Les périodes d’avant, pendant et après la fête de Tabaski sont un véritable casse-tête pour les travailleurs du nettoiement. Ces deniers font face à des tonnes d’ordures éparpillées dans différentes artères de la capitale. Aujourd’hui, les techniciens de surface se désolent du comportement peu citoyen des populations dans la production et la gestion des ordures.
A l’approche de l’Aïd el Kébir, les éboueurs s’inquiètent déjà. En effet, avant, pendant et après la fête, ces derniers font face à des tonnes d’ordures à travers la capitale. Cela, malgré le manque de moyens matériels auquel ils font face. En cette période de préparation de la Tabaski, les marchés poussent comme des champignons à travers les différents quartiers de la ville. Les rues, ruelles et autres espaces publics sont transformés en mini-marchés le temps d’une fête. Les commerçants, après avoir vendu leurs marchandises, ne se préoccupent plus de la salubrité des lieux qu’ils ont occupés pendant plusieurs jours. Ainsi, durant toute la période de préparation et de célébration des fêtes, les techniciens de surface vivent dans le cauchemar des ordures.
Faisant partie d’une équipe de ramassage d’ordures, Amadou Sané soutient qu’ils travaillent dans des conditions difficiles. «Car, explique-t-il, toutes les conditions ne sont pas réunies pour que les travailleurs du nettoiement mènent à bien leur mission de rendre propre les artères de la capitale et sa banlieue». Ces difficultés, indique-t-il, sont davantage accentuées par l’hivernage avec les inondations notées dans certains quartiers. Cette situation n’arrange pas les camionneurs qui déversent les tas d’ordures de la ville à la décharge de Mbeubeuss. Et pour cause, les routes, qui mènent vers cette zone de stockage d’ordures, sont coupées en deux. Ainsi, ils sont obligés de faire de grands détours pour arriver au lieu de décharge. Alors que chaque jour que Dieu fait, ce sont des centaines de camions qui acheminent les ordures sur ce site. Certains peuvent faire deux à trois rotations par jour.
«Les inondations nous font perdre beaucoup de temps et d’énergie. C’est un gros problème pour nous. Parce qu’elles compliquent le transport des ordures. D’abord, pour accéder à Mbeubeuss, c’est la croix et la bannière. Puisque, c’est une zone marécageuse. Là où on faisait trois rotations, on ne fait qu’une rotation. C’est pourquoi, il y a des dépôts sauvages partout», signale-t-il.
En plus de ces difficultés, M. Sané reconnaît que les camions sont vétustes et ne répondent plus aux normes. D’où la nécessité, selon lui, de procéder à un renouvellement du parc d’automobile. Non sans relever que les nombreuses fêtes ne leur facilitent pas le travail. «Durant la période des fêtes, les populations produisent plus d’ordures que d’habitude. Maintenant, les gens ne mettent même plus les ordures dans les poubelles, mais dans la rue. Avant, il y avait des espaces réservés uniquement aux ordures. Mais, ce n’est plus le cas. Ce qui rend notre travail encore plus complexe», se lamente le technicien de surface.
De son côté, son collègue Elimane Ndir s’offusque du comportement des populations. A son avis, ces dernières ne se préoccupent plus de leur environnement et de leur bien-être. «Aujourd’hui, les gens ne cherchent plus à préserver leur santé. Partout, il y a des îlots d’ordures. Ce qui n’est pas normal», s’offusque-t-il.
Le constat est que dans la capitale, les ordures envahissent les coins et recoins, après chaque grand événement. Et ce, pendant plusieurs jours. Malheureusement, ce sont ces périodes qui sont souvent choisies par les travailleurs du nettoiement pour décréter des mots d’ordre de grèves limitées ou illimitées pour exiger l’amélioration de leurs conditions de travail. Et c’est parce que, chaque année, pendant que les autres marquent allégrement la fête en savourant les morceaux de viande, ces travailleurs sont sur le terrain en train de balayer et de ramasser les rues et ruelles de la ville.
L’indiscipline des populations à l’origine du mal
Le coordonnateur du Front unitaire des syndicats du nettoiement (Fusn), Madani Sy, renseigne que les techniciens de surface sont confrontés à d’énormes difficultés, liées à la surproduction d’ordures durant ces périodes de fêtes. Non sans s’indigner de l’indiscipline notoire qui caractérise les citoyens sénégalais. Il affirme que «les gens font ce qu’ils veulent». «Regardez les foirails clandestins qu’il y a au niveau de chaque coin de rue dans Dakar, quand ils terminent de vendre leurs moutons, ils abandonnent tout sur place. On dirait qu’il y a une absence d’autorité dans ce pays», dénonce-t-il. «Et le pire dans tout cela, note-t-il, est que les agents du nettoiement ne sont pas aidés par les Collectivités locales qui collectent des taxes auprès des commerçants pour soi disant nettoyer les ordures».
La gestion des ordures, selon le syndicaliste, en période de fête est très difficile. Parce que, justifie-t-il, la Tabaski rime avec surproduction d’ordures et occupation anarchique de la voie publique. «Il y a une frange de la société qui nous crée des problèmes, parce que c’est elle qui produit les ordures et c’est elle qui détruit le cadre de vie», regrette-t-il en indexant les commerçants. A l’en croire, il faut être psychologiquement très fort pour être technicien de surface. «Personne ne peut cohabiter avec la saleté», tranche-t-il, avant de préciser qu’ils évoluent avec «un métier très noble».
En outre, il estime qu’il urge de mener une politique d’octroi de moyens pour faire face à l’insalubrité de la capitale. «On ne peut pas arrêter la mer avec nos bras. Il faut de la logistique, des moyens suffisants pour que le travail puisse se faire dans les règles de l’art», plaide-t-il. Pour délivrer les populations de la cohabitation avec les ordures, les travailleurs du nettoiement disent avoir mis en place un système dénommé : «Avant, pendant et après (Apa)». Pour ce faire, ils ont recruté des volontaires pour mener à bien cette mission draconienne.