Mme Fatimé Godi et Awada Guederke Ali, membres de la communauté Hajarays, n’ont pas fait dans la dentelle pour montrer la cruauté de Habré et de ses hommes. Ils sont, tous les deux, témoins et parties civiles au procès.
Les auditions des témoins se poursuivent et se ressemblent, au procès de l’ex-président tchadien. Témoins et parties civiles, deux personnes entendues, hier, continuent de charger Hissène Habré pointé comme responsable des exactions, tortures et exécutions commises sous son régime. C’était l’œuvre de la Direction de la documentation et de la sécurité (Dds) envers la communauté Hajarays. Première à ouvrir le bal des auditions, Mme Fatimé Godi née Toundé, veuve d’Haroun Godi, a fait part des exactions et injustices que sa famille a subies après la fuite de son mari, Haroun Godi. Membre influent de la communauté Hajarays, son époux était pourtant un proche collaborateur de Habré pour avoir occupé les fonctions de diplomate aux ambassades du Tchad, de la Roumanie et de Bruxelles. D’après toujours son épouse qui était en train d’être auditionnée, Haroun Godi a également assuré les fonctions de secrétaire d’Etat à la Santé avec rang de ministre.
Après avoir joué les rôles de médiateur entre le chef de la communauté des Hajarays, Mbaldoum Abass et le président Habré, il sera soupçonné de s’être ligué avec le Mosanat (l’armée de rébellion de Mbaldoum Abass). Godi va fuir le régime de «terreur» en abandonnant sa famille. Sans livrer les détails de l’arrestation et de l’emprisonnement de son époux, Mme Godi a fait savoir à la Cour que c’est sur un communiqué de presse lu sur les ondes de la radio gouvernementale qu’il a été mis au courant de l’exécution de son mari, Haroun Godi, pour trahison.
Pour montrer le lien entre la mort de son mari et Habré, le témoin a expliqué la présence des deux lieutenants de Habré, Mouhamed Bidon et El Jonto, à son domicile à la recherche de son mari en fuite. Comme les autres victimes, Mme Godi a également fait état de la spoliation et de la saisie de ses biens où leur domicile a été remis à un membre de la communauté Goranes à laquelle fait partie Habré. Au terme de son audition, Mme Godi profitera de l’occasion pour inviter l’ex-homme fort de N’Djaména à être courageux et à clarifier la situation dans laquelle son époux, Haroun Godi, est disparu. Une interpellation qui va rencontrer l’oreille d’un sourd. Puisque Habré n’a pipé mot.
L’audition Mme Godi achevée, le Tribunal spécial a entendu Awada Guerderke Ali qui a témoigné de la cruauté qui s’exerçait dans les geôles de la Dds. Militaire de l’armée nationale, il lui est reproché d’être proche de la rébellion de Maldoum Abbas. Il sera ainsi pris au collet et conduit à la Dds où il y va passer trois longs mois de tortures et de supplices. Egalement témoin et partie civile, sous le feu roulant des question, Guederke Ali a exposé l’horreur des tortionnaires qui pratiquaient toutes sortes de supplices contre les prisonniers. «On était obligé de boire comme des animaux parce qu’ils versaient l’eau par terre», a-t-il témoigné. Non sans exposer ses séquelles : baisse de vue, perte de ses cheveux… Il n’a dû son salut qu’avec l’arrivée des troupes de Mbaldoum et Idriss Déby «Itno» qui ont renversé le régime de Habré, en décembre 1990.