Fraîchement élu président de la République du Sénégal, Macky Sall choisit de privilégier la diplomatie du bon voisinage. Et le premier à le recevoir fut Yaya Jammeh. Premier acte de rupture d’avec un usage consistant, pour les nouveaux présidents de l’Afrique francophone, à réserver leur première visite à l’ancienne métropole : la France de nos ancêtres, les Gaulois.
Pour autant, cela ne le prémunit point contre les croupières que lui taille, chaque fois que de besoin, son turbulent voisin. Première escarmouche : l’exécution de plusieurs détenus condamnés à la peine capitale dont deux Sénégalais. Macky Sall, de retour d’un voyage à l’étranger, convoque la presse au Salon d’honneur de l’aéroport, fronce les sourcils et gronde littéralement son imprévisible voisin. Yaya Jammeh bat en retraite et dépose le sabre. Au propre, comme au figuré. Mais, c’était sans compter avec le naturel de Doctor, Professor A. J. J qui, à la première occasion, fonce, bille en tête, sur Macky Sall. Le coup d’Etat déjoué en Gambie en sera le prétexte. Le Président gambien accuse son homologue sénégalais d’abriter ceux qui veulent lui faire la fête. Les gages consistant à déclarer ses opposants persona non grata n’y feront rien. Jammeh croit, dur comme fer, que ses voisins, Wade puis Sall, ne lui veulent pas que du bien. Allant jusqu’à caricaturer, en des termes peu élogieux, les deux dirigeants post-alternances. Macky en aura pour sa dose. Jammeh le traite de «marionnette de la France».
Avec la Guinée, ce n’est guère mieux. Ebola aura été comme un virus dans les relations passablement mauvaises entre Dakar et Conakry, depuis que Condé s’est dit convaincu que le Sénégal roulait pour son opposant, Cellou Dalein Diallo. Toutefois, l’inimitié réciproque était jusque-là contenue dans les limites du diplomatiquement acceptable. Elle atteint son paroxysme lorsque Macky Sall décide de la fermeture de sa frontière avec son voisin atteint. On le sait, c’est dans les difficultés que l’on reconnaît ses amis. Ses ennemis aussi. Le Sénégal reçoit, soigne et guérit le «cas importé» de…Guinée. Et décide de l’y renvoyer sans coup férir. La Guinée ferme ses frontières aériennes à l’aéronef spécialement affrété pour ramener chez lui le jeune Guinéen. Niet de Conakry qui lui interdit l’atterrissage. Obligeant l’équipage à faire demi-tour pour se poser à Kédougou pour, par la route, ramener le colis encombrant dans son pays. Condé est dans tous ses états. Le Sommet de la Francophonie est une occasion rêvée pour exprimer à Macky toute sa colère. Verres de soleil sur le nez, masque des mauvais jours, poignée de mains glaciale… Tout y passe pour manifester sa mauvaise humeur. Ce qui s’avèrera payant. Resté quelques jours à Dakar, Condé est reçu par Macky. Autour d’un déjeuner, les deux se parlent entre hommes, soldent les comptes et décident de mettre l’éponge.
Entre Dakar et Bamako, les relations sont au ‘je t’aime, moi, non plus’. Elu président de la République, IBK multiplie les visites de courtoisie. Il se rend jusqu’au Tchad. Il a fallu que la presse médiatise le constat que tout le monde a fait pour qu’il daigne, enfin, se poser chez nous. Mezza voce, IBK reprocherait à Macky Sall d’avoir donné un coup de pouce à son challenger, Soumaïla Cissé.
Malgré tout, Sall multiplie les gestes de bonne volonté. Aux funérailles de la grande sœur de Condé, c’est pas moins de sept ministres de la République qui se rendent à Conakry pour présenter les condoléances du chef de l’Etat sénégalais. Quand le deuil frappe Ould Aziz, c’est toutes activités cessantes que le couple présidentiel se rend à Nouakchott. Au lendemain de l’attaque terroriste contre l’hôtel Radisson Blu de Bamako, Sall a été le premier chef d’Etat étranger à se rendre au Mali pour exprimer sa compassion au peuple malien. Cela suffit-il, pour autant, à huiler les relations ? Rien n’est moins sûr.