Sans se presser, Djim Kébé, à peine éveillé, ouvre la portière de son Berliet chargé à ras bord ce vendredi 12 février 2016 à la rive du fleuve Gambie. Depuis qu’il est arrivé au niveau du bac de Farafegni, dimanche 7 février, ce vieux chauffeur de camion dort sous la belle étoile, comme ses compagnons de fortune.
Ils sont plus d’une cinquantaine à attendre, dormant, à la tombée de la nuit et avec les moustiques, dans la cabine de leur mécanique, un signal pour se retrouver à l’autre rive, à destination de Kaolack et d’autres villes du Sénégal.
Un signal qui intervient souvent au bout de plusieurs jours de patience, également lorsque les poches commencent à se vider de leurs dernières économies. Avec ses dents rougies par la kola, Djim emprunte, depuis 21 ans, cette voie reliant la Casamance au Nord du Sénégal via la Gambie. Et il a entendu parler de cette taxe de 400 mille francs Cfa que Banjul veut imposer aux gros porteurs sénégalais.
«Oui, j’ai entendu parler de cette nouvelle mesure, mais jusqu’à présent, on ne nous a rien dit. Moi, je suis arrivé ici depuis dimanche (7 février), et j’attends de traverser», lance le vieux Djim Kébé, assis au bord de son volant. Pour lui, avec cette annonce de Banjul de faire payer 400 mille francs Cfa aux camions sénégalais, les difficultés ne font que commencer. Moulé dans un pull-over sombre, le conducteur est inquiet: «C’est très difficile si on doit payer 400 mille francs Cfa pour traverser la Gambie. C’est très au-dessus de la valeur du chargement actuel de mon camion qui n’équivaut que 300 mille francs Cfa. C’est insensé», lance Djim Kébé. Puis il continue en additionnant les dépenses qu’il a effectuées depuis son arrivée au niveau du bac. «Ici, le petit déjeuner, même s’il est restrictif, est vendu au moins à 500 francs Cfa. Le repas et le diner coûtent au bas mot trois mille sans compter le sachet d’eau. Rien que pour la journée, on peut consommer jusqu’à cinq mille francs Cfa», énumère-t-il, tout en fustigeant la corruption au niveau de Farafegni. Faites le calcul pour cinq jours de consommation.
Au pied d’un autre camion, trois chauffeurs s’abritent des rayons de soleil. A force de vivre depuis quelques jours sur les lieux, ils ont fini de former un petit club taquin. Eux aussi ont entendu parler de la taxe de 400 mille francs Cfa. Birane Guèye, un chauffeur ne possédant pas son propre camion, accuse les autorités sénégalaises de passivité face aux décisions «disproportionnées» de Banjul. Cependant, il précise se conformer aux décision de son employeur qui trace son itinéraire une fois le camion chargé. Pour cela, pour rallier Dakar, Birane Guèye n’exclut pas de passer par Tamba. En attendant, de concert avec ses collègues, il demande à l’Etat de baisser le prix des carburants.