Le Président Macky Sall est arrivé hier à Touba pour faire son «magal» à quelques jours de la célébration du 18 Safar marquant la date anniversaire du départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba. Au-delà de la «tradition» à respecter, le chef de l’Etat est en opération de séduction dans une zone qui risque de peser à la prochaine présidentielle, surtout si certains contentieux ne sont pas vidés. Abdoulaye Wade l’avait instituée, Macky Sall la perpétuée. Il s’agit de cette visite que l’actuel locataire du palais de l’avenue Léopold Sédar Senghor et son prédécesseur ont l’habitude d’effectuer dans la ville sainte de Touba à quelques jours du Magal de Touba.
S’il s’agit là d’une «tradition» que le président de la République tient à respecter, force est aussi de reconnaître que cette visite intervient dans un contexte de quasi campagne électorale pour Macky Sall, candidat à sa propre succession. Et le patron de l’Alliance pour la république (Apr) le sait. Malgré le discours tendant à faire croire à une victoire au premier tour, la réélection n’est pas gagnée d’avance comme un cadeau dans sa boîte. C’est donc à ce niveau que Touba et ceux qui se réfèrent à son autorité risquent de peser lourd lors de la prochaine présidentielle. Or, Macky Sall sait qu’il est loin d’avoir la même assise politique que son prédécesseur à Touba et dans le Baol. En réalité, Abdoulaye Wade a toujours été accepté par la hiérarchie et les talibés mourides comme membre à part entière de la communauté. Tout le contraire de Macky Sall. Pourtant, ceux qui le connaissent disent de lui qu’il a fait son acte d’allégeance auprès du défunt Serigne Mbacké Sokhna Lô, fils de Serigne Cheikh Mbacké Gaïndé Fatma. Et ce, bien avant son arrivée au pouvoir. Allégeance renouvelée auprès de Serigne Abdou Fatah Mbacké après la disparition de Serigne Mbacké Sokhna Lô. Mieux, Macky Sall fut proche de Serigne Bara Mbacké Falilou et il est le dernier homme politique reçu par Serigne Saliou Mbacké avant sa disparition en décembre 2007. Malgré tout, Macky Sall est toujours considéré comme «un mouride par opportunisme». C’est qu’entre Macky Sall et Touba, il y a des contentieux qu’il va falloir vider au plus vite pour éviter un camouflet à la prochaine élection. Déjà que la couleur a été donnée aux dernières élections locales. En réalité, les malentendus entre Macky Sall et Touba remontent à l’entre-deux tours de la présidentielle de 2012 avec cette sortie où il traitait les marabouts de «citoyens comme tous les autres». Il est évident que les hautes autorités de Touba comme celles des autres foyers religieux ne lui en ont pas tenu rigueur. Mais pour le mouride, traiter le marabout de «citoyen comme tous les autres» ne passe pas. Et toutes les occasions sont bonnes pour le rappeler au chef de l’Etat. Il s’y ajoute que, après son arrivée au pouvoir, Macky Sall n’a rien fait pour lever les équivoques. S’il a rétropédalé par rapport à certaines déclarations, il ne s’est jamais déjugé. Pis, des dignitaires mourides comme Cheikh Béthio Thioune ont été envoyés en prison. Des passeports diplomatiques retirés à de nombreux marabouts. C’est aussi sous Macky Sall que Serigne Assane Mbacké, petit-fils de Serigne Falilou Mbacké, a été arrêté et envoyé en prison suite à l’incendie des biens de Moustapha Cissé Lô, fidèle du chef de l’Etat. Justement, Cissé Lô, lui-même, crée des difficultés à Macky Sall à chaque fois qu’il ouvre la bouche à Touba. C’est donc pour vider ces contentieux parmi tant d’autres que Macky Sall fait la cour à Touba. Conscient que quand on se représente, il faut trouver un second souffle, le chef de l’Apr a donc besoin de Touba. L’opération de séduction passe certes par des réalisations comme l’autoroute «Ila Touba». Mais le plus grand chantier sera de remplacer Wade dans le cœur des gens de Touba et environs dont le poids électoral est loin d’être négligeable. C’est presque devenu une urgence pour ce candidat à sa propre succession qui risque de trouver les obstacles Khalifa Sall à Dakar et Idrissa Seck à Thiès, en plus d’Abdoulaye Baldé à Ziguinchor. Le Baol, Thiès et Dakar faisant plus de 50 % de l’électorat au Sénégal, il serait quasi impossible de passer au premier tour sans y gagner. Or, Macky Sall sait qu’il ne peut pas compter sur le seul Benno Bokk Yaakaar, une alliance avec des roses, mais aussi de nombreuses épines.
Moustapha DIOP