipe composée de chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS et Vaccine research institute a mis en évidence qu’un certain type, rare et performant, pouvait avoir une action importante sur les cellules infectées, allant jusqu’à les détruire. C’est une piste prometteuse car elle permet de contrer une spécificité du virus du sida qui mute rapidement, échappant ainsi à l’action de nos défenses naturelles. Entretien avec Hugo Mouquet, immunologiste à l’Institut Pasteur, qui a participé à l’étude.
En quoi consiste votre découverte?
L’étude porte sur des anticorps humains, et non artificiels, contre le VIH. Ces anticorps particuliers, isolés chez des sujets infectés, sont puissants. Ils ont la capacité de se fixer au virus et d’empêcher l’infection. Mais pas seulement. Ils sont également capables de détruire les cellules infectées. C’est là que se situe notre découverte.
En quoi est-ce déterminant?
C’est un nouveau paramètre dans la lutte contre l’infection. Cela ouvre la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques en injectant directement ces anticorps ou en développant un vaccin. Ces anticorps atypiques n’apparaissent qu’au bout de quelques années, quatre à cinq ans. Ils se développent en réaction à la mutation du virus. En clair: l’anticorps va reconnaître le virus, qui va muter et s’échapper, comme l’anticorps qui va alors rattraper le virus, et ainsi de suite… C’est comme une course pendant laquelle le VIH a toujours un peu d’avance. Si l’on injectait ces anticorps dès le début de l’infection à un patient, le virus n’aurait pas la possibilité de muter aussi rapidement.
Qui sont les patients qui développent ce type d’anticorps?
Ils sont rares. Ils représentent seulement 1% des personnes infectées par le VIH. Pourquoi certains patients et pas d’autres? Les facteurs majeurs pour l’expliquer sont la prédisposition génétique et la variante du virus à laquelle on a à faire. Il reste une partie non expliquée que l’on ne comprend pas encore vraiment. Le système immunitaire varie d’un individu à l’autre.
Est-ce que ce nouveau traitement pourrait se substituer à une trithérapie?
Non, je ne pense pas. Ce sera plutôt complémentaire. La trithérapie est composée de trois molécules qui agissent à trois moments de la vie du virus. On peut imaginer que notre découverte devienne une quatrième composante de cette thérapie. En revanche, pour les patients qui présentent une résistance au traitement ou qui souffrent d’effets secondaires importants, cela pourrait être une solution alternative. Car une seule injection peut diminuer le taux de virus dans le sang pendant un mois et donc soulager ces individus.
Est-il pour autant question de guérison?
Non, aucun traitement ne le permet d’ailleurs. Le problème, c’est que le VIH se cache dans les cellules, et y reste en “dormant”. Même sans trace dans le sang, il suffit par exemple d’un arrêt du traitement pour qu’il se réveille et se multiplie dans l’organisme. C’est ce que l’on appelle le “réservoir viral” qui se met en place très vite, quelques heures seulement après l’infection.
L’Express