Entre le pouvoir, le peuple et les réseaux homosexuels, il existe bel et bien un jeu de yoyo qui ne dit pas son nom. Sac à main pour un homme : ça sonne mal à l’oreille de l’homo senegalensis que nous sommes. Bref précisons. De l’histoire du sac du jeune chanteur Waly Ballago Seck à la sentence de l’Ong Jamra, l’homosexualité a atteint l’étape d’une réalité rampante entre le sociétal et la question sociale au Sénégal.
Tel un phœnix qui renaît de ses cendres, à chaque fois que le peuple croit l’avoir dépassée, on la lui ramène en pleine figure comme si des forces tapies dans l’ombre veulent en faire une banalité dans un pays où musulmans et chrétiens la réprouvent totalement. En réalité, la question de l’homosexualité dépasse bien l’entendement du jeune chanteur Waly, mais il faut pour nous, le comprendre et l’aider à saisir le sens et l’essence d’un imbroglio eschatologique autour de lui et des siens.
Un rétrospectif à la fois historique et idéologique aiderait, peut-être, ses acolytes, ses fans et beaucoup de jeunes sénégalais comme lui qui n’arrivent pas à comprendre ce qui se déroule sous leurs yeux. En effet, entre 1947 et 1989, les Etats-Unis et l’Union Soviétique se sont mené une lutte acharnée pour le contrôle du monde sous les bannières respectives du capitalisme et du socialisme. C’est au moment où les soviets ont commencé à boire du Coca-cola et à porter des jeans que l’Empire soviétique a accusé ses premiers coups de fléchissement. La réalité est simple et nous n’avons besoin d’épiloguer davantage sur l’histoire pour poser le problème. Dans le monde actuel, tout se passe par la mode, ainsi va le système de production capitalistique. N’est-ce pas Gustave Flaubert qui affirmait que, «quand tu appartiens à une mode, quand la mode sera dépassée, tu seras démodé». Certes, tout se passe vite dans le «showbiz», mais le suivisme frénétique de la mode peut être dangereux pour un artiste, voire même suicidaire sous nos cieux. Et vous ne pouvez alors guère vous prémunir de la «licence» culturelle pour accepter et incorporer tout ce que la mode vous impose !
Le capitalisme triomphant impose, à travers la dynamique trilatérale, un cadre d’épanouissement où la franc-maçonnerie et l’homosexualité occupent une place de choix. Telles les deux faces d’une pièce de monnaie, leur statut de servant du système fait que l’un ne peut aller sans l’autre. Le libéralisme ancien ne pouvait pas se passer de religion. Alors, il empruntait aux sociétés du passé ses systèmes de légitimation. Maintenant qu’il pense avoir éliminé l’essentiel des forces de résistances, l’existence d’une justification transcendante est moins pesante. Fondé sur le calcul, sur la rationalité économique, sur la tyrannie des ratios et des quotas, le capitalisme trouve dans la science moderne un outil des plus précieux, mais aussi un système de légitimation qui veut prendre la place du religieux.
A tout égard, la religion devient un obstacle au développement du capitalisme et de l’homosexualité. Quand les autorités religieuses s’opposent aux manipulations sur les embryons humains, elles entravent évidemment la bonne marche du progrès. Quand elles refusent les fécondations in vitro et les «mères porteuses», elles freinent le processus d’adoption et de reproduction des homosexuels. Ainsi «impudentes qu’elles sont» aux yeux des franc-tireurs, les religions ferment un champ potentiel d’accumulation du capital.
Par contre, lever les tabous sur l’homosexualité a permis de créer un nouveau marché, celui de la gay attitude représenté par tout ce qui est vêtement serré, majestueusement appelés «prés du corps». Les tabous religieux sur la vie humaine et l’incompressible besoin d’affronter la question de la mort ouvrent un nouveau marché, un nouveau champ d’accumulation du capital. La religion et les confréries deviennent alors des soupapes de protection et de résistance. Ainsi la poussée islamiste apparaît-elle comme une réaction à l’extension du mode de vie et des valeurs occidentales qui portent l’homosexualité.
Le terrain est alors balisé et il ne reste de place que pour le débat sociétal, entre ceux qui s’occupent uniquement du bien-être terrestre et veulent la recherche sur les embryons, le mariage homosexuel et l’euthanasie et ceux qui défendent les droits de Dieu. Ces derniers proclament que la vie humaine existe dés que le spermatozoïde rencontre l’ovule, condamnent l’homosexualité sous toutes ses formes comme contre nature et dénoncent l’euthanasie comme un crime contraire à la loi divine. Sans parler des maîtres sophistes du dépassement des contradictions comme Bertrand Delanoë. Homosexuel déclaré et champion du libéralisme sociétal, il donne à une place de la ville de Paris, le nom de Jean-Paul II, comme l’avait fait un ancien président franc-maçon du Sénégal sur une Avenue de Dakar qui porte le nom d’un grand marabout sans que le peuple n’en pipe mot. S’ils nous prennent pour des faire-valoir, ils se trompent lourdement.
La substitution du sociétal au social joue ainsi un rôle décisif dans l’étouffement de toute critique radicale de l’homosexualité. En Europe, alors que les défilés ouvriers du 1er mai ne rassemblent plus guère que quelques cortèges de militants, la grande manifestation du printemps est désormais la gay pride. Ces mouvements sociétaux effacent les conflits des classes en leur substituant d’autres antagonismes : partisans et adversaires, homophiles et homophobes. Ce qui fait que riches, pauvres, paysans, gay et lesbiennes sont unis dans leur statut de victimes de préjugés homophobes. L’ancien Président du Conseil affirmait que, depuis 1960, notre économie en étant transformée «en marché d’esclaves, fut livrée pieds et points liés au capitalisme international et à ses servants». Depuis, beaucoup d’eau a, certes, coulé sous les ponts mais, de l’affirmation d’un ancien président de la République : «J’étais franc-maçon mais je ne le suis plus», à la construction du Monument de la renaissance de la franc-maçonnerie africaine, en passant par la civilisation de l’universel du président poète, le pas est vite franchi. Il s’agit maintenant de faire tomber les deux grands remparts qui constituent le socle de la résistance contre sa légalisation : Touba et Tivaouane. Le peuple est averti et nous n’avons pas besoin de gants pour l’affirmer haut !
Sawrou FALL
Doctorant Histoire
UCAD, F1 B2 HG FASTEF